Avec Alicia Garza et Patrisse Cullors, Ayo Tometi est l'une des figures du mouvement "Black lives matter". Ce slogan répété inlassablement par des manifestants, en 2020, après le meurtre de George Floyd, afro-américain, par Derek Chauvin, policier de Minneapolis. Opal Tometi de son vrai nom Ayo Tometi était en Guadeloupe pour un week-end d’échange, autour de la thématique du “ Tout monde-Nouveau Monde “.Rencontre avec cette femme d’influence.
Sa mort avait provoqué un mouvement de colère inédit depuis les années 1960 aux Etats-Unis . Ils étaient des milliers dans l’ensemble des villes nord-américaines a marché contre le racisme et les violences policières. Le mouvement s’est vite propagé dans le monde entier, avec des manifestations aux cris de « Black lives matter » (« les vies noires comptent »). George Floyd est devenu malgré lui le symbole de ces violences policières légions aux Etats-Unis tant sa mort fût terrible et choquante.
Tout avait commencé par une vidéo devenue virale : celle de l’arrestation par la police de George Floyd, un homme noir de 46 ans, filmée par une passante. Elle montre Derek Chauvin, agent de police déjà accusé en 2008 de violence policière, plaqué George Floyd au sol en gardant pendant de longues minutes ( neuf au total) son genou sur son cou. Au cours de cette vidéo des plus choquantes, on y voit ce dernier répéter « I can't breathe » Comprenez « Je ne peux pas respirer ». L’agent, un homme blanc, lui répond de rester calme. Un second policier tient à distance les passants qui commencent à s’emporter alors que l’homme appréhendé ne bouge plus et semble inconscient. « Il ne respire plus, il ne bouge plus, prenez son pouls », répète un témoin tandis que les policiers attendent une ambulance qui arrive après plusieurs minutes. Il est transporté dans un hôpital où il décédera peu après.
L'homme de 46 ans était soupçonné d’avoir utilisé un faux billet de 20 dollars pour s’acheter un paquet de cigarettes. Comme la procédure le réclame en cas de suspicion de faux-billets, les responsables du magasin ont appelé la police. La suite de l'événement on la connait... Dans une première version, les policiers incriminés ont affirmé que la victime leur avait résisté. Cependant, les images de vidéo surveillance du restaurant ont assez vite écarté leurs propos. En effet, dans ces images la victime, les mains menottées dans le dos n’opposait aucune résistance quand un policier le conduit vers une voiture de patrouille. Puis vint le drame. Ce qui a choqué le plus les américains ce sont le manque de réaction et de sensibilité de la part des policiers. On y voit, Derek Chauvin écrasé le cou de Georges Floyd pendant près de sept minutes et son collègue Tou Thao d'origine asiatique, répété à plusieurs reprises des blagues sur l'individu appréhendé : " Que veux-tu mec" ou " Ne prenez pas de drogue les enfants". Autant d'éléments qui ont mené à des manifestations dans Cleveland mais également à travers l'ensemble des Etats-Unis avant de se propager dans le reste du Monde. Au départ pacifique, ces manifestations se sont très vite transformées en émeutes violentes.
Ainsi, aux cris de Black Lives Matter, des millions d’américains, rejoins par des millions de femmes et d’hommes à travers le monde réclamèrent justice pour George Floyd mais aussi pour l’ensemble des noirs et des minorités résidant aux Etats-Unis mais aussi dans l’ensemble des pays occidentaux. Derrière ce cri de ralliement, le constat était là. Il y avait comme un ras-le-bol général du racisme, des inégalités sociales, raciales mais surtout une réelle envie de changement notamment concernant les rapports entre les forces de police et les populations racialisées.
Pourtant, la volonté d’un changement profond dans la société américaine avait commencé 2013 suite à la mort du jeune Trayvon Martin. un adolescent noir de 17 ans, non armé, tué par George Zimmerman, appartenant à une patrouille de voisinage. L'image de ce jeune garçon, capuche sur la tête a fait le tour du monde, et déclenché, comme d'autres fois avant, une vague de protestation aux Etats-Unis, et même au-delà des frontières américaines.
Un constat fut fait. Les huit ans de présidence de Barack Obama, premier président noir à la tête des Etats-Unis d'Amérique, pays rongé par les inégalités et la haine raciale, avaient ravivé les tensions d'autrefois. Sous la présidence d'Obama, il y a eu plus de noirs abattus par la police que sous les mandats de ses prédécesseurs. Le mythe du premier président noir américain a vite été rattrapé par la réalité du contexte socio-culturel des Etats-Unis, ancien pays esclavagiste, ségrégationniste, où les préjugés raciaux sont encore très forts. Ce ne sont pas les deux mandats de Barack Obama qui auront changé la donne. La liste des victimes afro-américaines tuées par la police est longue mais on retiendra les noms de Michael Brown, Eric Garner, Tamir Rice, âgé 12 ans abattu par un policier qui pensait que le jouet en plastique qu'il tenait, un pistolet était une arme réelle... Philando Castile, Breonna Taylor, tuée par un policier, alors qu'elle se trouvait dans son lit... Depuis l'affaire Rodney King qui avait enflammé Los Angeles, en 1992, la liste des noms d'afro-américaines victimes de brutalités policières et de racisme continue de s'allonger. Derrière victime en date, Jayland Walker, jeune homme de 25 ans, a reçu plus de 60 balles de policiers, après une tentative d'interpellation pour une infraction routière. C’était le 27 juin 2022 dernier.
Autant d’affaires qui ravivent les douleurs du passé dans un pays divisé, où il n'y a pas si longtemps que ça, les noirs étaient régulièrement lynchés notamment dans les Etats du Sud tels que la Géorgie. C'est après la Guerre de Sécession plus spécifiquement vers 1877( date à laquelle les troupes nordistes victorieuses de la Guerre Civile ( Civil War) quittent les Etats du Sud vaincus et occupés), que les lynchages vont devenir des pratiques courantes aux Etats-Unis mais surtout dans le Sud où ils étaient pratiqués les membres du Klu Klux Klan. Pendant plus de soixante-dix ans, la violence à l'encontre de la minorité noire vont faire partie du décors de ce Sud vaincu par le Nord. Selon, l'association américaine luttant pour la défense des droits de l'homme, l'Equal justice initiative (EJI) près de 4000 Noirs auraient été exécutés sans jugement, dans des conditions sommaires, sur une période de 73 ans. Alors que se met en place, dans ces même régions, le système de ségrégation raciale, le lynchage s'instaure dans ces États pour établir «un système post-esclavagiste de domination raciale» le tout reposant les Lois Jim Crow qui ont été déclarées inconstitutionnelles en 1954 avec l'arrêt Brown v. Board of Education puis en 1964 avec le Civil Rights Act et le Voting Rights Act de 1965.
Plusieurs lynchages sont encore dans les mémoires, tels que celui de W.R Taylor pendu par la foule en 1889, celui de Ed Johnson en 1906, le lynchage de Laura Nelson et de son fils en 1911 accusés de vol de bovin, le lynchage de Jesse Washington dans la ville de Waco au Texas en 1916. En 1921, une femme blanche est assassinée de coups de feu. John Lee Eberhart, un jeune homme noir qui avait travaillé pour la famille de la victime est immédiatement suspecté ; on l’arrêta en possession d’un pistolet ayant appartenu au mari de la victime. Il fut arrêté et avoua la crime. Une foule l’enleva de la prison ou il était détenu, lui fit un procès sommaire et le brûla vif. Il y a également le lynchage de George Gay pendu par la foule qui lui tira une centaine de balles, en 1922.Ou encore l'histoire de Mary Turner, une afro-américaine enceinte, tuée pour avoir protesté contre le meurtre de son mari: elle fut pendue par les pieds, puis brûlée vive pendant qu'un homme tuait l'enfant qu'elle portait. On parle aussi du lynchage de trois hommes noirs à Kirvin au Texas en 1922, ces derniers accusés d'avoir assassiné une femme blanche, ont été battus, castrés, poignardés, leurs corps attachés furent incendiés. Autre événement historique, le Massacre de Tulsa dans l'Oklahoma entre le 31 Mai et le 1er Juin 1921 ( bilan officiel en 1921; 45 morts, mais en 2001, il a été revu à la hausse, entre 100 et 300 morts selon le rapport de la Commission d'Enquête). Dernier fait de violence, le lynchage d'Emmett Till, adolescent de 14 ans, lynché en 1955, pour avoir sifflé une femme blanche. Des exemples parmi des milliers et qui se sont déroulés en toute légalité. Le seul crime des ces milliers de victimes souvent innocentes, fut d'avoir « offensé la suprématie blanche » : un regard, une rumeur, une dispute, des insultes, un témoignage à charge contre un Blanc etc.
C’est donc sous le second mandat de Barack Obama (2013-2017) qu'est né le mouvement Black Lives Matter, initié par trois militantes lettrées afro-américaines Alicia Garza et Patrisse Cullors, Ayo Tometi. Bien que secoué par quelques scandales financiers, le mouvement est aujourd’hui planétaire.
Rokhaya Diallo & Opal / Ayo Tometi à l'Arawak Hotel. Photo : ELMS Photography
Cette dernière était d’ailleurs de passage en Guadeloupe pour un week-end d’échange, autour de la thématique du “ Tout monde-Nouveau Monde “ en compagnie de la journaliste, écrivaine et militante française Rokhaya Diallo à l'Arawak Hotel. Il s’agit d’une initiative du docteur Pierre Sainte-Luce qui mène depuis plusieurs années dans ses nombreux établissements de santé des actions en faveur de rencontres culturelles de tous horizons. L’occasion pour la militante américaine de rencontrer le public guadeloupéen et de découvrir la Guadeloupe, archipel français à l’histoire pas si différente qu’il n’en paraît. Rencontre donc avec cette femme d’influence :
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