Guadeloupe, un re-confinement qui ne porte pas son nom
- ELMS
- 25 sept. 2020
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Dernière mise à jour : 25 sept. 2020
Bars et restaurants fermés durant deux semaines, accès aux plages et aux rivières à des heures autorisées, rassemblements public et autres fêtes publiques interdits, autant de mesures restrictives prises par Alexandre Rochatte ce jeudi matin face à la presse. Face à l'augmentation du nombre de malades, la préfecture a décidé d'appliquer des mesures restrictives qui divisent la société guadeloupéenne.

Relativement épargnée durant les deux mois de confinement, citée en exemple pour l'extrême vigilance des autorités locales et la discipline de la population lors de la première vague de coronavirus, la Guadeloupe est désormais considérée comme une région à risque. Durement frappée par ce que les experts nomment la deuxième vague ( au niveau national), l'archipel guadeloupéen est depuis Mercredi, placé en alerte maximale, au même titre que la région Aix-Marseille. Il s'agit du niveau le plus élevé avant l'état d'urgence sanitaire. Une décision prise par le gouvernement par la voix du ministre de la santé Olivier Véran; Dans ces zones d'alerte maximale renforcée, le taux d'incidence dépasse désormais le seuil de 250 cas pour 100 000 habitants. Cette vague pourrait bien être la première vague que traversent les îles de Guadeloupe.
En moins d'une semaine 16 personnes sont décédées de la Covid-19 et 1000 cas ont été détectés. L'archipel français des Caraïbes comptabiliserait 4497 cas mais 1336 cas depuis le début du mois de Septembre. A ce jour, un total de 46 personnes seraient décédées depuis le début de la pandémie, mais en moins d'un mois ce sont 25 personnes qui ont perdu la vie. La situation semble incontrôlée.
Du côté du CHU, l'établissement de santé public est au bord de la saturation. Même situation pour l'accueil spéciale Covid-19 créée pour gérer l'afflux de malades, là aussi c'est la quasi saturation. En 24 heures, huit patients sont arrivés en réanimation au CHU. Au total, 101 personnes étaient hospitalisées mercredi pour des symptômes plus ou moins graves du coronavirus. Le plus grand Hôpital du département fait surtout face à un manque de personnel et de matériel. Si bien que Gérard Cotellon, directeur de l'hôpital avait en début de mois établit une liste de six besoins parmi lesquels, l’octroi de renforts de la réserve sanitaire pour armer 8 lits de réanimation de plus. La réactivation au sein de l’ARS d’une cellule facilitant le transfert des patients du CHU vers les soins de suite et de réadaptation (SSR). Des lits de réanimation non Covid au CHBT pour compenser la perte de capacité actuelle. Il est aussi envisagé l’ouverture d’un 4ème secteur de réanimation Covid en salle de surveillance post-interventionnelle des blocs opératoires. Ensuite, il est prévu le transfert de l’hôpital de jour d’oncologie du rez de chaussée de la Tour Nord vers le service de chirurgie du CHU situé aux Eaux Claires. Autre aménagement prévu, le déploiement des post-urgences sur les 22 lits du rez de chaussée de la Tour Nord; l’assignation des médecins séniors et juniors afin d’assurer la couverture médicale. Il est aussi envisagé la poursuite voire l’amplification des évacuations sanitaires vers la zone Antilles-Guyane. Enfin, il se pourrait que des évacuations sanitaires des patients cancéreux dont la prise en charge est urgente vers les centres hospitaliers d’Île-de-France.
Autre demande formulée par le Directeur du CHU, la mise en place par la Préfecture de mesures préventives en matière de sécurité routière et de consommation d’alcool. Il s’agit là, de limiter le risque d’accident et mécaniquement l’afflux de patients réanimatoires. Afin de diminuer le risque potentiel d'accidents de la route, ce qui risquerait de mettre encore plus le CHU sous tension, alors que la situation actuelle est déjà difficile à soutenir. Un appel entendu et relayé au sommet de l'Etat par les services de l'ARS et de la Préfecture. En effet, à la demande du ministère des Solidarités et de la Santé et après une évaluation, une équipe mixte de renfort militaire du Service de Santé des Armées (SSA) et de l'armée de Terre va être envoyée en Guadeloupe pour soutenir les équipes médicales locales débordées et épuisées. Ce renfort militaire du Service de Santé des Armées, intervient dans le cadre de l'opération Résilience menée depuis le début de la pandémie de Covid-19. Dans la première phase de cette opération le Porte-hélicoptère Dixmude s'était rendu dans la zone Antilles pour servir de base logistique. Ce renfort permettra également d'augmenter la capacité d'accueil en réanimation du CHU de Pointe-à-Pitre de huit places.
De plus, jeudi matin face à la presse, Alexandre Rochatte, préfet de la Guadeloupe a pris de mesures restrictives à la limite liberticides parmi lesquelles,
- l'interdiction de rassemblement de plus de 10 personnes dans les lieux publics. En l'occurrence l'interdiction des fêtes ou manifestations populaires.
- L'accès aux plages et aux rivières interdit entre 11h30-14h et 19h30 et 5h du matin. Selon le préfet, : "Le contact tracing permet de voir que les contaminations se font désormais dans la sphère privée", indiquent les autorités pour justifier leur décision. Or les week-ends sont, en Guadeloupe, riches en pique-niques et rassemblements familiaux sur les plages ou au bord des rivières. Les contrevenants risqueront donc des amendes.
- Fermeture de tous les établissements recevant du public sauf les cinémas et les théâtres.
- Restrictions des vols entre la Guadeloupe et la Martinique, la Guadeloupe et les îles du Nord ( Saint-Martin / Saint-Barthélémy), ( motif impérieux pour voyager) mais pas de consignes pour les vols à destination de la France Hexagonale qui est pourtant fortement touchée par la deuxième vague. Selon Santé Publique France, +15 797 cas en 24h, +96 clusters, 4069 nouvelles hospitalisations en une semaine, à la date du 25 Septembre pour un total de 513 034 cas depuis le 15 Mars 2020.)
- Horaires aménagés pour les personnes vulnérables dans les supermarchés et les centres commerciaux.
- Fermeture de tous les bars et restaurants de l'archipel à compter de samedi.( finalement ils fermeront à partir de dimanche 22 heures) Une mesure contraignante et difficile à accepter pour les socio-professionnels de la restauration déjà fortement impactés par les deux mois de confinement. Au même titre que les propriétaires d'établissements nocturnes sont les grandes victimes de cette crise sanitaire. Concernant la réouverture des boites de nuit, la question n'est toujours pas à l'ordre du jour. Depuis le 15 Mars, le monde de la nuit guadeloupéenne est complètement à l'arrêt. Beaucoup craignent de devoir fermer définitivement. Autre secteur touché par l'actuelle crise, l'hôtellerie. En Mars dernier, alors que la saison touristique battait son plein, les hôteliers ont dû fermer leurs portes. Avec le déconfinement, ils espéraient rattraper le retard, mais avec ce re-confinement qui ne porte pas son nom, ils doivent de nouveau fermer leurs portes. Un véritable coup dur pour un secteur déjà ébranlé par la Covid-19. Source de l'incompréhension, le maintien des Grandes Surfaces qui sont autant de lieux potentiels de contamination mais qui ne sont pas concernés par les mesures préfectorales. C'est ce que dénonce une bonne partie de la clase politique locale qui craint une crise économique catastrophique pour une région qui se relevait difficilement de la crise de 2009.
Face à la colère des socio-professionnels de la restauration et de l'événementiel, une réunion a été organisée en préfecture, l'urgence de l'accompagnement d'un secteur à l'agonie se pose. A l'issue de cette réunion, Alexandre Rochatte est revenu sur quelques points des annonces formulées jeudi. Comme le reportent nos confrères de France-Antilles, finalement, les professionnels pourront recevoir le public jusqu’à dimanche soir. « On a discuté ce vendredi matin, avec les entrepreneurs du secteurs de la restauration. Ils m’ont fait par des difficultés qu’ils ont de façon générale. C’est pour cela qu’on souhaite les accompagner. Mais ils ont aussi soulevé une difficulté très ponctuelle, qui est celle des stocks de marchandises qui seraient perdus si on fermait immédiatement. On a convenu ensemble que j’allais regarder comment assouplir un peu les choses. Cet après-midi,j’ai donc décidé de prendre la mesure à compter de dimanche soir. » Ces établissements seront fermés, pour 15 jours, à compter de dimanche 27 septembre, 22 heures. Ils disposeront, comme ces derniers jours, d’une heure pour effectuer le le nettoyage et le rangement, sans clients dans l'établissement. En outre, à compter du lundi 28 septembre, seules seront autorisées dans ces établissements : la vente à emporter et la livraison de repas ; la restauration scolaire et périscolaire ; le room service (ou panier repas) pour leurs clients hébergés dans les hôtels. Evidemment, cet assouplissement ne règlera en rien la situation difficile d'un milieu en souffrance depuis le début de la pandémie.
Pourquoi une telle augmentation ?
Cette deuxième vague, qui frappe la Guadeloupe plus durement que ne l’avait fait la première, a démarré, lentement, dès la fin du mois de juillet. À ce moment-là, un premier cluster avait été signalé à la suite d’une soirée festive. Très rapidement, les autorités avaient jugé cette situation “préoccupante”, comme le précisait alors France TV info, car, outre les six personnes testées positives au nouveau coronavirus, plus de 70 avaient été identifiées comme cas contacts. Ces personnes étaient pourtant des soignants internes du CHU. Un bon nombre d'entre elles, avaient participé à une fête privée regroupant 200 personnes. “Le risque de voir repartir l’épidémie en Guadeloupe est réel”, avertissait déjà la préfecture, fin juillet. Très vite, les chiffres ont d’ailleurs commencé à s’affoler, malgré les restrictions encore en vigueur, la distanciation sociale dans les restaurants, l’obligation de déclaration pour les événements de plus de 10 personnes dans les lieux publics. Durant les deux dernières semaines du mois de juillet, 72 nouveaux cas ont été déclarés, contre seulement 10 les deux premières semaines du même mois. Mais à ce moment-là, la Guadeloupe ne comptait encore aucun patient atteint du Covid-19 en réanimation. Les indicateurs n’ont ensuite pas cessé d’augmenter courant août. Dans le point épidémiologique du 27 août, Santé Publique France informait que les chiffres confirmaient “une augmentation de la circulation du SARS-COV-2”. Durant la semaine du 17 au 23 août, le taux d’incidence c’est-à-dire le nombre de contaminations rapporté à la population - était de 83 cas pour 100 000 habitants, dépassant ainsi le taux d’alerte, fixé à 50. Ce chiffre est passé à 233 pour 100 000 habitants entre le 31 août et le 6 septembre. Il était à 249 au cours de la semaine suivante. Le chiffre le plus élevé parmi tous les départements français. Le taux de positivité, nombre de cas positifs au Covid-19 par rapport au nombre de personnes testées a dépassé le seuil d’alerte fixé à 10% dans la semaine du 24 au 30 août. Il atteignait 18,7% durant la première semaine de septembre et 20,9% entre le 7 et le 13. A ce jour, le taux d'incidence dans l'archipel est de 290,54 personnes positives pour 100 000 habitants sur une période d'une semaine. Le taux de positivité a quant à lui augmenté : à 22,57 % il est au-dessus du seuil d'alerte fixé à 10 %.Malgré ces chiffres affolants la question du déclanchement de l'Etat d'Urgence Sanitaire n'est pas à l'ordre du jour...
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