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L’aide active à mourir peut-elle être considérée comme un soin ?

La loi actuelle (loi du 2 février 2016, dite Claeys-Leonetti) prévoit que des patients sans espoir de guérison et confrontés à une « souffrance réfractaire » peuvent bénéficier, quand leur pronostic vital est engagé « à court terme », d’une « sédation profonde et continue jusqu’au décès ».




La loi actuelle (loi du 2 février 2016, dite Claeys-Leonetti) prévoit que des patients sans espoir de guérison et confrontés à une « souffrance réfractaire » peuvent bénéficier, quand leur pronostic vital est engagé « à court terme », d’une « sédation profonde et continue jusqu’au décès ».


Le dernier avis du Comité consultatif national d’éthique sur la fin de vie s’interroge sur l’évolution de la loi actuelle. La contribution de RÉGIS AUBRY médecin, membre du Conseil consultatif national d’éthique, chef du pôle Autonomie Handicap recommande fortement le développement de l’offre de soins palliatifs et, plus largement, le développement d’une culture palliative.


L’obstination déraisonnable ?


Au-delà de ce refus de l’obstination déraisonnable et de cette prise en charge des ultimes

souffrances, la loi doit-elle autoriser une « aide active à mourir » ? Régis Aubry rappelle tout

d’abord que l’expression « aide active à mourir » regroupe deux notions différentes: l’assistance au suicide consiste à « donner les moyens à une personne [atteinte d’une maladie grave et incurable] de se suicider elle-même ». Tandis que l’euthanasie est « un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable ».


L ’intervention d’un tiers ?


Ces deux actes impliquent l’intervention d’un tiers mais avec un degré d’implication très différent. Dans le cas de l’assistance au suicide, cette intervention peut se limiter à la prescription médicale d’un produit létal tandis qu’en cas d’euthanasie, un médecin administre lui-même le produit. Ce qui est craint parfois, si l’on autorisait ces actions, est le risque d’instrumentalisation du médecin qui pourrait se trouver en quelque sorte contraint d’accéder à de telles demandes alors même que nous ne disposons actuellement pas d’une véritable culture palliative.


Pire, la crainte serait que l’on puisse en arriver à proposer l’aide active à mourir pour des raisons économiques liées au coût de la fin de vie dans une société qui, il est vrai, a tendance à valoriser, de façon souvent implicite, les personnes en bonne santé, plutôt jeunes, productives Pour le docteur Régis Aubry , et votre serviteur, ces craintes ne sont pas infondées. Il est également des demandes d’aide active à mourir qui expriment un sentiment d’indignité, fait d’un sentiment d’inutilité, d’être une charge pour autrui. ..


Un tel sentiment, qui n’a bien entendu rien à voir avec une indignité de la personne est [trop]

fréquemment rencontré chez certaines personnes âgées qui par exemple ont le sentiment que l’on ne respecte pas leur autonomie de décision . Et leur choix du lieu de leur fin d’existence. Parfois ce sont des personnes atteintes de maladie incurable, chronicisée par les traitements qui éprouvent ce sentiment. Celui-ci est le reflet de la difficulté que les personnes ressentent dans une société qui valorise la réussite, le dynamisme et l’autonomie. On peut souffrir du regard qu’autrui porte sur soi, surtout lorsque ce regard est réifiant. Insupportable !


On voit bien que la première réponse obligée à une demande d’aide active à mourir se situe donc dans le champ des soins palliatifs et de l’accompagnement. On comprend donc également qu’il est essentiel de s’assurer qu’une telle demande témoigne d’une volonté réelle, constante. Il faut ajouter que le CCNE dans son avis 139 suggère que l’appréciation de cette volonté derrière la demande d’aide active à mourir soit le fait non pas du seul médecin ou soignant à qui elle s’adresse mais d’un collectif, connaissant la personne (soignants, proches) qui doit ainsi limiter la subjectivité inhérente à la relation.


Ce qui différencie beaucoup l'assistance au suicide de l'euthanasie :


Dans l’assistance au suicide, pour Régis Aubry , me semble – t- il, c’est a priori la personne qui, lorsqu’il s’avère que sa demande exprime effectivement sa volonté, ferme et constante, va se donner elle-même la mort en absorbant ou en s’administrant un produit létal. L’expérience des pays qui ont dépénalisé l’assistance au suicide est à cet égard intéressante. En effet , près d’un tiers à la moitié des malades (selon les années) ayant reçu une prescription de produit létal, ne l’ingèrent en définitive pas]. Cela signifie oui, qu’alors même que la demande a été jugée valide, la personne revoit souvent sa propre décision.


De plus, comme le décrit Ludwig A. Minelli, son fondateur, « sur cent personnes qui reçoivent notre feu vert provisoire, à savoir qu’un médecin suisse s’est dit prêt à leur prescrire du Pentothal après consultation de leur dossier, seulement 12 % réalisent leur souhait de mourir »


Est – ce à dire, qu’écouter une demande d’aide active à mourir, tenter de comprendre ce qui la sous-tend, y répondre par des traitements symptomatiques quand cela est nécessaire, par un accompagnement de la souffrance morale souvent associée relève du soin bien entendu.


Accepter que la personne fasse le choix de l’assistance au suicide si ce choix est bien libre et constant relève également, pour Régis Aubry du soin, parce qu’il relève du respect de la personne.


Mais qu’est-ce que soigner signifie ?


On le voit bien chez nous, avec le vaccin. Mais qu’est-ce que soigner signifie si l’on ne respecte pas d’autres convictions que les siennes ? Pour aubry, il faut signaler enfin que d’autres enfin peuvent avoir le sentiment que laisser le patient agir lui-même selon sa volonté équivaut à l’abandonner à sa souffrance... En revanche, avec l’euthanasie, il est paradoxal que celui qui souhaite mourir au nom de sa liberté et de son autonomie, confie à d’autres la responsabilité d’exécuter sa volonté. Il est, de plus, certain que revoir sa décision ultime peut paraître plus difficile pour la personne malade dans le cadre d’une demande d’euthanasie où c’est un tiers, répondant à une demande qui est censée être le reflet d’une volonté autonome, qui administre un produit entrainant le décès. Ici , on voit bien comment l’engagement de ce tiers est déterminant et ne permet pas, ou pas totalement, cette possibilité de rétractation ultime.


Est-ce qu’un acte sans retour possible, engendrant la mort de la personne peut être considéré comme un soin ? Ce n’est vraiment pas certain ! Pour Régis Aubry et certainement pour votre serviteur ?



DURIZOT JOCELYN (Président de l’Union des Journalistes et Médias de la Guadeloupe (UJMG)

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