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Rencontre avec Célia Wa et son Karibfutursound

Dernière mise à jour : 1 août 2023

Célia Wa, un nom pour une artiste au talent indéniable dont la carrière ne fait que décoller. Grande révélation du festival Terre de Blues 2023, la chanteuse originaire de Sainte-anne en Guadeloupe a su ravir les cœurs mais aussi les oreilles d’un public hétéroclite conquis par son Karibfutursound. Face à nos caméras, elle est revenue sur sa carrière, sa récente prestation au Festival Terre de Blues de Marie-Galante, son EP Wastral et ses projets à venir.





Son nom ne vous dit peut-être pas grand-chose ou sans doute, seuls les afficionados de musiques traditionnelles alternatives la connaitront. Pourtant, Célia Wa entre pas à pas dans la cour des grands artistes. Il faut dire que son talent est indéniable.

Chanteuse, flutiste, compositrice, autrice mais avant tout grande révélation du festival Terre de Blues 2023, la chanteuse native de Paris mais qui a grandi à Sainte-anne en Guadeloupe, a su ravir les cœurs mais aussi les oreilles d’un public hétéroclite conquis par son Karibfutursound.

Face à nos caméras, elle est revenue sur sa carrière, sa récente prestation au Festival Terre de Blues de Marie-Galante, son EP Wastral et ses projets à venir.




The Link Fwi : Bonsoir Célia Wa soyez la bienvenue sur The Link Fwi. C’est un plaisir pour nous de te recevoir dans notre émission “ Rencontre avec “ Pour celles et ceux qui ne te connaissent pas, qui es-tu ? Qui est Célia Wa ?

Célia Wa : Bonjour à tous, c’est moi Célia Wa. Alors, pour répondre à la question de “ qui suis-je ? “ Je suis musicienne c'est mon métier donc je suis flutiste chanteuse autrice compositrice percussionniste également puisque j'ai commencé par le Gwo ka.

TLFWI : Quel est ton parcours musical ? Et quand as-tu commencé la musique ? Quel fut le déclic ?


Célia Wa : J’ai commencé la musique je devais avoir 9 ans donc j'ai commencé à l'atelier Vélo à Valette à Sainte-Anne. C’est ma première expérience musicale. Ensuite, j’ai très évolué au sein du groupe Kimbol, j'y suis resté durant douze ans et grâce à qui j’ai découvert la scène (à cet âge là). J’ai d’abord commencé par le tambour puis je suis passé par la flûte traversière donc vers l'âge de 10 ans. On jouait beaucoup de gwoka et de biguine. Le chant faisait aussi partie du cursus.

Après, j'ai mis du temps avant de décider d'en faire mon métier. En effet, c'est que bien plus tard que je me suis dit "non là je veux devenir professionnelle" puisqu’avant un certain âge je ne pensais pas que ça pouvait être un métier en tout cas qu’une pratique artistique pouvait devenir une profession puisque je n'avais pas d'exemples autour de moi.


The Link Fwi : As-tu étudié la musique où es-tu complètement autodidacte ?

Célia Wa : j'ai étudié j'ai fait une école de jazz dans l'Hexagone où je me suis formé à peu près 4 ans donc là j'ai découvert l'harmonie mais surtout un autre répertoire et toute une culture parce que j'avais déjà entendu quand même du jazz mais je ne connaissais pas vraiment les classiques ni même les musiciens et le “langage “ qui est complètement différent des autres styles de musique de mon territoire comme le gwoka. Toutefois, cela ne m’était pas complètement inconnue puisqu’à travers le gwoka avec quand même tout ce qu’est improvisation j'avais donc cet apport. Je peux dire que le jazz a été une façon de pousser les choses plus loin et de découvrir aussi l'harmonie donc le clavier, le piano et d'entendre aussi d'autres couleurs. A la fin de cette école de jazz, j'ai rencontré d'autres musiciens et j'ai commencé à vraiment composer mais c'est à ma sortie de l'American School que j'ai sorti mon premier EP puisque j'avais plus d'outils pour exprimer ce que je voulais.




TLFWI : On sait que tu as commencé par le gwoka aux côtés de George Troupé, est-ce lui qui t’a transmis cet amour pour la musique ? Et comment étaient les cours avec lui ?

Célia Wa : Monsieur Troupé était un homme très pédagogue. Toutes les personnes qui sont passées avec lui qui ont eu des cours avec lui pourront vous le dire que c'était quelqu'un qui arrivait à détecter en chaque enfant chaque personne le potentiel en fait et c'est vrai que moi, il m'a très vite motivé. Il m’a vite mise en avant, mise en valeur alors que je ne pensais même pas avoir tout ce potentiel en moi en fait et tout ce qui nous a transmis également c'est cette ouverture d'esprit cet ancrage puisque du coup le gwoka était le passage obligé. Nous étions obligés de connaître les sept rythmes du tambour avant de commencer quelque instrument que ce soit. En fait, le gwoka était le passage obligé que tout le monde devait faire la première année de cours. Pour monsieur Troupé, le gwoka était vraiment un style de musique comme un autre et qu'il fallait considérer cela comme une véritable richesse. Selon lui, cela nous permettrait par la suite d'avancer sans complexe. C’est d’ailleurs ce que je vérifie aujourd’hui, on arrive avec quelque chose, on n'arrive pas les mains vides comme quand on est invité chez quelqu’un, c'est toujours mieux d'arriver avec quelque chose (rires). Non mais on est d’égal à égal et c’est ce qu’il nous a toujours enseigné en nous disant : "vous verrez quand vous irez à l'extérieur que cette musique-là elle fait partie de vous et elle fait partie de votre identité après vous pouvez faire ce que vous voulez, vous pouvez apprendre plein d'autres styles parce que la musique c'est universel. Il était dans ce message d'échange, de partage et d'égalité et je pense que c'est ce qui m'a aidé aussi à pas avoir forcément de limite ou de tabou à mélanger à créer et à tester des choses parce que pour moi la musique c'est de la musique en fait peu importe le style l'esthétique qu'on fait.



The Link Fwi : La plupart des artistes qu'on reçoit nous parlent de leurs artistes préférés. Quels sont les tiens ? Quelles sont les personnes qui t'ont donné envie de faire de la musique et de venir professionnelle ? Alicia Keys ? Alicia Keys ? (rires)

Célia Wa : Non pas forcément mais c'est quelqu'un que j'ai beaucoup écouté, pendant mon adolescence mon enfance. Personnellement, pour les artistes que j’aime, il y a des extrêmes. Il y a par exemple Guy Konkèt, Eugène Mona à Erika Badu, D'Angelo à Miles Davis, John Coltrane. Ce sont des personnages, des personnes, des musiciens qui m'ont beaucoup marqué parce qu'ils avaient vraiment un univers affirmé et j'ai l'impression qu'ils ont apporté quelque chose à la musique et c'est vrai que j'espère humblement pouvoir apporter aussi quelque chose enfin moi ce que je me suis dit quand je me suis lancée enfin dans mes premières compos je me suis dit : " j'aimerais apporter quelque chose" et c'est pour ça que je me suis beaucoup attachée à développer ce que les gens vont appeler mon univers ou des choses comme ça et avoir mon propre son pour moi c'était important parce que je me suis dit "on est tous uniques et c'est ça qui est intéressant c'est que chacun peut apporter quelque chose dans cet univers là donc voilà. Après j'ai pas des gens qui m'ont inspiré et je me suis dit “ah je vais être professionnelle par rapport à eux “

Franchement j'ai choisi d'être professionnelle, le jour où j'ai compris qu'on pouvait gagner de l'argent en étant artiste. Mon premier cachet, je l'ai touché en tant que danseuse, c'était improbable mais je faisais du hip-hop à côté et j'ai passé des auditions pour l'expérience et j'ai été prise. Je devais avoir 19 ans et j'ai touché mon premier cachet, pour moi c'était énorme parce qu’en ayant grandi en Guadeloupe, il y a plein de gens qui dansent super bien plein de gens qui chantent qui jouent et pourtant ils ne gagnent pas d'argent avec ça donc pour moi ce n’était pas forcément vraiment une source de revenus et là j'ai découvert que si, qu'il y avait tout un monde, l'intermittence, il y avait des compagnies. C'est après que j'ai vraiment réfléchi et que je me suis dit : "quitte à faire un métier artistique j'aimerais être musicienne" et c'est là où j'ai repris et que j'ai découvert que oui c'était possible.

TLFWI : C’est vrai que tu viens d’aborder la question suivante en évoquant ta première expérience en tant que danseuse mais peux-tu nous parler de toutes tes expériences ? De tes premières expériences en tant que musicienne ?

Célia Wa : Honnêtement, il y en a eu pleins mais oui c'était ma première expérience en tant que danseuse c'était dans une compagnie je me rappelle plus du nom mais après le plus gros truc que j'ai fait c'était pour la comédie musicale Kirikou mais ça date (rires) après j'ai fait plein de choses en fait Par exemple, j’ai aussi travaillé avec beaucoup d'artistes, là notamment David Walter j'étais sur sa tournée pendant deux ans mais après j'ai beaucoup travaillé avec lui sur l'écriture la composition de certains de ses morceaux. Je travaille aussi beaucoup avec Sony Troupé et Casey qui est une rappeuse, si vous ne la connaissez pas, je vous invite à la chercher sur Youtube ou sur les réseaux sociaux, elle est là depuis longtemps et c’est elle qui a écrit le titre “ Chez moi “ une plume très incisive et donc nous avons un projet rap enfin hip-hop Ka ça s'appelle " ExpéKa “ qui va sortir bientôt. J'ai aussi accompagné d'autres artistes et ils étaient nombreux comme Erik Pedurand au début de sa carrière. Puis, au-delà ça, je travaille aussi avec des comédiens sur des pièces de théâtre, j’ai notamment collaboré avec la compagnie de Maroussia Pourpoint en tant qu’instrumentiste. Je compose également, pour un podcast qui s’appelle “ Réparation ” qui était une grosse commande et c’était la première fois que je faisais ça. J’ai composé aussi pour des contes. Toutes ces expériences me permettent de pouvoir toucher à plusieurs choses, certaines ne sont pas mises en lumière mais je fais tout ceci.

The Link Fwi : Comment définirais-tu... Enfin, en lisant ta biographie, tu définis ton style comme du Karibbeansound peux-tu nous en parler ?

Célia Wa : C’est la grande question. On me demande assez souvent “ qu’est-ce que tu fais ? “ “ Quel est ton style ? “ comme je l’ai dit justement l'idée de base c'était d'apporter quelque chose et dans toute cette hybridité, comment définir ce qu'on fait ce n’était pas évident, j'ai réfléchi. Nous avons fait des brainstormings pour essayer de trouver qu'est-ce qui pourrait développer tout ça. "Karib" par rapport à la Caraïbe parce que je pense que voilà ce sont les sonorités les couleurs caribéennes. "Futur" parce qu'on est dans une projection dans quelque chose de plus futuriste si on peut dire mais pour moi le temps ce n’est pas quelque chose de linéaire donc ça peut être futuriste ainsi qu’ancestral et " Sound" pour le son qui arrive du futur voilà après je pense que je ne suis pas la seule dans cette mouvance à faire des mélanges et créer une musique hybride. C’est vrai que pour l'instant on a du mal à se définir donc c'est une proposition que j’ai faite. Après tout est possible, je fais de la musique et ça résonne chez les gens qui vont me parler de soul caribéenne ou dans le jazz. C’est assez varié mais c'est une bonne question et ça reste ouvert.




TLFWI : Combien de projets musicaux as-tu produit, réalisé et composé ?

Célia Wa : Alors j'ai mes deux premiers EP que j'ai autoproduit et pour le dernier Wastral là j'ai été accompagné par un label donc c'est le troisième et là actuellement je travaille sur mon premier album que j’espère publier l’année prochaine. Pour ne rien vous cacher, un album c'est quelque chose de plus gros, plus ambitieux. Donc pour le moment, trois EPs.

The Link Fwi : C'est vrai que tu as déjà parlé de la prochaine question. Quels sont tes futurs projets ? et tu nous as parlé de ton album est-ce que tu as déjà le nom ou le nom des titres ? Combien de chansons as-tu déjà écrites ? ou composées ? Ou ce sont justes des idées éparses ?

Célia Wa : Non non; le projet est déjà quand même bien avancé. Je crois avoir déjà une douzaine de titres mais bon ce n’est pas arrêté. Là je suis en train de structurer un peu les choses parce que je compose souvent. Mon processus est que je compose un peu seule, je fais des maquettes et après je travaille avec mes musiciens ou avec parfois d'autres arrangeurs. On est encore à la phase de la maquette. Je suis en train de voir de qui je vais m'entourer pour continuer mais j'ai hâte de proposer un nouveau projet et de continuer à développer l'univers et que ça touche encore plus de monde. Par exemple pour Wastral j'ai travaillé avec un musicien qui s'appelle Victor Vagh. J'ai collaboré aussi avec Sony Troupé qui n'est souvent pas trop loin en fait. Nous collaborons ensemble depuis longtemps. Dès que je propose des trucs, je lui envoie pour avoir son avis mais pour revenir à Victor Vagh, il a aussi produit Flavia Coelho. Il m'a vraiment apporté cette touche un peu plus électro, c’est d’ailleurs ce que je voulais de toute façon. Travailler avec lui a été cool, nous n’avions pas à beaucoup parlé. Je lui ai envoyé mes maquettes, ce que j'avais déjà enregistré et il a mixé le tout. Il a fait ça d'une manière où je n’ai pas eu grand chose à lui dire car il savait dans quelle direction je voulais aller. C'était super intéressant puisqu’habituellement je travaille seule et c'est vrai que ce n’est pas toujours évident de s'entourer et de trouver des personnes avec qui on se comprend assez rapidement. Notre vision était quasi similaire. Ensuite, j’ai été produite par le label Heavenly Sweetness qui est dans l'Hexagone et qui produit pas mal de musiques caribéennes. Ils ont notamment produit David Walters, d'ailleurs c'est grâce à lui je les ai rencontrés. Ils ont également produit de grands noms comme d'Edmony Krater qui faisait partie du groupe Gwakasonné. Franchement ils produisent énormément de choses intéressantes je vous invite à aller, aussi chercher.

TLFWI : Mais est-ce que le fait d'être accompagné, c'est mieux pour les finances ?

Célia Wa : Oh oui ! Déjà c'est plus sécurisant parce qu'effectivement le fait d'être produit, ce n'est pas toi qui va avancer les frais donc c'est sûr que c'est la sécurité. De plus, tu es plus en paix avec certaines choses donc en termes de créativité. Donc oui ça peut aider et après j'avais déjà tout. Comment dire ? j'avais déjà pas mal à avancer avant qu'ils arrivent donc la créativité est toujours là. Des fois c'est même dans les périodes difficiles que tu es le plus créatif donc ça dépend mais c'est vrai que ça aide et puis ça ouvre aussi l'horizon puisqu'eux ils ont aussi un réseau que je n'ai pas. Cela m’a permis d’être diffusé dans des médias nationaux comme RFI, FIP, France Inter, des endroits où je n’aurais peut-être pas été diffusé si j'étais en autoproduction. C’est tout un système. Disons-le clairement, aujourd'hui si tu n'as pas d'attaché de presse, si tu n'as pas un minimum de structures, tu peux travailler tout ce que tu veux, tu peux être super bon, si tu es seul, cela va être compliqué si personne n'est au courant que de ce que tu fais donc c'est important aujourd'hui qu'on se structure parce qu'il y a énormément de subventions en France. C’est un des rares pays où dans l'art il y a encore de l'argent, du moins de l’argent public. C’est vrai que nous aimons faire des papiers et il y en a beaucoup mais c’est important de savoir certaines choses. Quand j'ai découvert ça, je pensais que les gros labels avaient plein d'argent mais en fait ce sont les subventions qui financent les projets donc même une petite association, si elle est bien structurée peut aussi les avoir donc oui ça aide et c’est surtout plus sécurisant d’être en label pour la création et un territoire comme la Guadeloupe où il y a de nombreux talents, je trouve qu’il n’y a pas assez de structures, alors que le marché est là et qu’il y a des subventions. Selon moi, grâce à tout ce système existant, je pense que l’on pourrait faire beaucoup plus pour que les talents qui existent soient mis en lumière et qu’ils aient les moyens d’aller jusqu’au bout de leur créativité.


The Link Fwi : En écoutant Wastral, on sent la vague un peu aérienne et tu parlais au début d’électro avec des textes engagés qui parlent à la fois de notre histoire, l’histoire du peuple noir, les problèmes que les femmes rencontrent. Est-ce que ce sont des thématiques qui te tiennent à cœur ou c'est juste pour cet album ?

Célia Wa : Ces thèmes ont toujours été dans mes projets précédents. En fait, j'ai toujours eu ce côté un peu “ancré dans mon histoire” dans mes racines donc forcément venant de Guadeloupe, l'histoire est ce qu'elle est, il y a forcément un moment où l'on va parler d'identité. Comment on sort d'une aliénation? Comment on vit ? ou comment on avance et comment on s’ouvre au monde ? Il y a toute cette histoire qui fait partie de nous. Puis, comme je disais, en ayant commencé par le gwoka ou en chantant des textes de Guy Konkèt ou de Gérard Lokel, des auteurs locaux qui sont hyper engagés, je pense qu’inconsciemment cela a juste infusé dans mon cerveau même si quand j'étais petite, je ne comprenais pas la moitié de ce que je disais vraiment en tout cas le sens n'était pas clair pour moi. Cela m'a poussé à me trouver de façon identitaire en tant que guadeloupéenne. Pour moi, c'est vraiment grâce à la musique que je me suis plus senti guadeloupéenne. Je dis cela car je suis arrivé en Guadeloupe à six ans et c’était l’inconnu vu que je suis née et j’ai grandi en région parisienne. Du coup, quand je suis arrivée en Guadeloupe, à la campagne. Je me suis retrouvée avec des gens qui ne parlaient pas français et moi-même enfant, je ne parlais pas le créole et puis là où nous nous sommes installés, les gens parlaient le créole “ pur”, c’était un créole agricole (rires). J’ai mis du temps à me retrouver. Sans mentir je me suis sentie assez longtemps en décalage avec tout ça. Ce n’est que par la musique que j'ai pu comprendre un peu le pays, les gens, la langue et j’ai pu ressentir l’identité musicale.

Pour en revenir au texte, je passe par là parce que pour moi la musique a cette fonction de pouvoir faire passer des messages et je trouve qu’on a beaucoup de choses à dire encore puisque la parole a été silencée pendant des siècles donc allons-y.

TLFWI : On t'a récemment vu au festival Terre de Blues, quel est ton ressenti ? Est-ce que les gens te découvraient ? Encore sur un petit nuage. Contente des retombées ?

Célia Wa : C'est vrai qu'on ne s'y attendait pas. Enfin moi, je ne m’y attendais pas pour ne pas mentir. Après le public ça c'est sur. On a senti qu'ils étaient attentifs et c'était super. Je pense que oui, beaucoup ont découvert mon univers ce soir-là. Me concernant, j’ai fait comme d'habitude puisque je tourne depuis un moment avec Christophe Negrit, Xavier Belin, nous nous connaissons depuis des années et depuis tout ce temps nous jouons ensemble. Pour vous dire, on a joué dans de tous petits lieux comme dans des grosses scènes de festivals et à chaque fois l'objectif est de s'amuser aussi ce que nous avons fait. Ce n’est qu’après que je me suis rendu compte, qu'effectivement pour beaucoup c’était une découverte et ça les a touché. Pour moi, c'est ça aussi l'objectif, c'est que nous nous amusions et que cela touche les gens, que le message passe et qu'avec, l'émotion aussi et apparemment ce fut le cas. Je suis donc contente surtout que c’était l’une de mes plus grosses scènes chez moi, en Guadeloupe.




The Link Fwi : C’est vrai que le lieu était incroyable. Murat est une ancienne habitation coloniale...

Célia Wa : C’est clair. A vrai dire, j'y ai réfléchi aussi beaucoup avant puisque forcément ce sont des lieux qui sont chargés tant de façon historique qu’émotionnelle. Je suis très sensible à cela, c’est comme si on a gommé toute une partie de l'histoire. Il n'y a pratiquement pas de sépultures, des milliers de personnes qui sont mortes. On ne sait pas où sont les corps. Il y a tout ce pan de notre histoire qui est délicat et c’est vrai que moi face à cela, je me dis “ il est temps qu'on libère aussi toutes ces âmes qui sont là et qui sont mortes en anonymat qui ont eu aucun respect dans leur vie. Elles ont été enchaînées toute leur vie. Au final, elles n'ont pas eu de sépultures et je m'attache beaucoup à honorer ces mémoires, raison pour laquelle, j’ai choisi de jouer comme premier titre, le morceau “ Engraved”. Un morceau pour les honorer. Je l’ai fait intentionnellement. Il fallait que je le fasse pour ces oubliés. C’était hyper important pour moi.

TLFWI : Nous avons aussi vu que tu as plusieurs dates mais hors de la Guadeloupe et même de la France, t'attendais-tu à ce que ta musique voyage aussi loin, on sait par exemple que tu vas jouer à Londres ou Abidjan. Que ressens-tu ?

Célia Wa : Alors Abidjan je n’ai pas encore été joué là-bas. Toutefois, dans tous les cas, mon objectif de base c'était de voyager et en dehors de la France, la musique c'est universel et si ça peut me faire voyager au-delà de toutes ces frontières c'est vraiment l'objectif. Pour tout vous dire, le marché français n’est pas évident car, tu ne rentres pas dans ce qu'ils attendent ou ils comprennent pas forcément ce que je fais; Puis c'est nous aussi qui nous mettons des barrières par rapport au créole parce que franchement, moi, les seules personnes qui m'ont dit pour connaître le succès, je devrais chanter en français sont des personnes issues de notre communauté antillaise tandis que celles qui étaient non créolophones disaient l’inverse. Elles disaient que je devrais chanter en créole parce que c’est ce qui fait ma touche. Donc, vous voyez, on se barricade déjà nous-mêmes. Londres c'est un lieu où déjà culturellement, j'ai toujours été attiré aussi par ce pays parce qu'il y a une forte communauté caribéenne plutôt anglophone et une chose est sure la culture musicale est plus forte là-bas. Certains de mes morceaux ont été très bien accueillis que ce soit à Londres ou en Australie etc, des territoires qui n’ont pas le même rapport avec la France que nous et tout ce passé colonial qui fait qu’ils aient encore aujourd’hui cette image “doudouiste” du moins une image très clichée de ce que nous pouvons être.


The Link FWI : Mais quelle impression que cela fait que de chanter en créole devant un public non-créolophone ? Quelle émotion ressens-tu ?

Célia Wa : Ils ressentent. Cependant, comme je le disais, la musique est universel donc il y a des fois même des musiques où il n’y a pas forcément de paroles, tu ressens quand c'est profond ou lorsque c'est quelque chose de plus joyeux. J’ai eu des témoignages de personnes qui ont été touchées et qui admettent ne pas comprendre mes paroles mais qui ont apprécié. J’ai également eu des gens qui ont pleuré lorsqu’ils ont écouté certains morceaux. D’autres encore se sont sentis plus déterminés. Tout cela pour dire que le message est passé et qu’avec la langue même si tu ne comprends pas les mots, tu ressens la vibration et l'énergie. Désolé de le dire, ils s’en fichent. De plus, même nous, dans notre jeunesse, même jusqu’à présent, on écoute une musique mais on ne comprend pas. Pareil pour nos parents, ils dansaient sur des musiques mais ils étaient incapables de comprendre le sens des mots du morceau sur lequel ils dansaient.




TLFWI : Mais sur scène tu es un personnage complètement différent. Est-ce que c'est inspiré de l'afro punk d'où tu sors ce style vestimentaire ?

Célia Wa : Franchement, moi je m'inspire de ce que j'aime de ce que je vois. Je suis certains créateurs sur les réseaux sociaux et je ne réfléchis pas trop, j'ai comme des visions dans le sens où j'ai vu ce truc là et je sais que ça peut marcher. Par exemple la création que j'avais, le bijou de tête que je portais à Marie-Galante était une création d'une créatrice qui s'appelle Berberism que j'ai rencontré vraiment très rapidement mais j'ai aimé son énergie et celle qu’il y avait dans son bijou. Nous avons échangé et j'ai beaucoup aimé en fait ce qu'elle dégageait et c'est vrai que moi cela m'aide aussi de porter des belles choses. Ils ont été faits dans une bonne vibration. Même la grande veste que je portais était celle de Gilles Gatibelza, un styliste guadeloupéen que j'aime beaucoup car il a une énergie que j’aime et cela me porte aussi. J'aime ce qu'ils font. Mon style est donc issu de rencontres avec toutes ces personnes, donc je ne m’inspire pas d’un style particulier, quand j’aime les choses, je les prends.

The Link Fwi : Peux-tu revenir sur ton actualité musicale, personnelle ? Surtout où peut-on te suivre ? Est-ce que tu es présente sur les réseaux sociaux ?

Célia Wa : Oui je suis présente sur les réseaux sociaux. Je suis plus sur instagram où pouvez me suivre en tapant c.lia.wa Je suis également sur Facebook : Célia Wa. Par la suite, comme je l’ai évoqué, actuellement je travaille sur mon album. Sans doute, en novembre je participerai à un festival ou un une résidence mais bon ce n’est pas encore confirmé. Après bon il y aura peut-être des choses qui vont arriver en cours de route mais pour l'instant rien de précis après dans nos métiers c'est un peu au dernier moment qu’on saura le tout mais le vrai projet, c’est l’album j’espère pour l’année prochaine.

TLFWI : Merci beaucoup Célia Wa.

Célia Wa : C’est moi qui vous remercie


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