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Les révélations de Blast vont-elles faire tomber Ary Chalus ?

Ary Chalus est un président de région extrêmement populaire. Pourtant, depuis un an, l'homme fort de la Région Guadeloupe de la Macronie aux Antilles-Françaises est au coeur d'une enquête judiciaire pour « abus de confiance, détournement de fonds publics et financement illégal d’une campagne électorale ». Son procès La récente enquête dévoilée sur Blast par un journaliste au nom inconnu dévoile les dessous de la présidence chalucienne. Une enquête longue en deux volumes.




Ary Chalus vit-il ses dernières années politiques ? La question est posée mais nous ne pouvons l'affirmer.


Pour ceux et celles qui ne le connaitraient pas, Ary Chalus est le président de la Région Guadeloupe. Homme charismatique, populaire et même populiste, partout, où le président Chalus passe, les foules se déplacent. Il faut dire que depuis le début de sa carrière politique, l'homme originaire de Baie-Mahault a clairement misé sur le populisme pour s'attacher le cœur des Guadeloupéens, notamment les couches sociales les plus basses.

En campagne politique comme dans la vie de tous les jours, le président de la Région, jadis maire de sa ville natale de Baie-Mahault, aime mouiller la chemise. Il n'hésite pas à aller à la rencontrer des plus démunis avec un franc parler qui détonne. Il se prend même à couper du coco à l'eau et à danser le gwoka dans les rues piétonnes des villes guadeloupéennes. Il se rend même aux enterrements de ses administrés les plus connus et même les moins connus. De plus, contrairement à ses collègues, il emploie souvent le créole, langue du peuple pour se faire entendre et comprendre de tous.


Une recette gagnante puisqu'en 2015, il est parvenu à détrôner Victorin Lurel, baron de la gauche local, ancien Ministre des Outremers et président de la Région. Il a même réitéré l'exploit en juillet 2021, toujours avec des scores qui feraient rougir d'envie d'autres élus hexagonaux. ( Il a remporté les suffrages de 2015 avec 57,42% et en 2021 il est élu à 72,4%).


Pourtant,, l'homme fort de la Région Guadeloupe de la Macronie aux Antilles-Françaises devient un habitué des rencontres avec la police et son pôle financier,


Déjà en octobre 2019, Ary Chalus est placé en garde à vue avec sa vice-présidente au conseil régional, Marie-Luce Penchard. Ils sont entendus à propos de Pascal Averne, directeur de cabinet de Marie-Luce Penchard à la mairie de Basse-Terre mais également et simultanément inspecteur général des services au conseil régional de la Guadeloupe, concernant un soupçon d'emploi fictif quant à ce second poste.


Ensuite, le 30 juin 2020, un article du site d'informations Mediapart révèle qu'Ary Chalus est visé par une enquête du Parquet national financier (PNF) pour l'utilisation de son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) en tant que député.


De plus, le 9 juillet 2020, les médias locaux Guadeloupe La Première et Radio Caraïbes International révèlent l'ouverture d'une enquête portant sur les modalités de financement de la campagne électorale d'Ary Chalus lors des élections régionales de 2015. Il est soupçonné d’avoir dépassé de plus du double le plafond légal de dépenses et détourné des fonds d'une association qu'il présidait pour certaines dépenses27. Seize prévenus sont mis en examen dans cette affaire, parmi lesquels Lucette Michaux-Chevry et Fred Madinécouty.


En pleine campagne pour sa réélection lors des Régionales de 2021, Ary Chalus est placé en garde à vue durant plus de trente-quatre heures. Les faits qui lui sont reprochés sont très graves. Le proche d'Emmanuel Macron est au coeur d'une enquête judiciaire pour « abus de confiance, détournement de fonds publics et financement illégal d’une campagne électorale ». Les faits reprochés à Ary Chalus s’inscrivent dans le cadre de la campagne électorale des élections régionales de 2015. Outre le président de région, d'autres personnes sont poursuivies comme son directeur de campagne, le trésorier, un autre membre de l'équipe et le DGS, directeur général des services de la Communauté d'Agglomérations Grand Sud Caraïbe.


Dans l'affaire de falsification des comptes de campagne et de détournement de fonds publics au préjudice d'une association, Ary Chalus est renvoyé en mars 2023 devant le tribunal correctionnel de Basse-Terre. A ce titre, Ary Chalus est également soupçonné de s'être servi d'une association, Alliance baie-mahaultienne, dont il était le président, pour faire passer certaines factures : impression de brochures, sonorisation de réunion de campagne, taxis, location de voiture, frais de restauration, les montants varient d'une centaine d'Euros à 22 000€ dont des prestations versées à l'un de nos confrères journalistes qui n'est pas cité à comparaître.

Aux côtés du président de Région, quatre autres personnes doivent comparaître en citation directe : le directeur de campagne d'Ary Chalus, le trésorier, un autre membre de l'équipe et le DGS, directeur général des services de la Communauté d'Agglomérations Grand Sud Caraïbes.


Des accusations, des gardes à vue et pourtant, aucune réelle précision de la part des médias locaux qui se murent dans un silence quasi volontaire hormis pour nous diffuser des communiqués du procureur de la République ou informer de la garde à vue du président de la Région de ses potentiels complices. Cependant, Blast, un média, non local, a décidé de lever le voile sur ces affaires politico-financières.


Qu'apprenons-nous dans les deux articles de Blast ?


Chalus le pion du réseau Chevry-Penchard :


L'information relayée est précise. Elle est sans doute la résultante d'une enquête minutieuse. Elle a dû prendre du temps tant l'auteur apporte des détails complets. Toutefois, avant de partir dans une quelconque analyse des deux articles du site hexagonal, demandons qui a bien pu leur fournir autant d'informations si bien documentées ? Sans doute un journaliste local bien renseigné ou une personne bienveillante issue de la société qui en a eu marre de la corruption politique ? En tous les cas, cette personne sait des choses et a mené l'enquête.


De prime abord, l'auteur nous apprend que pour vaincre l'ancien Ministre des Outremer, Victorin Lurel qui était aussi le président de la Région de la Guadeloupe, le GUSR, deuxième plus grand parti politique local à l'époque ( devenu par la suite parti politique de premier plan au niveau local ) aurait opté en la personne d'Ary Chalus. Personnage charismatique, maire de la ville la plus riche de l'archipel. Chalus était le candidat sur mesure pour le parti de Dominique Larifla. L'élection de 2015 était l'occasion rêvée pour le GUSR de détrôner l'ancien président de la Région et dans un même coup, le parti socialiste, qui était la première force politique active. Qui à part Chalus pouvait gagner le ténor de la gauche ? Surtout que comme nous le savons et que le site Blast nous le rappelle,



" Tout commence à Basse-Terre, le fief électoral de l’ancienne protégée de Jacques Chirac, en décembre 2015. La campagne des régionales bat son plein, les deux tours de l’élection étant programmés le 6 et 13 décembre. Cette année-là, dix listes s’affrontent mais toute l’île sait que la bataille finale se joue entre les deux principales forces locales, la fédération guadeloupéenne du parti socialiste d’une part et le GUSR (Guadeloupe unie, solidaire et responsable) d’autre part. Ce second mouvement a été créé au début des années 1990 par des militants socialistes dissidents regroupés autour de Dominique Larifla, qui fut longtemps maire de Petit-Bourg et président du conseil général. Pour ces régionales de 2015, le principal enjeu est de savoir si Victorin Lurel, président socialiste de la région depuis 2004 et ministre de l’Outre-mer de 2012 à 2014, parviendra à décrocher un troisième mandat.



" Cinq ans plus tôt, en mars 2010, le parti de Dominique Larifla n’avait pas réussi à trancher sur une ligne claire : une partie des troupes, menée par son héritier politique Guy Losbar, avait intégré la liste de Lurel, une autre soutenu celle conduite par Eric Jalton, maire socialiste des Abymes exclu du parti pour cause de dissidence. Finalement, Lurel l’avait facilement emporté, avec plus de 74 % des suffrages exprimés.


En 2010, le GUSR ne devait sa majorité au conseil général qu’au soutien de la fédération guadeloupéenne du parti socialiste. Ce qui permettra en 2011 à l’issue des cantonales, à Jacques Gillot de retrouver son poste de président du département alors que son parti ne détient que 6 sièges, contre 14 pour le PS local. "

Bien qu'au début, une alliance avec le PS semblait se profiler, elle a vite voler en éclats. Le GUSR allait donc conduire sa propre listes pour ces élections. Puis, l'heure de la revanche avait sonné pour le GUSR. Pour s'imposer, le parti de Dominique Larifla allait user de toutes les stratégies possibles pour remporter cette victoire politique. Quitte à faire des alliances contre nature. Pour ce faire, Guy Losbar, à cette période maire de Petit-Bourg, va donc se tourer vers Lucette Michaux Chevry, la femme la plus charismatique de la scène politique guadeloupéenne et même au-delà. Celle qui fut ministre avait les bras très longs et l'avoir à ses côtés était une chance inespérée pour vaincre l'indéboulonnable Victorin Lurel qui risquait fort bien de gagner. Comme le dit le proverbe " les ennemis de nos ennemis sont nos amis."


Lorsque Guy Losbar est venu la chercher, " Cecette" comme on la surnommait y a vu une aubaine. Elle qui n'a pas digéré sa défaite en 2003 face au même Victorin Lurel, rêve de le détrôner, mais ne pouvant se présenter, vu les postes qu'elle occupait au moment des faits et les affaires judiciaires qui pesaient contre elles, l'ancienne " Dame de fer" aurait imposé sa fille Marie-Luce Penchard, elle aussi, une politicienne professionnelle qui a suivi les traces de sa mère, en devenant aussi ministre de la République sous Nicolas Sarkozy et qui se voyait vice-présidente de la Région. Pourtant, aucune de ces personnalités n'osa se présenter en son nom propre. C'est finalement le charismatique maire de la ville de Baie-Mahault qui a été choisi par Guy Losbar pour mener la fronde contre l'ancien ministre de Jean-Marc Ayrault.


A la question, pourquoi avoir choisi Ary Chalus ? La réponse est simple, l'homme est charismatique, sa politique municipale est très appréciée et est même citée en exemple, même hors de la Guadeloupe. Pour faire tomber la gauche locale, tous les coups seront les bons. Il faut dire que Lucette Michaux-Chevry était une professionnelle en la matière. Elle va jouer le jeu et s'impliquer en faisant jouer son énorme réseau. C'est d'ailleurs ce que résume l'article de Blast " Lucette Michaux-Chevry va jouer le jeu. Elle mobilise tous ses appuis et tire toutes les ficelles pour rabattre le plus de voix possible et apparaître comme celle qui a fait tomber Lurel, au profit de Chalus et de sa fille. " Cependant, Marie-Luce Penchard loin d'être comme sa mère, s'est faite pleins d'ennemis au sein de la municipalité de Basse-Terre. L'une des raisons de ces rancoeurs sur le fait que lorsque Lucette Michaux-Chevry a été élue maire du chef-lieu de la Guadeloupe en 2014, elle a lâché le poste à sa fille, après un semblant de vote interne. Une stratégie qui n'a pas fait que des heureux. Au pouvoir mais détestée, Marie-Luce Penchard peine à imposer son style dans Basse-Terre. Elle s'est même créée des ennemis parmi lesquels, une personne inconnue mais proche d'elle, ira tout balancer la police judiciaire le lendemain des résultats du premier tour des régionales de 2015.

" Marie-Luce Penchard s’est en tout cas fait suffisamment d’ennemis pour qu’un salarié de la mairie décide, le lendemain du premier tour des régionales de 2015, de se confier longuement devant la police judiciaire. Et il a beaucoup à raconter [...]


C’est ce que l’on découvre dans un premier procès-verbal rédigé le 7 décembre 2015. « Disons obtenir des renseignements d’une personne désirant conserver l’anonymat et selon lesquels la Communauté Grand Sud Caraïbes – Communauté d’Agglomération du Sud Basse Terre (CASTB) aurait fait appel, fin 2015, à plusieurs dizaines d’emplois politiques pour couvrir la campagne électorale d’Ary Chalus et usé de procédés dévoyés pour acheter l’électorat. » Désormais, la boîte de Pandore est ouverte. A ce premier PV, le gardien de la paix qui le rédige joint une liste comportant 26 noms (avec leurs coordonnées téléphoniques) : des employés qui auraient été recrutés pour la campagne."


C'est donc comme cela que l'enquête a commencé. La police judicaire va donc se mettre en branle pour faire avancer le dossier. Peu à peu la machine judicaire se mettait en place. Des opérations de surveillance vont être menées et vont révéler des choses intéressantes aux yeux de la PJ. " Dans la foulée, accompagné d’un capitaine de police, le fonctionnaire opère une surveillance du local de campagne d’Ary Chalus à Basse-Terre. Sur place, ils relèvent la présence du directeur général des services de la CASTB, Fred Madinécouty, bras droit de Lucette Michaux-Chevry, ainsi qu’un gros véhicule garé devant le local. La voiture de fonction de l’ancienne ministre des gouvernements Chirac et Balladur. De cette surveillance, le dossier d’enquête a conservé une série de photos des personnes présentes ce jour-là dans la permanence électorale."


Entre temps, le pari est réussi pour la grande coalition anti Lurel. Ary Chalus remporte les suffrages et devient le nouveau président de la Région Guadeloupe. Une nouvelle équipe monte au pouvoir mais Marie-Luce Penchard est boudée au poste de vice-présidente. C'est Guy Losbar qui obtient le siège et elle, elle est reléguée à la deuxième vice-présidente. En cas de vacance du pouvoir, ce n'est pas elle qui sera le premier choix de remplacement mais Losbar.


De son côté la justice avançait. Certes, elle était lente mais les choses se mettaient en place. Blast nous apprend qu'en mars 2016, soit trois mois après la victoire chalusienne, l'enquête va prendre une autre tournure lorsque " la PJ, se décide enfin à informer la justice de ses découvertes. Le 10 mars, en début d’après-midi, le gardien de la paix qui a recueilli le témoignage initial se rend avec un commandant de police au tribunal de Basse-Terre visiter le procureur de la République Samuel Finielz. Ils repartent avec une « autorisation à procéder à toutes les réquisitions utiles. » L'enquêteur en charge du dossier va faire un travail de fourmis, minutieux même au point d'aller fouiller dans la trésorerie municipale de la préfecture. Il y découvre des choses particulièrement intéressantes comme le détaille Blast :


" L’enquêteur s’adresse d’abord à la trésorerie municipale de la préfecture pour obtenir les contrats de travail des 26 agents soupçonnés d’avoir été recrutés pour la campagne régionale d’Ary Chalus. La trésorerie ne lui communiquera que 17 contrats. Un PV du 5 avril 2016 constate cet embarras et révèle les montants des salaires versés en novembre et décembre 2015, pendant la campagne : de 1 199,55 à 2 937,82 euros mensuels. Normalement, la fixation des rémunérations dépend des grades auxquels sont embauchés ces agents contractuels. Ici, elle relève plus de la chance que d’une politique salariale maîtrisée. Officiellement, la plupart ont été embauchés pour « des missions d’ordre technique », ce qui ne permet pas de justifier de tels écarts. "


Dès lors, la police va procéder à des auditions d'agents et les soupçons vont devenir des confirmations. Un premier agent dénommer Loïc M va parler et va tout dire. Il apportera des précisions sur la méthode de recrutement des agents " militants" : « A la base j’avais entendu parler que la CASBT (Communauté d’agglomération du Sud Basse Terre, ancien nom de la CAGSC, ndlr) avait recruté beaucoup de jeunes pendant la période électorale. Il s’agissait des élections régionales. Un jour, toutes les nouvelles recrues étaient rassemblées à la permanence d’Ary Chalus à Basse-Terre en attendant qu’on leur donne leur affectation. Je m’y suis rendu spontanément. A la fin je me suis porté premier volontaire pour le poste énoncé. Je n’avais pas encore de contrat mais lorsque j’ai donné mon nom on m’a fait un contrat. » Par la suite, l'agent donnera même des noms, en premier lieu desquels, un certain Fred Madinécouty proche de Lucette Michaux-Chevry et de Marie-Luce Penchard. « C’est Fred Madinecouty qui faisait le discours, avec lui se trouvait sa secrétaire, Corine F. et Marie-Laure M (membre du cabinet de Lucette Michaux-Chevry, ndlr) (…) Il nous a expliqué ce qu’il attendait de nous par rapport aux élections. Nous devions, à tour de rôle, sur notre temps de travail, tenir la permanence, distribuer des tracts, faire du collage d’affiches et en plus être présent à tous les meetings ». Loïc L apporte encore une précision dans sa déposition. Elle implique directement la présidente de la CAGSC : « On se réunissait le matin à la permanence et Lucette Michaux-Chevry ou Fred Madinecouty dispatchaient les équipes. »


D'autres témoignages accablants d'agents recrutés pour la campagne iront dans le sens de celui de Loïc M et qui feront avancer l'enquête judiciaire qui prendra un certain temps malgré tout. Au gré des auditions ils nommeront tous Fred Madinecouty, sa secrétaire, une certaine Corinne F qui au départ niera tout implication, et surtout mentira sur sa présence lors de ces entretiens. " Trois ans après les faits, Corinne F., secrétaire du directeur général des services Fred Madinécouty, nie toute implication personnelle dans la campagne, affirme ne pas se souvenir et n’avoir pas eu connaissance du recours à des agents de la communauté de communes. Confrontée à des éléments établissant sa présence dans le local de campagne, elle explique avoir été en congés. Des affirmations qui se révèlent mensongères : le tableau de service du personnel de la communauté d'agglomération la note présente pendant toute la période de la campagne des régionales…"


Comme toutes les affaires politico judicaires, les investigations seront longues, avec même des rebondissements comme en 2020, plus précisément un 5 février 2020 quand Fred Madinécouty se présente de lui-même au commissariat de Nanterre pour soulager sa conscience. L'homme de pouvoir n'est plus que l'ombre de lui-même. Il a été lâché par le clan Chevry-Penchard suite à son incarcération en 2017 dans une autre affaire judicaire mêlant ses anciennes employeuses. Grillé de toutes parts, l'intéressé n'habite même plus en Guadeloupe. Le transfuge réside désormais dans l'Hexagone. Loin de mentir, il avouera et donnera même plus de détails sur la façon dont les recrutements étaient procédés et son champs d'action durant ces régionales de 2015. Pendant très longtemps, ce pensant ami de la famille, vu qu'il était le meilleur ami de l'ancienne président de la Région, il constatera qu'il avait été utilisé tel un vulgaire pion durant toutes ces années passé au sein de la famille Chevry-Penchard.



Fred Madinécouty lors de sa sortie du bureau du juge d'instruction.


Ainsi lors de son interrogatoire, il révèle la politique de recrutement. Selon pour la campagne, six cent agents ont été recrutés pour l'occasion. Un nombre qui a augmenté au moment où la campagne battait son plein. Bien entendu, Madinecouty a incriminé son ancienne mentor dans les recrutements purement politiques dont les jeunes venaient des quartiers bien ciblés ( acquis au clan Chevry). Une méthode " électoraliste" choisie volontairement pour " montrer à Ary Chalus que la ville de Basse-Terre, sous-entendu sa fille Marie-Luce Penchard, avait contribué largement à sa victoire pour acquérir une certaine légitimité aux yeux de Chalus» Lucette Michaud-Chevry n'avait qu'un seul objectif, placer sa fille, Marie-Luce dans le fauteuil de 1ère vice-présidente de la Région. « C’était pour montrer à Chalus que c’est sa fille qui avait rapporté le plus de voix. (...) Il était prévu qu’elle (Marie-Luce Penchard, ndlr) soit nommée premier vice-président et qu’en cas de victoire de Chalus au poste de président du conseil d’administration du port qu’elle soit élue par les membres du conseil régional pour prendre la tête du conseil régional. »


Loin de se murer dans le silence, celui qui fait office de témoin principal poursuit sa diatribe ( à charge) et enfonce même le clou en continuant d'accuser Lucette et sa fille. Lorsque l'enquêteur lui demande si d'autres collectivités avaient mis des employés, titulaires à la disposition de la campagne politique chalusienne ? Il répond à l'affirmative en évoquant la mairie de Basse-Terre « Il y a la mairie de Basse-Terre, des titulaires de la ville de Basse-Terre. » Dont trois membres du cabinet de la maire « chargés de recueillir les doléances sur le terrain, d’appeler les administrés, d’écouter aussi les discours des autres candidats. »


Durant ses aveux, Fred Madinecouty accable Marie-Luce Penchard, qu'il décrit comme l'un des éléments centraux du système électoraliste anti-lurel. L'homme parle de bons d'essence remis aux personnes recrutées. Des bons d'essence d'un montant de 50€ . « Des bons d’essence ont été remis la veille du premier tour et la veille du second tour, détaille l’ancien secrétaire de la mairie de Gourbeyre. Lucette Michaux-Chevry organisait la veille une réunion à la permanence, c’est-à-dire le samedi matin, où elle remettait à chaque titulaire de véhicule une affiche d’Ary Chalus qu’il devait coller sur son véhicule ainsi qu’une enveloppe contenant 50 euros en espèces et 50 euros en bon d’essence ». Ces chauffeurs devaient « se rendre dans leur quartier le jour du vote pour aller chercher les personnes qui n’avaient pas voté ou qui n’avait pas de moyen de transport pour aller voter. Les chauffeurs conservaient les 50 euros et il faisait le plein avec le bon d’essence. »


Quand le policier lui a demandé d'où provenaient les montants et si la CAGSC avait participé ? Il répond là aussi à l'affirmative. La collectivité a bien participé au finacement.

« Oui, indirectement par les sociétés attributaires de marchés avec la CAGSC qui ont réglé des dépenses dans le cadre de déjeuners champêtres, réunions d’information. Après la campagne, beaucoup de gens ont adressé des factures à la communauté, mais qui ne concernaient aucune prestation de la communauté et toutes ces personnes ont été renvoyées vers Lucette Michaux-Chevry et Pascal Averne (le directeur de cabinet de Marie-Luce Penchard, ndlr). »


Très bavard, l'homme révèle aussi comment Lucette a faussé les listes électorales pour gonfler le nombre d'électeurs acquis à Ary Chalus. Elle aurait exigé des employés de la ville de Basse-Terre ou ceux de la CAGSC de changer leur adresse pour s'inscrire sur les listes électorales de Basse-Terre. Chose qui est complètement illégale. Voici ce qu'il a déclaré . « Il me semble important de signaler une pratique qui fausse la liste électorale de Basse-Terre puisque Lucette Michaux-Chevry, quelle que soit la résidence de l’employé communautaire ou de la ville de Basse-Terre, a exigé que les employés s’inscrivent sur la liste électorale de Basse-Terre. Ceci pour asseoir son électorat. Beaucoup d’employés habitent Baillif, Saint-Claude, Gourbeyre, même Vieux-Habitant mais exerçant à la communauté ou à la mairie se sont vus imposer leur inscription sur la liste électorale de Basse-Terre. J’ai également été victime de cette pratique. J’étais inscrit à Gourbeyre, mais elle a exigé que je sois inscrit sur la liste électorale de Basse-Terre […] Ceux qui ont refusé se sont vu affliger d’une sanction ou placardisés. »


Des accusations évidemment niées par Lucette Michaux-Chevry lors de son audition datée du 9 juillet 2020. L'ex " Dame de fer" a tout nié en bloc que ça soit le recrutement des agents issus de la collectivité ou le financement et les bons d'essence de 50€ donné par la collectivité sous sa décision.






Certains ou certaines d'entre vous pourraient se demander et Chalus dans tout ça ? Vu que dans toute notre rédaction son nom apparaît à peine. D'autres encore pourraient se dire qu'il s'est juste mal entouré et qu'il paye les conséquences de ses mauvaises unions politiques. Ne vous y méprenez pas. Les révélations de l'enquêtes vont beaucoup plus loin. Cette fois, le nom d'Ary Chalus est cité. La campagne de 2015 a été entachée de malversations financières. Au point que Blast la compare au scandale Bygmalion qui avait éclaboussé Nicolas Sarkozy alors président sortant et candidat à sa propre réélection.


Tout aurait commencé par une plainte d'un certain Olivier Serva, malheureux perdant de l'élection municipale de 2014; contre l'indéboulonnable maire des Abymes, Eric Jalton poursuivi pour « obtention de suffrages ou abstention de vote à l’aide de don ou de promesse » et « soustraction, détournement ou destruction de biens d’un dépôt public par le dépositaire ou un de ses subordonnées. » Le maire Jalton est depuis mis en examen en 2021, le maire des Abymes attend désormais son procès, imminent. Comme par hasard, le policer en charge de l'enquête contre le maire abymien n'est autre que celui qui mène des investigations contre le système Chalus/Chevry/Penchard. Au cours d'une perquisition menée chez un entrepreneur de la ville des Abymes, dans le cadre des investigations concernant la campagne des municipales de 2014, le policier découvre une facture datée de 2018. Ce sera le rebond de l'affaire politico judiciaire concernant Ary Chalus.


« Le 13 avril 2021, le brigadier Franck D. rédige un procès-verbal. « Le 25 mars 2021 était réalisée une perquisition chez Monsieur Richard Doulou, entrepreneur sur la commune des Abymes, dans le cadre d’une procédure distincte (celle concernant Jalton, ndlr). Au cours de cette opération, était découverte une facture numérotée F00513 datée du 01/06/2018. Celle-ci était facturée au client L’Alliance Baie-Mahaultienne Maison Dan Roger de la République 97122 Baie-Mahault pour une prestation de sonorisation réalisée dans le cadre des élections régionales de décembre 2015. Le montant de cette prestation se chiffrait à 4000 euros. » Interrogé, l’entrepreneur Richard Doulou explique qu’il « s’agissait d’une facture correspondant à une prestation réalisée pour le candidat Ary Chalus pendant sa campagne régionale. »



Facture trouvée chez Richard Doulou. Source BLAST

Dans sa quête de vérité, l'enquêteur va poursuivre ses investigations à partir des éléments recueillis dans le dossier concernant le maire des Abymes. Comme le note Blast, il est allé jusqu'à demander à la juge d'instruction en charge du dossier ( dossier Eric Jalton) la possibilité d'extraire cette pièce ( la facture) pour la joindre à l'ensemble des éléments du dossier de la campagnes des Régionales de 2015. Ensuite, le brigadier est allé consulter le registre national des Associations et bingo ! Il découvre que l'association Alliance Baie-Mahaultienne est dirigée par : Ary Chalus. D'autres noms vont apparaître notamment celui de Dominique Descombes qui n'était autre que le mandataire financier de la campagne d'Ary Chalus en 2015. Toute cette découverte a fait suite à la garde à vue de Lucette Michaux-Chevry en juillet 2020 et à sa demande d'obtenir l'intégralité des comptes de campagne déposés par Chalus après l’élection, ainsi que l’identité de son mandataire financier.


Pour le brigadier déjà lancé aux trousses d’Ary Chalus, la découverte vaut de l’or. L’enquêteur n’a plus qu’à remonter la piste. Il demande d’abord et obtient de la juge d’instruction en charge du dossier Jalton l’extraction de cette pièce pour la joindre à l’enquête sur la campagne régionale de 2015. En consultant le registre national des associations, le fonctionnaire découvre que cette mystérieuse Alliance Baie-Mahaultienne est présidée par… Ary Chalus ! Immédiatement, un second nom fait tilt, celui du trésorier Dominique Descombes. Le brigadier le connaît déjà : Descombes est le mandataire financier de la campagne des régionales du même Ary Chalus en 2015. Quelques jours après la garde à vue de Lucette Michaux-Chevry en juillet 2020, il avait demandé et obtenu les comptes de campagne déposés par Chalus après l’élection, ainsi que l’identité de son mandataire financier.


Les choses vont vite s'enchaîner avec notamment la consultation des relevés bancaires de l'association et des mouvements importants d'argent vont être constatés par le policier en charge de l'affaire depuis le début. Ce dernier découvre des dépôts d’un montant global de 255 000 euros, principalement sur 2015 et 2016, et des dépenses totales de 243 000 euros, là aussi principalement sur 2015 et 2016. Le policier demande et obtient par ailleurs la copie des chèques encaissés et payés par l’association. Ce qui le poussera à demander une perquisition des locaux de l'association.

Chose faite le 29 avril 2021. Le site Blast résume comment elle a été effectuée et comment Ary Chalus a appris la nouvelle :


" Le 29 avril 2021, Ary Chalus apprend que son petit monde est sur le point de s’effondrer. Il est 15h05 ce jour-là quand son mobile sonne. L’élu décroche en voyant l’identité de sa correspondante : adjointe au maire de Baie-Mahault, Jocelyne Eustache est membre de l’Alliance Baie-Mahaultienne. Au téléphone, la jeune femme l’informe que la police est devant les locaux de l’association, puis elle passe son portable à un policier. Franck D., c’est de lui qu’il s’agit, explique au président de Région qu’il a un mandat de perquisition. Sans avoir trop le choix, Chalus accepte qu’elle se tienne en son absence, en étant représenté par Jocelyne Eustache... A 15h30, Fred Eustache, vice-président de l’association, arrive sur place. Constatant que la comptabilité ne se trouve pas dans les locaux, l’enquêteur lui demande d’appeler le trésorier. Dominique Descombes est à son tour sur les lieux à 15h40. La suite de la perquisition se déroulera à son domicile où il conserve la comptabilité.... "


Un examen de la comptabilité qui a été fructueux puisqu'il a permis de découvrir, en identifiant les factures relatives aux élections de 2015, l’ampleur des malversations commises pour financer illégalement la campagne victorieuse du président Chalus.


Au gré de l'enquête et des auditions des personnes en charge de ces entreprises installées à Baie-Mahault, on apprend que c'est Ary Chalus lui-même qui les aurait démarchés et qui aurait indiqué le montant qu’ils devaient donner. Si ce n'est pas lui, ce sont ses proches fidèles dont l'un de ses directeurs de campagne : " Pour la plupart installées à Baie-Mahault, les responsables des entreprises qui se sont montrées si généreuses avec l’Alliance Baie-Mahaultienne expliqueront tous avoir été démarchés directement par Ary Chalus, qui leur aurait indiqué le montant qu’ils devaient donner. D’autres dirigeants sont également auditionnés. Ils sont à la tête de sociétés qui ont participé à la campagne mais dont les factures ne figurent pas dans le compte de campagne officiel. Elles ont été réglées par l’association. Ceux-là mettent en cause des proches de Chalus, dont l’un de ses directeurs de campagne, qui leur auraient remis leurs paiements soit en cash soit en chèque. "


Dès lors, l'enquête a pris une autre tournure avec cette fois, l'audition du président de la Région et Dominique Descombes. Une audition menée le 11 mai 2021 au siège de la police judiciaire aux Abymes et le policier des débuts qui les mène :

" . A 8h50 sont convoqués, séparément, Ary Chalus et Dominique Descombes. A leur arrivée, les deux hommes sont immédiatement placés en garde-à-vue. Le brigadier Franck D. se charge de l’interrogatoire du mandataire financier, celui du président de l’assemblée régionale étant mené par une de ses collègues. Manifestement, il pense pouvoir obtenir plus d’informations du trésorier de l’association. "


En ce qui concerne la relation entre Ary Chalus et Didier Descombes, ils se connaitraient depuis quarante ans du temps où Ary Chalus était entraineur d'un petit club de football de la commune et c'est Didier Descombes qui a donné des précisions sur la nature de leur relation, visiblement amicale. Quant à son parcours, Didier Descombes a indiqué à l'enquêteur avoir eu un premier emploi dans un cabinet d'expertise-comptable. Par la suite, il est passé par la mairie de Baie-Mahault où il a occupé un poste au service comptabilité avant de passer au service des marchés publics. Mais il est resté agent de catégorie C. Il précise néanmoins avoir suivi deux formations sur l’organisation des campagnes électorales délivrées par l’ordre des experts-comptables de Guadeloupe.


Cependant, bien que ça soit le candidat Ary Chalus qui l'a désigné mandataire financier de la campagne et même s'il connaissait le nom des deux directeurs de campagne, le mis en cause a avoué qu'il n’était pas véritablement intégré à son organisation. Logiquement, il ne sait rien des faits délictueux qui se sont produits à Basse-Terre avec l’utilisation de personnels de la communauté d’agglomération.


Autre élément découvert par l'enquêteur en charge des affaires financières est bien entendu l'adresse de la permanence électorale sur Baie-Mahault et cette adresse n'est autre que celle de l'association Alliance Baie-Mahaultienne créée par : Ary Chalus. C'est d'ailleurs ce que révèle Blast :

" Interrogé sur l’adresse de la permanence électorale à Baie-Mahault, Dominique Descombes livre une première information explosive. Elle était installée « au 94 rue de la République, siège de l’association Alliance Baie-Mahaultienne. » Le policier lui demande s’il connaît cette association. « Oui […] Le fondateur c’est Ary Chalus et elle a été créée en 1999. » Quel est son objet social ? « Association culturelle et sportive. » Il précise en être le trésorier depuis 2000 et tenir la comptabilité manuellement depuis 2014 car « [son] ordinateur est en panne depuis cette année. »


Au regard de la comptabilité de l'association Alliance Baie-Mahaultienne, on comprend que quelque chose ne va pas. Entre des recettes estimées à plusieurs milliers d'euro et des dépenses toutes aussi importantes pour des activités dont on ne connait pas le réel motif, le doute est permis. C'est d'ailleurs ce qu'a avoué le comptable mr Descombes devant la police et dont les propos ont été rapportés par Blast : " Aux recettes de l’association, Descombes évoque « plutôt 60 000 euros pour l’année 2015 parce qu’on avait un sacré projet d'événementiel vidéo sur l’évolution de Baie-Mahault » « Mais ce projet a capoté », apprend-on. « En 2016, [ce sont] environ 15 000 euros. En 2017, environ 20 000 euros et en 2018 là à peu près 40 000 euros », explique le trésorier. Pour financer quelles activités organisées par l’association ? « Un chant de Noël tous les ans, des marches découverte et pas d’autres projets. »


En ce qui concerne les dépenses de l'association l'enquête menée par le policier parle de 70 200 euros en 2015, 135 300 en 2016, 32 000 en 2017 et 20 000 euros en 2018.

Officiellement, ces sommes étaient toutes liées à la campagne politique d'Ary Chalus et toujours selon le trésorier, là aussi aucune justification n'a pu être donnée, il fallait juste payer. Lorsque le policier lui a demandé les raisons des menaces qu'il avait subi et pouvait bien le menacer au cas où il ne payait pas, l'homme en charge de la trésorerie a avoué que les menaces pouvaient venir de plus haut. Il a même nommé Ary Chalus. Ses propos ont encore une fois été rapporté par Blast :


Le policier ne va pas le lâcher : « Pourquoi, vous a-t-on menacé si vous ne payiez pas ?

- Non, mais on me disait qu’il n’y avait pas de problème et qu’on pouvait puiser dans le compte de l’association puisqu’il y avait de la trésorerie. Et puis je dois avouer que j’avais peur de perdre mon emploi et de ne pas évoluer si je n’acceptais pas.

- Qui aurait eu le pouvoir de vous faire perdre votre emploi ?

- M. Chalus qui était maire à l’époque de la campagne des régionales de 2015.

- Comment ces personnes savaient qu’il y avait de la trésorerie suffisante pour pouvoir régler ces dépenses liées à la campagne d’Ary Chalus ?

- Il n’y avait que le président de l’association, Ary Chalus, qui me demandait s’il y avait de la trésorerie. Alors je lui communiquais le solde disponible. »



Ainsi, selon les explications donnée par ce Mr Descombes, Ary Chalus était un acteur majeur des dépenses non justifiées de l'association puisque c'est lui qui donnait son aval pour leur règlement « Je précise que je l’ai toujours alerté sur l’illégalité de ces dépenses et il (Ary Chalus, ndlr) me répondait qu’il n’y avait pas de problème. » Devant les enquêteurs, et là encore c'est Blast qui le dit, devant l'enquêteur, l'homme a tenté de minoré son rôle, préférant donc jeter la faute sur Ary Chalus. De plus, " poussé dans ses retranchements quand on lui demande pourquoi il n’a pas refusé de payer, le mandataire financier répond avoir été « un simple exécutant » qui « n’avait pas le poids de [s]’imposer face à lui ». Tout... en niant avoir su qu’il aurait pu dire non.



A cours de l'analyse de la documentation de la campagne de 2015, l'enquêteur a découvert des dépenses de voitures de location évaluée à 11 366€ dont 8 500€ payés depuis le compte de l'association Alliance Baie-Mahaultienne. Cependant, l'enquête a révélé des faux. De faux documents fabriqués par Dominique Descombes à la demande d'Ary Chalus. Ses explications ont été couchées dans le procès-verbal de l'audition : "Dans la documentation de la campagne des régionales saisie lors des perquisitions, les enquêteurs ont mis la main sur des faux. Ils ont été fabriqués pour justifier une location de voiture. Par qui ? Dominique Descombes, qui ne peut plus rien cacher, avoue : « C’est moi qui les ai faits à la demande d’Ary Chalus. »

Extrait de l’audition détonante de Dominique Descombes le 11 mai 2021. Document Blast


Concernant le circuit emprunté par les factures, de la campagne à l’association qui les prend en charge, et la manière dont elles sont réglées, les révélations de Dominique Descombes sont intéressantes. Durant son audition, il implique plusieurs proches d’Ary Chalus : Fred Eustache, le vice-président de l’association, son directeur de cabinet Teddy Bernadotte, qui l’a suivi de la mairie de Baie-Mahault à la région jusqu’en juin 2021, ou encore Georges Daubin, adjoint au maire de Baie-Mahault et directeur de campagne des régionales de 2015.


De plus, entre 2015 à 2018, l'association Baie-Mahaultienne a bénéficié de plusieurs dons estimés à plus de 58 000 euros en 2015, près de 129 000 euros en 2016, de 36 000 euros en 2017 et encore plus de 20 000 euros en 2018 et quand on lui demande " qui en était donc à l’origine ? l'intéressé répond que « Monsieur Chalus me remettait des dons sous forme de chèques pour les recettes de l’association » et quand on lui pose la question sur l'origine des dons, il répond que « Les plus importants étaient remis par des entreprises ». L'homme avoue même ne pas savoir ce qui a convaincu ces chefs d'entreprise locaux de donner autant d'argent à l'Alliance Baie-Mahault.


" Quand le policier qui lui fait face lui fait remarquer que la plupart de ces entreprises n’ont aucun lien avec l’objet social de l’association, le trésorier avoue qu’il ne sait pas « ce qu’a dit Ary Chalus [à leurs] dirigeants (...) pour les convaincre de donner de telles sommes. » "


Ce sont donc ces entreprises locales qui ont financé la campagne politique d'Ary Chalus en 2015, sauf qu'en France depuis 1995, le financement des campagnes politiques par des entreprises est INTERDIT. Les propos sont rapportés par Blast :

« Donc vous êtes en train de nous faire comprendre que ce sont essentiellement des entreprises qui ont financé indirectement et en partie la campagne d’Ary Chalus pour les régionales de 2015 ?

- Oui, c’est cela. », répond le trésorier. La confidence est stupéfiante. »


Les faits sont donc là, Ary Chalus par le biais de son association Alliance Baie-Mahaultienne, Ary Chalus a bénéficié d'argent privé pour une campagne politique publique. On parle ici de financement illégal de campagne.

Lorsque le policier lui demande si « l’association Alliance Baie-Mahaultienne ne pouvait financer la campagne d’Ary Chalus pour les élections régionales de 2015 ? » L'homme lui a répondu « Oui. »

L'audition se termine par la question : « Reconnaissez-vous les faits qui vous sont reprochés, à savoir l’abus de confiance, la complicité de détournement de fonds publics et la complicité de financement illégal de campagne électorale ? » Il répond « Je reconnais l’abus de confiance et la complicité de financement illégal de campagne électoral, mais pas la complicité de détournement de fonds. »


De son côté, le principal mis en cause, Ary Chalus a nié avoir eu connaissance du moindre acte frauduleux commis pendant la campagne de 2015. Comme le rapport final d’enquête le notera, « sans surprise et comme à son habitude, Ary Chalus faisait mine de découvrir un fonctionnement qui lui avait échappé et ne reconnaissait aucun des faits qu’il (sic) lui étaient reprochés. Il allait même jusqu’à accuser Fred Eustache, son vice-président d’association, d’être à l’origine de ces dépenses réalisées « à l’insu de son plein gré ». »



Tandis que Fred Eustache, vice-président de l'Alliance Baie-Mahaultienne, a complètement réfuté toutes les accusations. Lors de son audition, « toujours consulté le trésorier avant d’engager la moindre dépense » et Ary Chalus a « toujours été tenu informé des moindres dépenses qu’il avait été amené à réaliser du temps de sa présidence ».


Des propos qui ont été confirmés par Dominique Descombes, dans l’après-midi du 12 mai au cours d’un nouvel interrogatoire réalisé après l’audition d’Eustache. Mr Descombes précise encore que toutes les décisions importantes de l’association avaient toujours été prises par Ary Chalus, même quand Fred Eustache en était le président.


Ses accusations auraient motivé l'enquêteur à poursuivre Ary Chalus qui est devenu entre-temps président de Région, pour « complicité de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne électorale et abus de confiance. » Il propose également de renvoyer devant le tribunal correctionnel Lucette-Michaux Chevry et Fred Madinécouty pour « détournement de fonds publics », Dominique Descombes pour « complicité de financement illégal de campagne électorale et abus de confiance », Georges Daubin et Julien Dessout (les deux directeurs de campagne) pour « complicité de financement illégal de campagne électorale. »


Finalement, le procureur de la République a renvoyé Ary Chalus devant le tribunal pour les faits de « dépassement du plafond de dépenses électorales » et de « détournement de fonds ». Au total, l’association Alliance Baie-Mahaultienne a réglé plus de 166 000 euros de factures. Le compte officiel de campagne déposé par Ary Chalus affichait 160 788 euros de dépenses, pour un plafond légal fixé à 168 833 euros. L'amende sera donc salée pour le président de Région qui risque surtout une peine d’inéligibilité qui pourrait contraindre le préfet de le démissionner de ses fonctions. Mettant ainsi fin à sa carrière politique.



Le bilan des comptes de campagne des régionales 2015 pour la Guadeloupe, tel qu’enregistré et validé par la commission nationale des comptes de campagnes (CNCCFP). Officiellement, Ary Chalus a dépensé 160 788 euros pour mener la sienne. Document Blast





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