Ouvrira ou n'ouvrira t'il jamais ses portes ? Où en est t'on du Centre des Arts ? Tant de questions auxquelles se posent les guadeloupéens, nostalgiques et désireux de voir ce lieu mythique de la vie culturelle locale rouvrir. Il faut dire que le Centre des Arts a pendant de très nombreuses années accueilli des stars nationales et internationales, ainsi que de très nombreuses pièces de théâtre et comédies locales comme nationales. Depuis 2008, ce pilier de la culture est fermée pour cause de travaux. Problème, les travaux sont à l'arrêt et on se demande pourquoi ?
Des concerts mémorables au cours desquels des stars nationales et même internationales s'y sont produites. Des spectacles et des comédies joués par des troupes locales, nationales et même internationales qui ont foulé plus d'une fois les planches de la mythique salle de spectacle. Sans oublier, toutes les expositions et autres vernissages qui ont donné à l'art guadeloupéen ses lettres de noblesse. Mêmes les plus jeunes avaient droit à des cours de musique, de dessin, de peinture. Enfin bref ! pendant plus de trente ans, le Centre des Arts et de la Culture de Pointe-à-Pitre a été le l'épicentre de la vie culturelle pointoise et plus largement de la Guadeloupe. Construit sur une période de trois ans (de 1975 à 1978) grâce à un prêt contracté par la mairie de Pointe-à-Pitre auprès de la Caisse des Dépôts & Consignations, le Centre des Art fût comme son nom l'indique le centre du foisonnement culturel.
Malheureusement, comme toute bonne chose à une fin en 2008, le Centre des Arts et de la Culture a fermé ses portes pour une rénovation et une modernisation. A l'époque de sa fermeture, l'ancienne équipe municipale se voulait confiante et voyait grand. Sur les plans, le nouvel édifice serait beaucoup plus grand que ce qu'il ne l'était auparavant. D'une superficie de plus de 7 000 m2 avec plusieurs espaces notamment une véritable école de musique, une salle d'exposition de 200m2, une boutique, un restaurant mais également un espace pour la danse, un pour le théâtre, des studios de répétition, deux salles de diffusion. On parle même d'un agrandissement de la salle de spectacle qui jadis comprenait 1100 places mais qui était jugée trop petite, pour les grands événements. Présenter de la sorte, le projet faisait rêver les pointois mais plus généralement les Guadeloupéens qui s'impatientaient de voir la réalisation de l'ouvrage.
Dix ans plus tard, le chantier semble à l'arrêt. Ou du moins, il avance par intermittence et la population se questionne : Ouvrira t'il un jour ses portes ? Qu'en est-il réellement du Centre des Arts ? Mais surtout comment se fait-il que la rénovation d'une si grande infrastructure bénéficiant de toutes les aides puisse prendre autant de temps. Dix ans et toujours pas d'ouverture officielle. Comme nous le rappel nos confrères de Karikulture en 2018, " En 2008, la structure a fermé ses portes et elle a entrepris sa reconstruction pour un montant de 25 millions d’euros apportés, entre autres, par la Communauté d’Agglomération Cap Excellence, l’Europe à travers le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), le Conseil Régional de la Guadeloupe, l’État."
Des promesses d'investissement et puis plus rien :
Selon un document transmis à notre équipe, on y apprend qu'en 2008, soit au moment de sa fermeture l'attribution du marché de maîtrise d'œuvre et la réalisation des premières études et des travaux préparatoires à la réhabilitation ont été prises en charge par la ville de Pointe-à-Pitre. Sauf que, dans le cadre des transferts de compétence, à la date du 14 décembre 2010, la Communauté d'Agglomération CAP Excellence a déclaré d'intérêt communautaire l'aménagement, l'entretien et la gestion d'équipements culturels dont le Centre des Arts et de la Culture. Cap Excellence est donc devenue le maître d'ouvrage de la rénovation le 04 novembre 2011. Mais, entre en l'attribution des marchés et le début des travaux, s'écoulera quatre ans. Avec un début de chantier en 2015.
On apprend dans le dit document que plusieurs aides ont été formulées, à la date du 17 mai 2019, des éléments précis sur le financement de l’opération ont été présentés. Conformément au plan de financement approuvé par le Conseil Communautaire, les demandes de subventions ont été faites aux différents partenaires pour un total de recettes attendues de 21 340 817€ HT, soit 64 % du montant prévisionnel total. Parmi ces aides, il y a celle de la Région Guadeloupe en 2007 de l'ordre de pour 2 000 000€ ; dont 278 178€ ont été perçus par la ville de Pointe-à-Pitre en 2008. Depuis, la Région ( ancienne équipe comme la nouvelle) n'a pas tenu ses promesses, c'est le document qui le précise : " Suite aux justificatifs transmis confirmant le transfert de l’opération à CAP Excellence (complétude du dossier convenu avec les services régionaux depuis novembre 2018), nous sommes toujours en attente de la décision de la Région pour attribution du solde de cette subvention à Cap Excellence soit 1,7M€.Une demande de subvention complémentaire à hauteur de 2 405 780,88€ a été adressée au Président de Région, en premier lieu le 19 juillet 2016 puis renouvelée en mars 2019, sans aucune réponse de la Région à ce jour."
Autre participation celle de l'Union Européenne à travers le FEDER. En 2007, l'Europe a décidé de contribuer à la rénovation à hauteur de 2 315 700,40€ (phase 1) ; Dont 2 263 108,30€ ont été perçus par CAP Excellence au prorata des justificatifs fournis. Le problème c'est qu'une demande de subvention FEDER correspondant à la phase 2 de l’opération à hauteur de 11 535 335,72€ a été adressée au Président du Conseil Régional en sa qualité d’Autorité de gestion des fonds européens : Le premier dépôt du dossier date de juillet 2016 et a concerné une demande de subvention globale. Cette demande n’a fait l’objet d’aucune réponse. Après divers échanges techniques entre les services instructeurs, un second dépôt sollicitant précisément les axes « culture » et « énergie » a été adressé en juillet 2018. Un complément technique (non déterminant à ce stade) a été porté en janvier 2019. Aucune réponse formalisée, aucune décision de la Région n’est parvenue à CAP Excellence. Le 3 mars 2020, une demande de pièces complémentaires a été transmise par la Région. La Communauté d’Agglomération CAP Excellence a fourni l’ensemble des documents attendus le 15 juin 2020.
Silence radio également du côté du Conseil Départemental alors qu'une demande de subvention à hauteur de 2 000 000€ a été adressée à la Présidente du Département en mars 2019 et envoyée aux services départementaux sans aucune réponse du département à ce jour. Le montant des subventions pour lesquelles les décisions d’attribution sont en attente s’élève à 15 941 116, 60 € HT. CAP Excellence porte donc, pour l’instant, quasi exclusivement cette opération sur ses fonds propres et donc les dépenses effectivement payées par l'EPCI dépassent aujourd’hui la participation de CAP Excellence prévue au plan de financement. Ces dépenses s’élèvent à 16 915 637 ,74€ TTC.
Des problèmes au niveau des entreprises mandatées :
Toujours selon le même document, on apprend que plusieurs problèmes sont venus rallonger la durée des travaux. Parmi eux : le retrait de la société GEM en charge du macro-lot M04 ou encore la présence de différentes entreprises intervenants sur le chantier et des négociations interminables avec ces différents acteurs ce qui a ralenti la poursuite des travaux, on parlerait même ( à demi-mots) de détournements d'argent de la part de certaines entreprises. Autre problème et non des moindres, les malfaçons ou des erreurs de conception révélées. Par ailleurs, HYDROGEC, l'entreprise qui a été mandatée pour reprendre le chantier a connu quelques difficultés financière. Le document précise que :
" Le 23 Juin 2020, le tribunal de commerce de Martinique a prononcé la liquidation de l'entreprise HYDROGEC, mandataire du macro-lot M01 comprenant le Gros oeuvre du chantier et de modernisation du Centre des Arts. Le jugement du tribunal a été diffusé à la Communauté d'Agglomération le 9 Juillet 2020. "
La liquidation d'HYDROGEC a donc eu impact sur l'avancée des travaux car, l'entreprise avait en charge la logistique quotidienne du chantier. Comme l'ouverture et la fermeture du chantier mais aussi son gardiennage, la mise en place et la tenue des protections collectives, le nettoyage et l'approvisionnement et la tenue des installations de chantier ainsi que la gestion du compte interentreprises. Conséquence des retards dans la continuité du chantier et plusieurs travaux sont à finir dont ; des travaux de gros œuvre (mur file F, l’arrière-scène, le percement pour le désenfumage et le rez-de-chaussée technique) ; Des travaux de finition (reprises des façades, baies et petits travaux d’aménagements etc...) ; Des travaux hors gros œuvre (les façades ventelles et Alucobon, les joints de dilatation et le traitement des caniveaux);Les missions de mandataire du M01 incluant la gestion administrative, la synthèse interne et la coordination des travaux des co-traitants ;La sous-traitance des lots techniques VCD et plomberie.
Autre exemple, on apprend qu'il y a eu des problèmes dans la livraison des ascenseurs fabriqués par la société COTRAVA. Ceux-ci seraient tout juste en cours de fabrication et " Deux gaines d’ascenseurs n’ont pas été réalisées par HYDROGEC (travaux d’arrière-scène). Les 2 autres ascenseurs devront être mis en fabrication après réception des futures gaines d’ascenseurs." En ce qui concerne, l'aménagement des équipements scéniques, cette partie de chantier n'a toujours pas été entreprise, des points de crispations entre deux entreprises mandatées sont à prévoir car, comme le soulève le document," L’entreprise AMG-Féchoz peut lancer la mise en fabrication des équipements scéniques. Les ouvrages de la salle pluridisciplinaire peuvent être lancés en fabrication, mais des adaptations dépendent des études de l’entreprise Sasema. Ce point peut devenir bloquant, s’il n’est pas traité rapidement."
La poursuite des travaux dépendra tout simplement de : De la conduite des procédures réglementaires vis-à-vis du liquidateur et des co-traitants d’HYDROGEC ;De la mise en place d’une procédure temporaire de gestion du chantier ; Des modalités de reprise du marché d’HYDROGEC.
Evidemment l'arrêt des travaux puis leur reprise entraîne bien entendu des surcoûts qui n'étaient pas initialement prévus.
Des révélations chocs du nouveau maire :
De passage sur le plateau de Canal 10, le nouveau Maire de la ville de Pointe-à-Pitre, maître Harry Durimel a critiqué le coût des travaux qu'il qualifie de gouffre financier pour la ville " Le Centre des Arts est en passe de devenir une friche, une de plus (pour la ville)...J'eu préféré que l'on répare le Rémy Nainsouta, la Médiathèque, le Musée Saint-John Perse, on a pas réparé les édifices qui fonctionnaient. Le Centre des Arts fonctionnait, mais on a voulu faire un temple de Yamoussoukro, on est partit sur une dépense de 16 millions d'€ qui aujourd'hui s'élèvent à 39 millions d'€ et on a que 6 à 7 millions d'€ de recettes. Si ce n'était pas Cap Excellence qui sur ses fonds propres a déjà payé 17 millions d'€ dont trois millions engagés par la Ville de Pointe-à-Pitre, puisque la ville s'est rendue compte qu'à force d'annoncer l'inauguration du Centre des Arts, nous sommes arrivés à 10 années de fermeture, la ville a passé le problème à Cap Excellence qui a déjà payé 17 millions d'€.... "
Toujours selon le maire, la Communauté d'Agglomération serait à bout financièrement de ce projet qui représenterait un véritable gouffre budgétaire : " Cap Excellence dit que nous sommes arrivés au bout de ce que nous pouvions faire sur nos fonds propres, objectivement cela se comprend. Quand vous payez 17 millions d'€ alors que ce n'était pas prévu faut les comprendre..."
En outre, au cours de cette entrevue, on apprend de la part de l'actuel maire que le Parquet National Financier enquêterait sur le dossier à la suite d'une plainte déposée concernant les frais d'architecture jugés trop onéreux pour un ouvrage de ce type. Soulignons que le coût initial était de 16 millions d'€ désormais il s'élèverait à 39 millions d'€. L'enquête est en cours. En attendant le dénouement, c'est la culture qui se meurt et avec elle, la ville de Pointe-à-Pitre ironiquement labellisée ville d'art et d'histoire mais qui, pourtant depuis plusieurs années perd de sa superbe au détriment des villes adjacentes de l'agglomération, notamment Les Abymes. Soulignons que sans le Centre des Art, Pointe-à-Pitre n'est plus qu'une ville vidée de son âme et nul n'a le droit de priver un peuple de l'accès à la culture puisque c'est elle qui fait l'humain.
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