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Le graffiti était à l'honneur durant 4 jours à Pointe-à-Pitre. ( vidéo)

Du 1er au 8 mai 2021, la ville de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe a vécu au rythme du World Kreyol Art Festival. Un festival d'art urbain initié par Pacman. Certes, il n'y a plus de confinement et de couvre-feu, toutefois, cette 4e édition a dû s'adapter avec le contexte économique et sanitaire.





Vandalisme pour les uns, œuvres artistiques pour les autres, bien souvent associés aux gangs qui pullulent les rues des grandes villes nord-américaines, les graffitis, sous domaine de l'art contemporain ont été injustement mal considérés. Ainsi, aux quatre coins du monde, ceux qui s'adonnaient à ce champs artistique libre étaient malheureusement catalogués, traqués même par les autorités de leur pays respectif. Leur seul crime, exhiber leur talent sur des édifices publics, les façades, ou sur les moyens de locomotion tels que les métros ou les trains.


Jusqu'à présent, si on prend le cas de la France, il est formellement interdit d'inscrire sans autorisation, des signes, des dessins ou des inscriptions sur les façades, les véhicules, les voies publiques et sur le mobilier urbain. D'ailleurs, c'est ce que stipule l'article 322-1 du code pénal : « le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ainsi que le mobilier urbain est puni de 3 750 € d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général lorsqu’il n’en est résulté qu’un dommage léger »


Néanmoins dans la culture urbaine et populaire, le graffiti a d'emblé été accueilli positivement. Tout simplement parce qu'il symbolise depuis ses débuts, la voix des sans voix. En effet, réalisés dans un contexte de tension politique ou suite à des faits de société ayant un grand impact sur la masse, ils se sont développés durant les révolutions, les guerres et les mouvements sociaux au cours de la fin du XXe siècle. Derrière ces oeuvres, il y a bien une portée politico-sociale.


Bien que présent au cours de la Seconde Guerre Mondiale, le graffiti va connaître son âge d'or vers la fin des années 1960 notamment aux Etats-Unis, à l'époque empêtrés dans la sanglante guerre du Vietnam, qui déclencha des manifestations pour la paix. De plus, le pays de l'Oncle Sam était aussi secoué dans ses fondations ultra-conservatrices par les revendications de la population afro-américaine, le féminisme et les mouvements LGBTQ qui réclamaient une véritable égalité entre tous les citoyens. Autant d'éléments qui ont entraîné une multiplication des graffitis sur les murs des campus, des grandes et moyennes villes devenus de véritables lieux de confrontation avec la police, émanation de l'autorité publique.



D'ailleurs, dès que l'on parle des graffitis, on pense au métro de New York entre les années 1970 et 1990 dont la majorité des rames étaient recouvertes d'inscriptions, de noms et de dessins. En outre, nul ne peut ignorer le lien étroit entre l'émergence du courant hip-hop et le graffiti. A cette période, plusieurs grands noms sont associés à ce mouvement urbain tels que Jean-Michel Basquiat, DONDI, Wayne Robert connu sous le pseudonyme de Stay High 149, Michael Marrow ( Phase 2) et tant d'autres, connus ou anonymes qui ont fait de la Grosse Pomme, la capitale mondiale du street-art. La période des années 1970 a vu un changement radical du style, où les phrases revendicatrices ont laissé la place à de simples signatures, des pseudonymes ou des noms de " crew " ou collectifs inscrits sur les métros. Entraînant dans une moindre mesure la répression de la part des municipalités. Certaines imposaient une réglementation de l’achat des produits servant à peindre, tandis que d’autres ont été beaucoup plus catégoriques en punissant sévèrement tout artiste graffeur ayant peint dans un lieu public ou sur un monument, par exemple. Toutefois, la position vis à vis de l'art urbain diffère en fonction des Etats et des villes.


Traversé dans les années 1960 par de nombreuses contestations sociales et politiques telles que la Guerre Froide et les manifestations étudiantes de 1968, le vieux continent va lui aussi être touché par le phénomène. Des villes comme Paris, Londres ou encore Berlin vont vite être envahies par ces inscriptions, dessins, slogans et autres signatures. Depuis, elles sont même imposées comme des références mondiales en la matière. Comme pour les Etats-Unis, les street-artistes européens vont aussi être associés à la culture hip-hop et au mouvements contestataires. Comme à New York, ils vont aussi se regrouper en collectifs, sur le même modèle que ceux retrouvés Outre-Atlantique. De plus, s'inspirant des nord-américains, les artistes européens vont eux aussi pratiquer le graffiti sauvage. Taguant à tout va, les mobiliers urbains, les métros, les bus et les façades des bâtiments abandonnés ou non. Engendrant là aussi une forte répression des autorités des villes. Cependant, à l'image des Etats-Unis, là aussi, les positions au sujet du graffiti diffèrent en fonction des pays et des villes. Si on prend l'exemple de Paris où le graffiti a été et continue d'être sévèrement réprimé, à Berlin ou Hambourg, il est plus toléré. Encore une fois, la question historique revient.


En effet, au début des années 1960, l’Allemagne était en pleine ébullition. Le mur de Berlin fut construit, séparant l’Allemagne de l’Est et de l’Ouest. Ainsi, il était impossible pour les citoyens situés à l’est du mur de traverser, ni même d’approcher le mur, alors que les résidents situés à l’ouest traversaient régulièrement afin d’y réaliser des graffitis. Lorsque le mur fut détruit à la fin des années 1980, il était presque complètement submergé de slogans, dessins, peintures, etc. Ce dernier aura servi de support et de tribune libre à bon nombre de jeunes Allemands qui désiraient protester et signifier leur mécontentement.


La fin des années 1970 va marquer un tournant dans l'acceptation du graffiti. Ce dernier va quitter la rue pour intégrer les galeries d'art. C'est encore une fois à New York que la visibilité artistique autour du graffiti va s'opérer. Comme le souligne le site guide-artistique Les galeries Fashion Moda, Sydney Janis Gallery, Tony Shafrazi Gallery ainsi que la Fun Gallery de l’actrice Patti Astor sont les premières à avoir exposé le graffiti. Des artistes comme Keith Haring vont investir les salles d'exposition.





Heith Haring peignant le métro parisien 1984.

La démocratisation du graffiti en Europe s'opère quant à elle, au milieu des années 1980. Là aussi, le genre quitte la rue pour les musées et les galeries d'art. Si bien que sur le vieux continent des artistes vont parvenir à se hisser au sommet de ce nouveau courant artistique. On peut citer en autre Bansky, les jumeaux Os Gêmeos , Vhils, Blu. Des français vont eux aussi devenir des références internationales tels que Invader, JR, Seth ou encore Jef Aérosol.


Malgré ces évolutions, des ambiguïtés au sujet de l'acceptation du graffiti subsistent au niveau des autorités publiques qui permettent dans un premier temps à ces artistes d'exprimer leur talent en leur accordant des espaces spécifiques, dents creuses, bâtiments désaffectés etc tout en continuant de poursuivre les contrevenants. Point positif, aujourd'hui, plusieurs pays considèrent certaines oeuvres comme étant de l’art contemporain et tolèrent le graffiti avec une pointe de plaisir et d’admiration envers ces artistes qui jouent un rôle clé dans la liberté d’expression.




Des graffitis sauce créole :


D'autres territoires vont eux aussi connaître le développement du graffiti, c'est le cas des Antilles-Françaises. Situées à mi-chemin entre l'Europe et les Etats-Unis, mais surtout fortement influencées par la culture nord-américaine, les antillais, comprenez les Guadeloupéens et les Martiniquais vont réadapter le graffiti à leur façon. Façon sauce créole. Comme en Europe et aux Etats-Unis, il va apparaître dans les moments de conflits sociaux, notamment lors des émeutes de 1967 ou 1974 en Guadeloupe et à la Martinique, on a pu y voir sur les clichés de l'époque des inscriptions contestataires sur les murs. Certaines appelant à l'insurrection, d'autres dénonçant le système colonial comme la dénonciation du Bumibom. Par la suite, le graffiti antillais va lui aussi connaître une évolution à partir des années 1980 avec encore une fois, une forte influence du street-art new-yorkais et de la diffusion du hip-hop. En effet, dans les deux îles, on observe un ancrage indéniable dans la culture hip hop telle que nous la connaissons à l’origine. Ce sont les mêmes codes et les mêmes fonctionnements. Comme dans les grandes métropoles nord-américaines ou européennes, ces artistes investissent des surfaces, murs, façades de maisons. Seule différence, pas de tags sur les bus. Autre similitude, un certain nombre de graffeurs appartiennent à quelques crews : 4KG, RN5, Wall Dogz et bien d'autres qui ont eu le mérite de représenter la Guadeloupe ou la Martinique aux quatre coins du Monde, vu que oui, il existe une connexion entre les graffeurs des différents pays.


Par ailleurs, les artistes des îles de Guadeloupe et de la Martinique se démarquent en abordant des problématiques qui sont propres à leurs territoires, notamment les questions identitaires. Le fait d'être un peuple aux origines diverses. La vie sur une île, département français entourée d'Etats indépendants. Le fait d'être français mais éloignés du centre névralgique, à savoir la France. La considération que celle-ci a pour ses territoires, vestiges de son ancien Empire colonial. Le mal être social ainsi que la question historique ( esclavage, colonisation) sont aussi abordés à travers ces œuvres picturales. Autre thème cher aux graffeurs locaux, l'afro-centrisme qui est assez récurrent dans leurs réalisations.



World Kreyol Art Festival. Photo : ELMS Photography.


L'autre particularisme du graffiti antillais, c'est la reconnaissance de la part des collectivités locales. Ces dernières n'hésitent pas à démarcher des graffeurs pour apporter leur touche artistique aux nouveaux aménagements urbains. De Pointe-à-Pitre à Basse-Terre en passant par Fort-de-France, le paysage urbain devient leur terrain de jeux et donc la toile de fond de peintures variées. La population quant à elle, semble de plus en plus réceptive à cet art ou du moins plus encline à accepter la présence de ces œuvres à ciel ouvert et, elle malgré elle, spectatrice d’œuvres d’art hors du commun. Le graffiti est si accepté que dans les deux îles, notamment en Guadeloupe, ces dernières années, nous avons vu se développer des événements culturels ou des festivals tournés autour de ce courant artistique. C'est le cas du World Kreyol Art Festival créé par le graffeur Pacman.



Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Pacman est l'un des précurseurs du domaine en Guadeloupe et fait partie de ceux qui ont porter le graffiti guadeloupéen à l'échelle internationale, en participant à différents festivals ou expositions à la fois dans la Caraïbe, en France Hexagonale ou ailleurs dans le monde. Vous avez sans doute déjà vu ses oeuvres picturales à différents points de l'agglomération pointoise ou même ailleurs dans l'archipel.


Originaire de la Dominique, Al Pacman tombe dans le dessin dès l'âge de 5 ans. Adolescent, il découvre le monde du graffiti dans les rues de Pointe-à-Pitre. Adolescent, il découvre le monde du graffiti dans les rues de Pointe-à-Pitre. Ce qui lui plait avant tout, c'est la liberté, la possibilité de s'exprimer, de dégager "ce qu'on a à l'intérieur de nous et de le rendre physique sur un mur". C'est à cette période qu'il prend le pseudo de " Pacman " Jeune adulte dans les années 2000, Al Pacman tente sa chance à Paris. Années de galères puisqu'il fini à la rue. Grace à sa persévérance et à des amis il participe à des festivals et parvient à se faire connaitre. Il fini par collaborer avec la scène du rap Français. Six ans plus tard, il décide de rentrer aux Antilles où il reprend ses marques artistique.


En 2019, il crée le World Kréyol Art Festival du graffiti à Pointe-à-Pitre afin de redonner des couleurs à certains quartiers de la ville loin de déboires politiques ou sociétales. Il fait venir des artistes du monde entier pour poser leurs œuvres. En marge de la manifestation, il existe des visites " street art " à travers les rues de Pointe-à-Pitre. Á Capesterre de Marie-Galante, il est à l'origine de la création du festival Just Graff It F.W.I dont la première édition s'est déroulée en 2021 autour du thème de la joie et de la gaieté.


Malgré le contexte social et sanitaire, le festival d'art urbain a fait son grand retour du 4 au 8 mai 2022, pour une quatrième édition qui a dû s'adapter. A la différence de l'année dernière, il n'y a plus de confinement ni de couvre feu mais, la Guadeloupe vit toujours à l'heure de la Covid-19. Par ailleurs, contrairement aux éditions précédentes, l'événement était cantonné à quelques artères de la ville avec le gros de la manifestation sur la Place de la Mairie de Pointe-à-Pitre. Autre différence très marquante, l'absence d'artistes internationaux coup de projecteur sur l'événement pour mieux comprendre la situation :




La 4e édition du World Kreyol Art Festival en photo :






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