Istwa a Mas saison 3 : 50/50 au commencement était Guimbo All Stars
- ELMS
- 22 janv. 2023
- 5 min de lecture
Après deux ans de pandémie de la Covid-19, le carnaval a fait son grand retour en Guadeloupe et Istwa a Mas est également de retour. Le premier épisode est consacré à l'histoire du groupe 50/50 qui est le deuxième plus vieux gwoup a po de la Guadeloupe après AKIYO. Curieux d'en apprendre un peu plus ? Bonne lecture.

Le Carnaval est la période que les guadeloupéens ne rateraient pour rien au monde. Carnaval c'est la période où les groupes se défient en terme de musicalité, de déguisement. Le mot d'ordre : être original ! Le carnaval est aussi la période durant laquelle, les Gwoup à Po sont de sortie et présentent les différents déguisements traditionnels.
Les gwoup a po sont la touche d'originalité du carnaval de la Guadeloupe. Ils sont même les uniques formations du genre parmi tous les carnavals existant de par le monde.
Qu'est ce qu'un gwoup a po ?
Dans une définition simple, on peut dire que le gwoup a po ou "Màs a Po" utilisent des tambours à peau d’animal, des chachas et cornes (ou conques) à lambis. Sur la région Pointoise ils jouent la musique "Sen Jan" (Saint Jean) (ex : le groupe Akiyo) et sur la région Basse-terrienne c'est plus généralement la musique Gwo Siwo qui est jouée (ex: le groupe Voukoum). Leur marche est vigoureuse et ils sont souvent surpeuplés.
Présents dans le paysage carnavalesque depuis les années 1960-1965, les "Gwoup a Po" ont marqué la culture guadeloupéenne. Normal, ils ont puisé dans ce que les ancêtres avaient légué aux guadeloupéens, ils les ont remis au goût du jour. C'est dans un contexte social difficile : répression de 1967, grèves ouvrières, apparition des mouvements indépendantistes, qu'apparaîtront dans les quartiers populaires de Pointe-à-Pitre et de Basse-Terre, les premiers "Gwoup a Po" , Akiyo et Voukoum (aux sonorités bien distinctes) devenus depuis, les piliers du "Mas" traditionnels. Pour ces groupes, il s'agissait d'affirmer la culture guadeloupéenne, par des instruments tels que le "Ka" et des masques rendant hommage à la lontaine Afrique mais également aux peuples amérindiens qui jadis peuplaient les îles de l'Archipel. Longtemps réprimés, car contestataires, les "Gwoup a Po" se sont imposés dans le paysage carnavalesque guadeloupéen. Ils sont même devenus incontournables.
L'objectif du mas a po était de permettre à la classe populaire de la Guadeloupe de participer au carnaval, héritage de l’Europe esclavagiste, avec ses propres codes. Loin du strass et paillettes des groupes dits à caisse claire, les membres des gwoup a po créent des costumes à partir d'éléments naturels, roukou, gwo sirop issu du sirop de canne à sucre, vêtements usagés, tissus de vieux draps, feuilles de bananiers,feuillage etc.. Ces costumes feront naître des masques ou mas traditionnels encore présents dans le carnaval guadeloupéen :
Mas a lan-mò, mass a konn, mas a fwet, mass a miwa, mass a kongo ou mass a goudwon, mass a rubans, mass a hangnion ou mas a rannyon, mas a Lous, mass a roukou ou Mas a woukou, mass a zonbi ...

Une saison chaque année :
Passionnés de carnaval, il nous est venu comme idée d'aborder l'histoire de ces groupes extrêmement populaires qui animent chaque dimanche les rues des villes guadeloupéennes dont principalement les villes de Pointe-à-Pitre et de Basse-Terre.
C'est donc sous la forme de série avec plusieurs saisons que nous rencontrons depuis 2019, les membres de ces groupes qui font la beauté du carnaval guadeloupéen. Le nom de cette série : ISTWA A MAS.
Vous l'aurez compris, l'objectif d'Istwa a Mas est de dresser un portrait de chaque gwoup a po. A travers ces reportages, c'est l'histoire du style " Mas a po" qui est abordée. Pour les deux premières saisons, nous sommes allés à la rencontre des groupes Le Pwen, Nasyon a Neg Mawon, Mas Ka Klé, VIM, Klé La et Ti Kanno.
Malheureusement, Covid-19 oblige, fortement impactée par la pandémie, la Guadeloupe a à contre coeur, mis sur pause, durant deux ans, son carnaval. Entre les restrictions, les avis de décès quotidiens et les flambées de cas, autant vous dire que, l'ambiance n'était pas à la fête. Elle était même anxiogène.
Néanmoins, après deux ans de pandémie de la Covid-19, le carnaval a fait son grand retour en Guadeloupe et Istwa a Mas est également de retour. Le premier épisode est consacré à l'histoire du groupe 50/50 qui est le deuxième plus vieux gwoup a po de la Guadeloupe après AKIYO.

C'est plein coeur du quartier historique de Dubouchage, plus précisément à la rue Raspail à Pointe-à-Pitre, sur ce lieu, lui aussi historique et ô combien symbolique de la Cours l'Intendance, que nous avons été accueillis durant une semaine, par ces passionnés de la musique Mas a po d'origine.
Lieu chargé d'histoire, durant les siècles précédents, la Cours l'intendance a été rattachée à l'ancienne usine Darboussier, qui jadis était l'une des principales, si ce n'est, la principale usine de la Guadeloupe. C'est dans ce lieu que logeaient à la fois les ouvriers et les maîtres ( responsables) de l'usine sucrière. Si aujourd'hui, le groupe 50/50 se trouve dans ce lieu hautement symbolique, c'est justement le fruit de la volonté d'un homme, Christian Morvan, membre-fondateur de la formation pointoise qui a exprimé le souhait de récupérer ce lieu laisser à l'abandon par les enfants des propriétaires de l'usine qui lui ont cédé pour peu d'argent.
L'histoire de 50/50 est avant tout celle d'amis de quartier réunis autour du fondateur Christian Morvan qui était à l'époque membre et musicien du mythique groupe Guimbo All Stars. C'est en 1984 que naquit le 50/50 en créole Cinkant Cinkant. L'homme sera rejoint par la suite par d'autres musiciens du Guimbo All Stars. Pourtant contrairement à leur ancien groupe de carnaval, ils ont pris la décision de délaisser la musique à " caisse claire " pour embrasser celle du Mas a Senjan jouée à cette période par Akiyo.
Pour ce qui est de la définition du nom de la formation carnavalesque, chacun y va à sa façon, mais, pour beaucoup, le Cinkant Cinkant symbolise l'équilibre. L'idée repose sur le fait que chacun vient comme il est, avec ce qu'il a et ce qu'il est et qu'ensemble, ils fassent qu'un, toujours avec cet objectif de transmettre aux personnes qui rejoignent le groupe.

Pour ce qui est de la musique, contrairement aux autres gwoup a po, Cinkant Cinkant se qualifie de groupe jouant le Mas a Senjan avec un son axé principalement sur le tambour chant. Parmi les autres différences d'avec les autres Mas a Senjan de la zone pointoise, Cinkant Cinkant est reconnaissable par ses coups de sifflets qui indiquaient jadis l'arrivée d'un gwoup a po mais les sifflets ont été remplacés par des conk a lambi. Par ailleurs, la musique du 50/50 repose sur un rythme donné par une contre-basse jouant sur un temps.
Groupe de quartier à l'ambiance familiale, 50/50 a connu plusieurs arrivées de membres mais surtout de nombreux départs mais jamais le groupe n'a implosé ou disparu. Comme le disent les membres les plus anciens, 50/50 fait de la résistance s'adaptant aux nombres de ses membres.
En 2018, Léon Leborgne, un des fondateurs a décidé de reprendre le groupe qui était à l'agonie afin de la redynamiser en se tournant vers la jeunesse.
Groupe historique des bas-fonds de Pointe-à-Pitre, deuxième plus vieux Mas a Po de la région, 50/50 est avant tout un patrimoine de la ville commerçante. Aujourd'hui, pour les membres les plus anciens, l'heure est à la transmission à la nouvelle génération qui est bien présente au sein du groupe. Aux côtés de Christian Morvan, la jeunesse a décidé de poursuivre l'oeuvre des fondateurs, en continuant à jouer la musique Mas a Senjan aux couleurs du Cinkant Cinkant.

留言