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Emrick LEANDRE

Quand Emmanuel Macron rend hommage à Toussaint Louverture. Malaise.

Au château de Joux, en Franche-Comté, le président de la République a rendu hommage à Toussaint Louverture ce jeudi 27 avril, à l’occasion des 175 ans du décret d’abolition de l’esclavage. Sauf qu'il y a un ans, le président rendait hommage au très controversé Napoléon Bonaparte, l'homme qui a rétabli l'esclavage et qui a mis en prison Toussaint Louverture sans procès équitable.




Emmanuel Macron est-il en mode reconquête ?Vraisemblablement, depuis quelques jours, le président a délaissé les déplacements à l'étranger pour se tourner vers l'intérieur, la France. Une sortie physique après la validation par les trois grandes chambres de la République ( Assemblée Nationale, Sénat et Conseil d'Etat) de la très controversée loi de la réforme des retraites promulguée par ses soins. L'objectif du président est évidemment de reconquérir le cœur des français, visiblement très remontés contre lui et son gouvernement.


Pour ce faire, le chef de l'Etat a décidé de partir à la rencontre des Français et/ou de faire des discours usant de pathos à l'attention des derniers de cordée, comme ce fut le cas aujourd'hui avec l'hommage rendu à une figure historique de la cause des peuples mis en esclavages, le bien nommé Toussaint Louverture.


Le président de la République a donc rendu hommage à Toussaint Louverture ce jeudi 27 avril, à l’occasion des 175 ans du décret d’abolition de l’esclavage.


Emmanuel Macron n'y est pas allé de main morte sur les louanges concernant la figure charismatique du " général de la République Toussaint Louverture ". Dans son discours d'hommage, le président a notamment vanté la vision de "l'ordre" au service de la "liberté" et ceux de la "concorde".


Dans son même discours, Emmanuel Macron a appelé Toussaint Louverture de " Spartacus noir ", de " patriote" et d'homme "absolument français pleinement républicain."


Le président a continué son éloge à Toussaint toujours avec des termes élogieux, comme avec les phrases qui vont suivre :

"Révolutionnaire d'exception, Toussaint Louverture considérait lui aussi que seul l'ordre pouvait maintenir la liberté, la prospérité et le bien public"


" Alors qu'il était traqué par les espions et plusieurs marines, Toussaint Louverture assurait en créole de sa confiance, a conclu le président de la République. Cela signifiait prendre le temps de l'éducation et du dialogue, de la concorde et du respect mais viser haut. "


Ce jour, en qualifiant Toussaint Louverture d'" enfant des lumières", Emmanuel Macron a rappelé le siècle auquel appartenait le chantre de la liberté des noirs et fait de son sacrifice celui du peuple français mais surtout de tous les peuples ayant connu l'asservissement dans l'esclavage :


« Enfant des lumières, il ne pouvait être que révolutionnaire, au service de la liberté du genre humain ».


Le président de la République a également salué le précurseur de la Nation haïtienne. « La grande leçon de Toussaint Louverture est que l’aspiration des peuples à devenir une Nation libre et indépendante, donc souveraine, finit toujours par s’imposer ».


Dans son discours, le chef de l'état français a fait de Toussaint Louverture un Auguste noir libérateur de St-Domingue, première nation constituée d'esclaves à dire non à l'esclavage. A en croire le président Macron, le général Toussaint serait entré dans au Panthéon des Grands hommes de l'histoire de France et qu'avec son combat pour la liberté, des liens historiques entre la France et Haïti existent désormais.


" La mémoire de Toussaint Louverture, c’est une mémoire capitale dans l’histoire de l’émancipation des noirs et non seulement dans l’histoire de l’émancipation des noirs mais aussi de la liberté, en tant que liberté universelle. Toussaint Louverture, c’est le testament d’une histoire, des liens historiques qui existent entre la France et Haïti mais aussi, un testament pour le moment présent qui dit ce devoir de solidarité par rapport à ce qui se passe en Haïti actuellement "


Pas avare de compliments, Emmanuel Macron a fait l’éloge de cet homme « de toutes nos libertés » qui a voulu « prendre l’esprit de 1789 au mot » et « ne pouvait qu’être révolutionnaire ». « Absolument français, pleinement républicain », a-t-il ajouté pour conclure son hagiographie.


Pour Josué Pierre Dahomey ambassadeur d'Haïti en France, l'homme qu'a rendu Emmanuel Macron au fondateur de la nation Haïtienne était indispensable mais, rappelons qu'il tranche avec celui prononcé en mai 2021 à l'occasion du bicentenaire du décès de Napoléon Bonaparte, l'homme qui a fait enfermer Toussaint Louverture, sans procès en Cours Martiale comme la Loi militaire le prévoit le Droit des armées.


Le président Macron saluait le génie de Bonaparte qui selon ses propres dires " est une part de nous" glorifiant au passage les actions de l'empereur français de son vivant. Un empereur qui aura fait preuve de courage pour grimper l'échelle sociale de son époque pour diriger la nation : «La vie de Napoléon est d’abord une ode à la volonté politique, à ceux qui jugent les destins figés, les existences écrites à l’avance. Le parcours de l’enfant d’Ajaccio, devenu maître de l’Europe, démontre clairement qu’un homme peut changer le cours de l’Histoire»,


«On aime Napoléon parce que sa vie a le goût du possible, parce qu’elle est une invitation à prendre son risque, à faire confiance à l’imagination, à être pleinement soi»,


Lors de cet hommage, Emmanuel Macron avait rappelé les «chefs-d’œuvre d’architecture et d’urbanisme, et toutes les références» que la capitale devait au natif de Corse: «L’Arc de Triomphe, l’Église de la Madeleine, la colonne Vendôme [...] le pont d’Austerlitz ou d’Iéna, la rue de Rivoli...» Legs et héritage auxquels s’en ajoutent d’autres, parmi lesquels le baccalauréat, «l’institution même du lycée, la forme d’université, [...] la réforme de l’École Polytechnique, [...] Saint-Cyr, [...] les préfets, les maires», le Code civil, le Code pénal, le Conseil d’État ou encore la Cour de cassation... «Bien peu de destins, il faut le dire, ont façonné autant de vies»


Un discours qui s'est voulu ferme contre les critiques émises par la gauche à l'époque qui fustigeait la venue du président dans cet hommage à un personnage adulé par les partis droites et d'extrême droite.


Notre question est comment pouvons nous à la fois rendre hommage à celui qui a rétabli l'esclavage et déchu de leur nationalité ces peuples français et encenser la mémoire de son alter égo noir, combattant des libertés et défenseur des Droits de l'Homme ?


Certains diront qu'Emmanuel Macron a souligné l'ombre au tableau au parcours exemplaire de Bonaparte commencé par le rétablissement de l’esclavage décidé en 1802, une «faute» et une «trahison de l’esprit des Lumières» que la République a réparé. Idem avec «la valeur de la vie humaine», dont Napoléon ne faisait que peu de cause, et que la France a «depuis lors placée plus haut que tout, que ce soit dans les guerres ou dans les pandémies». Comme durant la crise de la Covid-19, qui a arraché plus de 105.000 citoyens à la vie, et qui a encouragé le «quoi qu’il en coûte».


Nous, nous disons, démagogie dans l'espoir de réconforter les Français et notamment les Français d'Outremer remontés contre la politique gouvernementale depuis qu'Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir. Une opposition qui s'est accentuée lors de la crise sanitaire dû à la pandémie de Coronavirus.






Mais qui était Toussaint Louverture ?


Un esclave devenu propriétaire d’exploitation sucrière :


Celui qui fut d’abord appelé Toussaint de Bréda (du nom de son lieu de naissance) est en effet né esclave, au début des années 1740. Comme le rappelle le média spécialisé Hérodote , il commence par travailler dans une plantation de cannes à sucre de Saint-Domingue, l’actuel Haïti, alors dans le giron de la couronne de France.


Quelques décennies plus tard, le jeune Toussaint devient cocher. Puis, en 1776, il est affranchi. À près de 30 ans, le voilà donc un homme libre.


Après s’être marié à une femme noire elle aussi affranchie, il devient à son tour propriétaire d’une plantation sucrière. Avec un paradoxe, pour qui connaît son destin futur : à l’époque Toussaint est le propriétaire « de quelques esclaves », explique la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Pour le reste, François Toussaint est un modèle d’émancipation. « En 1789, il sait lire, écrire » et « il s’est enrichi », complète la Fondation.


Un soutien de l’Espagne…


1789, justement. Les termes des débats politiques qui agitent alors la Métropole parviennent jusqu’à Saint-Domingue, où les esclaves noirs ne tarderont pas à se soulever contre le Royaume de France. Des affranchis les rejoindront rapidement. Toussaint est de ceux-là. Détentrice de la partie est de l’île sur laquelle se situe Saint-Domingue, la couronne d’Espagne, alors en guerre contre la France, voit dans ce soulèvement un bon moyen de nuire aux intérêts de sa voisine. En 1793, Madrid apporte donc son soutien aux rebelles. Et Toussaint, l’un de leurs leaders, prend du galon.


… puis de la France :


Mais, en 1794, quelques mois après avoir proclamé « la liberté générale à Saint-Domingue », la République française, la première du nom, vote un décret abolissant l’esclavage.

La décision de la Convention convainc Toussaint de revenir dans le giron français. Combattant désormais sous la bannière tricolore, ses 4 000 soldats portent alors des coups fatals aux Espagnols, qui finiront par capituler. Les Anglais, qui ont également des vues sur Saint-Domingue, feront bientôt de même.


Entre-temps, comme le rappelle le Musée de l’Armée, Toussaint est devenu général, puis général en chef des armées françaises de Saint-Domingue. C’est aussi à cette époque que l’on commence à l’appeler : « Toussaint Louverture », un surnom original qu’il doit à sa faculté à réaliser des percées dans les lignes ennemies, lors des nombreuses batailles qu’il doit ou a dû mener.


Conflit avec la France de Napoléon :


Une fois les Espagnols et les Anglais boutés hors de l’île, Toussaint Louverture, leader désormais incontesté de Saint-Domingue, s’en nomme lui-même gouverneur à vie, avec droit de regard sur l’identité de son successeur.


Il exerce alors son pouvoir « en maître absolu », regrette la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Par ailleurs, il « encourage les planteurs à revenir et oblige ses frères de couleur à travailler dans les plantations ».


Sur le plan extérieur, il passe également des accords avec les États-Unis et, pire que tout, avec le grand rival britannique. Surtout, en 1801, il proclame unilatéralement l’indépendance de Saint-Domingue.


Pour faire revenir le territoire sous l’autorité française, « Bonaparte envoie alors une troupe de vingt-cinq mille hommes », explique le Musée de l’Armée. Les combats qui sont alors engagés aboutissent à la défaite de Toussaint Louverture et des siens.

« Victime du froid ».


Toussaint Louverture est ensuite arrêté, puis envoyé en France. À Brest, d’abord, puis au fort de Joux, dans le Doubs, l’une des régions les plus froides de l’Hexagone. « Victime du froid et du dénuement, il ne tarde pas à tomber malade et à mourir », conclut Hérodote. Son souvenir restera lui bien vivant. Et Saint-Domingue finira, quelques mois plus tard, par devenir définitivement indépendante, sous le nom d’Haïti.

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