Bruno Henry fait partie de ceux qui prêtent leur voix aux acteurs majeurs Outre-Atlantique. Véritable sommité dans le domaine, l’acteur double depuis plusieurs années les voix de Derek Luke, Tyrese Gibson, Terrence Howard, DjimounHousou. Loin d’être seulement cantonné au doublage de voix, Bruno Henry est un acteur à la carrière bien remplie. C'est en Afrique qu'il s'est fait un nom. Le guadeloupéen a joué dans des productions notables du continent. A son actif, plus d’une trentaine de films, une quarantaine de séries et une bonne vingtaine de pièces de théâtre. De passage en Guadeloupe, il est revenu sur son parcours et en a profité pour donner sa vision du cinéma antillais et africain.
Qui n’a jamais aimé aller au cinéma, s’asseoir dans un fauteuil confortable un paquet de pop-corn à la main, vibrer à la moindre action de nos acteurs préférés, américains si possible ? Cependant, vous êtes-vous déjà demandés, qui étaient les personnes qui doublaient les voix des plus grands acteurs US ? Sans doute que non. Bruno Henry fait partie de ceux qui prêtent leur voix aux acteurs majeurs Outre-Atlantique. Véritable sommité dans le domaine, l’acteur double depuis plusieurs années les voix de Derek Luke, Tyrese Gibson, Terrence Howard, DjimounHousou. Loin d’être seulement cantonné au doublage de voix, Bruno Henry est un acteur à la carrière bien remplie. C'est en Afrique qu'il s'est fait un nom. Le guadeloupéen a joué dans des productions notables du continent. A son actif, plus d’une trentaine de films, une quarantaine de séries et une bonne vingtaine de pièces de théâtre. De passage en Guadeloupe, il est revenu sur son parcours et en a profité pour donner sa vision du cinéma antillais et africain.
The Link Fwi : Bonjour Bruno Henry, bienvenue sur The Link Fwi. Nous sommes à coeur à l’Art S’en mèle merci d’avoir accepté notre invitation. On connaît votre nom, et votre voix est rattachée à plusieurs grands noms du cinéma américain, mais on sait peu de choses sur vous, qui est donc Bruno Henry et d’où venez-vous ?
Bruno Henry : Bonjour à tous. A la question d’où je viens, déjà premièrement je suis né en France, plus exactement à Bordeaux de parents antillais, mère et père. J’ai vécu et j’ai grandi à Bourges puis j’ai atterri en banlieue parisienne. Je venais régulièrement aux Antilles puisque mon père était militaire de carrière, donc même si on me qualifie de négrpolitain, j’ai toujours eu un lien assez fort avec les Antilles vu que grâce à mon père et ses congés bonifiés nous venions. En plus, à l’époque, je m’en souviens, nous prenions le paquebot, ça remonte tout ça (rires). J’ai fait mes études dans l’Hexagone et très vite j’ai eu un goût prononcé pour l’art. J’ai commencé par la danse. J’ai suivi une formation dans le club de Sylvie Vartan. J’ai obtenu un prix Espoir de la Danse 1986/1987 qui m’a d’ailleurs été remis par elle. Par la suite, j’ai été chorégraphe pour de nombreuses émissions de télévision nationale comme “ Le Monde est à vous “ animée par Jacques Martin. J’ai aussi été mannequin danseur ce qui m’a amené à faire des défilés-dansés. J’ai dansé pour des clips également. J’avais une danseuse qui était avec moi et qui elle suivait des cours de théâtre, son professeur Dominique Viriot m’a demandé à la mettre en scène pour un examen du cours de théâtre. Notre performance le jour de l’examen a eu un véritable succès, et de là, le professeur m’a demandé quand j’allais m’inscrire aux cours de théâtre, j’ai répondu “ demain “. Ce que j’ai fait et c’est donc comme cela que j’ai commencé à suivre une formation dans le domaine théâtral pendant trois ans. Au bout de trois ans, il y a eu une audition pour une pièce de théâtre “ Monsieur Amédée” dans laquelle jouaient Michel Galabru et Bernadette Lafont, j’ai été pris. Par la suite, j’ai aussi suivi une formation avec Michel Galabru pendant un an dans son théâtre qui se situe à Montmartre, “ Théâtre Montmartre-Galabru", anciennement connu sous le nom de Maubel-Galabru. Pendant un an, à ses côtés, j’ai appris les classiques. Michel Galabru a été mentor, mon ami, je connais toute sa famille, ça a été une très belle rencontre à mes débuts, parce que j’ai appris aux côtés de ce monsieur qui était d’une humilité incroyable et d’une telle générosité. Ensuite, j’ai eu un agent, j’ai passé d’autres castings pour d’autres pièces de théâtres. J’ai travaillé avec Nicolas Briançon où j’ai joué Antigone de Jean Anouilh ou Pygmalion de George Bernard Shaw. Après, j’ai aussi travaillé sur la pièce des Souris et des hommes de John Steinbeck. Que des classiques. J’ai aussi joué dans la version parisienne de “ Makomè Alfred” de Jean-Pierre Sturm, j’ai joué le rôle de Pascal Mouesta, où nous avons joué les dates parisiennes. J’ai donc fait beaucoup de théâtre. J’ai aussi passé des castings pour des films, des longs métrages et des séries policières. Depuis une vingtaine d’années, je fais des doublages voix. Notamment celles de Tyrese Gibson, Derek Luke, Terrence Howard, Djimoun Housou, Jimmy Jean-Louis et pleins d’autres. J’évolue dans tous les milieux. J’ai aussi toujours écrit des poèmes, des textes. J’ai d’ailleurs l’idée d’un projet seul en scène avec mes propres textes, ce n’est pas du stand up car, ce n’est pas mon registre. Je suis aussi en train de préparer cela doucement parce que j’ai d’autres projets cinématographiques dont un long-métrage “ Le Champs des ratières”. Pour ce projet, j’ai eu l’aide à l’écriture de la région Guadeloupe.
En 2020, mon court-métrage “ Le Service “ a gagné le prix du Jury au Cinéstar Film Festival en Guadeloupe. C’est d’ailleurs, Christelle Gallou-Théophile qui a découvert ma réalisation et qui m’a demandé de le lui envoyer. Elle m’a ensuite annoncé que mon film avait été sélectionné en compétition officielle. Ce qui fût une aventure incroyable de renouement avec les Antilles car, je n’ai jamais tourné dans ces territoires hormis quand j’avais interprété Aimé Césaire sur à la scène nationale il y a une dizaine ou une quinzaine d’années. Il s’agissait de la pièce “ Trois feuilles, trois racines” mise en scène par Lucette Salibur. Voilà pour ce qui est de mon parcours.
TLFWI : Combien de films, séries et pièces de théâtres à votre actif ?
Galiam Bruno Henry : Alors, entre les films, les longs métrages, les pièces de théâtre, je dois certainement être à une bonne trentaine de longs-métrages avec des premiers rôles que j’ai eu notamment en Afrique et puis en France, j’ai eu des moyens et des petits rôles. Pour les séries télé je dois être à une quarantaine. Sans oublier les doublages voix, les publicités. Je ne saurais donner un chiffre.
The Link Fwi : Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de faire du théâtre et puis par la suite du cinéma ?
Bruno Henry : Le déclic a été cet examen avec ce professeur qui m’a demandé d’aider cette danseuse qui prenait des cours de théâtre. A vrai dire, il n’y avait pas de réelles volontés d’en faire, mais quand le professeur m’a demandé quand j’allais m’inscrire, j’ai répondu “ demain”, ça été le déclic. Pendant longtemps, j’étais derrière, je mettais en scène, je chorégraphiais et là, je me suis retrouvé en avant. Au début, ça a été difficile de s’habituer avec tous ces yeux qui sont braqués sur toi. En même temps, je ne regrette pas puisque, une carrière de danseur est un peu éphémère, avec les blessures que l’on peut se faire, faut savoir s’arrêter à temps. Ce qui fût mon cas, je me suis arrêté au bon moment. Par la suite, j’ai bifurqué au théâtre. J’ai aussi fait du Kick Boxing pendant cinq ou six ans pour faire une cassure avec ma première passion, vu que des gens continuaient de m’appeler pour danser et je n’avais plus l’envie de le faire. J’estime qu’à un moment donné quand on sait que nous sommes arrivés au bout de quelque chose, au fond faut savoir passer à autre chose afin de ne pas rentrer dans une routine. Après, me concernant, j’aime bien me mettre en danger. J'aime les défis, j’aime me surprendre et surprendre les autres.
TLFWI : Vous souvenez-vous de vos premiers pas dans le monde du théâtre et vos premiers films ?
Galiam Bruno Henry : Ma première apparition cinématographique a été dans “ Un gars & une fille “...
The Link Fwi : Ah bon ? Avec Jean-Dujardin ?
Galiam Bruno Henry : Oui exactement. Il y a eu également un réccurent dans une série qui s’appelait “ Adresse Inconnue” pour France 3. Après, j’ai enchaîné dans des petites réalisations. Mon premier grand rôle au cinéma a été lorsque je suis parti au Cameroun. François Ellong qui est une cinéaste d’origine camerounaise avec qui j’avais tourné dans quelques-uns de ses courts-métrages avait l’envie de faire son premier long métrage, chez elle, au Cameroun. Elle m’a dit “ Bruno, je n’ai pas beaucoup d’argent “. Elle n’a même pas eu le temps de finir sa phrase que je lui ai dit que je venais. J’avais cette volonté de tourner en Afrique. Nous avons donc tourné durant un mois au Cameroun, le film “ WAKA” qui signifie prostituées, donc ce sont des marcheuses de rues dans les villes camerounaises. Elle, elle l’a mis sous forme de sigle, donc “ WAKA”. Ce qui veut dire “ Woman Acts for her Kid Adam “. L’histoire parle effectivement d’une femme qui est dans la prostitution mais au-delà de ça, elle aborde le combat de cette mère qui veut s’en sortir après avoir eu un enfant issu d’un viol. Ce film a été grandement récompensé. Nous avons remporté un prix à Khourigba au Maroc. Il a fait le tour du monde. Nous avons fini au Hollywood Film Festival à Los Angeles.
TLFWI : Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous vous fassiez un nom dans le milieu du 7e art ? Une anecdote de ses débuts difficiles ?
Galiam Bruno Henry : Le plus difficile selon moi est le fait que, nous devons toujours faire face à des préjugés, des quotas et aussi que nous ne soyons pas beaucoup représentés. Il y a une évolution mais ce n’est pas encore ça. Je me souviens d’un réalisateur qui m’avait sorti “ Moi, je ne suis pas raciste, je prends toujours des noirs dans mes créations. A savoir qu’en France, tu ne vas pas voir un film français avec cinq ou six noirs dedans. Tu auras des films avec des noirs mais, cela va être fait par un réalisateur noir. Il faut savoir qu’à une époque, il y avait une liste où l’on disait qu’il ne fallait pas trop mettre de noirs car, apparemment les français (européens) n’étaient pas habitués à voir des noirs dans des films ou à la télévision. Je trouve cela tellement ridicule parce qu'en Prime time, il y a de nombreux films ou séries américains qui passent avec pleins de noirs. Ainsi donc, quand il s’agit de films américains, on tolère et quand il s’agit de films français, ça ne passe pas. Je trouve pas ça très juste à ce niveau et puis, je pense qu’il faut arrêter de dire que la population a peur des noirs. Quand on regarde bien, il y a pleins de touristes qui viennent en France pour découvrir et s’imprégner de nos cultures donc bon... Après, c’est vrai qu’il y a quand même eu une nette amélioration par rapport à avant mais ce n’est pas encore ça. Peut-être que dans quelques années, nous arriverons à dire, notamment au niveau de l’écriture, “ là , il faut un rôle pour un noir.” sans doute que les choses s’amélioreront quand nous nous poserons plus cette question, que tout le monde soit logé à la même enseigne, dans le sens où on ne mettra pas une couleur sur un personnage, sauf quand il s’agit d’un film historique, où pendant la Seconde Guerre Mondiale, il y a eu les tirailleurs sénégalais, on a besoin d’identifier vu qu’à une certaine époque, il n’y avait pas beaucoup de noirs, mais, là nous sommes au XXIe siècle, nous vivons dans une société de métissage, multiculturelle, les choses doivent changer. Aussi, faisons très attention à des personnages comme Zemmour qui revendiquent une certaine idée de la France et que tout le monde porte des noms français, aient une éducation française etc. A un moment donné, il faut faire attention à tout ça. Dans la vie de tous les jours, en tout cas, me concernant, je ne sens pas cette opposition entre les gens. C’est peut-être dû au fait que j’ai une vie tranquille, que je vis normalement, mais dès que tu regardes les médias, tu as l’impression que l’on met une étiquette, que l’on appuie sur les différences et qu’ils montent des choses qui n’ont pas lieu d’être.
The Link Fwi : Revenons à votre autre carrière, celle du doublage de voix. On sait que, depuis une vingtaine d'années, vous faites les voix françaises de plusieurs grands acteurs afro-américains tels que Derek Luke, Tyrese Gibson, Terrence Howard, Djimoun Hounsou, comment cela a t’il commencé ?
Galiam Bruno Henry : Tout a commencé, quand j’ai arrêté la danse et la chorégraphie. Je gagnais bien ma vie et du jour au lendemain, plus rien. Je me suis retrouvé dans des moments difficiles financièrement parlant. J’ai donc eu un ami qui m’a contacté pour me dire qu’il y avait une comédie musicale “ Attila” et que la production recherchait des figurants notamment des noirs. J’y suis allé, car j’avais besoin d’argent, même si la figuration, n’est pas tasse de thé. Je me suis rendu au casting. On signe un contrat et là, arrivé dans la salle commune, la metteuse en scène, nous dit, “ les noirs d’un côté, les blancs de l’autre.” Quand j’ai entendu cela, j’ai été un peu surpris. Ensuite, j’entends, “ Bruno Henry, tu seras figurant remplaçant”. Je me suis adossé contre un mur et les larmes ont commencé à couler. Je me suis dit que je valais mieux que ça. Je suis allé mon ami, celui qui m’avait transmis l’information, je l’ai remercié, je lui ai dit que je n’étais pas à ma place. J’ai été voir la production, j’ai rompu le contrat que l’on venait de signer, je me suis rétracté et je suis partis. Le lendemain, j’ai commencé à me rendre sur différents lieux de tournage et j’ai commencé à “trainer” sur les plateaux des doublages voix. J’ai vu comment cela se passait. Je me levais très tôt, Dès 8h, j’étais sur place. Au bout d’un mois, j’ai su qu’il y avait des essais pour le film “ Baby Boy “ de John Singleton dont le personnage principal était joué par Tyrese Gibson. J’ai commencé à faire les essaies. La personne qui s’occupait de ça, m’a demandé si j’en avais déjà fait ? Evidemment, j’ai répondu par la négative, vu que c’était la première fois que j’en faisais. Il me regarde et me dit que selon lui, je suis le rôle mais que comme ses clients ne me connaissais pas, qu’il me contacterait. Je suis parti. Deux jours après, alors que j’étais dans les transports, il me rappelle et m’annonce que c’est moi qui ferais la voix de Tyrese, donc Baby Boy, le personnage principal de ce film. J’ai poussé un cri dans le bus car j’étais tellement heureux. Pour le faire, j’étais encadré par Marie-Christine Darah ( Maïk Darah) qui fait la voix de Whoopi Goldberg, Angela Bassett ou le personnage de Monica dans FRIENDS. Il y avait aussi feu Jean-Michel Martial qui était aussi là. Pendant les six jours de doublage voix, j’ai été encadré, formé par ces pontes du doublage voix en France. Quand tu commences à faire des doublages voix, on parle de toi, on te présente un DA, les choses s’enchaînent. De temps à autres, tu fais des essaies. On t’attribue des voix. Tu deviens la voix récurrente de certains comédiens, par moment on te prend ton rôle, c’est un milieu qui n’est pas toujours évident. Après, il y a des clients fidèles qui te rappellent souvent. C’est donc comme ça que j’ai commencé dans le doublage.
TLFWI : Justement, pourquoi ne doublez-vous que des voix d’acteurs noirs, n’est-ce pas se cantonner à des rôles liés à sa couleur, son origine ?
Galiam Bruno Henry : A vrai dire, il y a beaucoup de blancs qui font les voix des noirs mais, il y a peu de noirs qui font les voix des blancs, car apparemment, nous avons quelque chose dans notre voix.
The Link Fwi : Ah bon ? Comment ça ?
Galiam Bruno Henry : Je ne sais pas. Je n’ai pourtant pas de patate chaude dans la bouche (rires). Je ne parle pas avec un accent Kweyol (rires). D’ailleurs, je me souviens d’un film, je crois que c’était “ L’Arme Fatale “ et puis à un moment donné, un policier passe, il a l’accent créole et tout. J’ai bien rigolé. Je me suis demandé pourquoi donner un accent à un acteur noir. C’est vrai que cela m’est arrivé une ou deux fois mais quand on m’a attribué la voix d’un blanc, j’étais moi-même très surpris, en mode,” c’est vraiment moi qui fais cette voix ?
Après, j’ai eu de très jolis rôles dans le doublage voix. Des histoires vraies, des rôles que tu aimerais avoir en tant qu’acteur. Néanmoins, j’évite de rentrer dans une quelconque forme de victimisation. Je vais dénoncer les choses qui me semblent injustice mais, j’estime qu’il ne faut pas entrer dans le jeu des autres. Il faut être plus intelligent. Si nous noirs, nous devions faire ce que les autres on fait. Il faut créer, générer, mais que nous soyons ensemble pour montrer que nous sommes une véritable force de frappe et qu’il y a de vrais artistes, de vrais talents dans notre communauté. L’émergence de tous ces mouvements tel que celui initié par Aïssa Maïga et qui ont dit que “ Noirs n’est pas mon métier “ ou encore Lucien Jean-Baptiste qui en a parlé dans ses interviews, permettent d’en parler. Pour moi, ce que je trouve dégradent, c’est le fait d’être obligé de demander quelque chose dont on n'a même pas à demander puisque nous sommes français. Pourtant, nous ne le sommes que quand ça arrange. Par exemple, quand un athlète gagne, on dit le français, mais il suffira qu’il perde ou qu’il fasse une chose qui déplaise, on le ramènera à son origine. Ils diront, le martiniquais, le guadeloupéen... Il y a quelque chose de l’ordre du pas juste et un travail de fond doit être mené afin que nous ne soyons pas obligés de nous battre. Je trouve que chacun à sa place. Il y a pleins d’acteurs qui émergent, qui font de supers films, qui remportent des prix. Je pense à Lucien Jean-Baptiste ou encore Edouard Montout, Stany Coppet. Il y a Nelson Foix réalisateur de Ti moun Aw qui est un super film. Il y a également Jimmy Laporal-Trésor qui a fait “ Soldat Noir”. Je suis content de voir tous ces nouveaux réalisateurs et je crois que nous avons un vrai cinéma caribéen et nous n’avons pas à rougir et à envier ce qu’il se fait ailleurs. De plus, je trouve que, que ça soit dans la peinture, la sculpture, la musique, beaucoup de choses incroyables se font chez nous.
TLFWI : Selon vous, est-ce que le cinéma français donne réellement sa chance aux acteurs noirs ?
Galiam Bruno Henry : Est-ce que nous devons vraiment attendre qu’on nous la donne ? C’est la question que je me pose. Je me dis, peut-être que c’est à nous d’aller la chercher. Que nous ne devons pas. C’est à nous de créer, de faire, de proposer des choses nouvelles. C’est à nous de se donner les outils qui nous permettront à ce que la chance arrive à nous. Quand je vois mon film “ Le Service” pour le réaliser, j’ai fait un crowdfunding et au final, il a fait le tour du monde. Nous avons gagné une trentaine d’Awards à travers le Monde. Il a été acheté par Guadeloupe 1ère, ce qui m’a permis de rencontrer des personnes d’ici. Ce qui a aussi permis de déposer mon autre projet de long-métrage. Ces personnes me suivent. Je n’attends pas que l’on me donne la chance. Je propose un travail, une écriture qui puisse toucher l’autre. Voilà. Il ne faut pas attendre mais faire.
The Link Fwi : Au tout début de l’interview, vous avez parlé de vos tournage en Afrique, comment avez-vous découvert le continent mère et dans combien de pays avez-vous tourné ?
Galiam Bruno Henry : L’Afrique c’est aujourd’hui et demain. En Afrique, il y a un vivier de talents. Au niveau artistique, c’est énorme. Il y a de très nombreux films qui se tournent là bas. De jeunes réalisateurs, chefs opérateurs, producteurs etc se sont formés en France ou ailleurs en Europe ou dans le monde et qui se sont revenus chez eux et aujourd’hui, il y a de très bons réalisateurs, chefs opérationnels, directeurs artistiques, producteurs africains. Certains réalisateurs ont même déjà gagné des prix à Cannes et certains films africains font le tour du monde. Par ailleurs, désormais, de nombreuses productions américaines se tournent en Afrique et d’ailleurs beaucoup de stars américaines vont tourner là-bas. La terre mère comme on dit est un vivier et, je dis qu’il était temps.
TLFWI : Contrairement au cinéma anglophone africain, le cinéma francophone peine à encore se faire une place au niveau mondial, est-ce aussi votre impression ?
Galiam Bruno Henry : Non, je ne dirais pas cela. Après, c’est vrai qu’il y a pas mal de films africains qui ne dépassent pas le stade du continent. Cependant, des films francophones parviennent à se faire un nom. Par exemple, il y a celui de Maty Diop qui a gagné, un prix à Cannes. C’est vrai que de supers films restent malheureusement en Afrique. Je prends l’exemple de Philippe Lacôte qui fait de très belles productions. Il y en a qui arrivent à se faire un nom, c’est moins médiatisé, d’ailleurs je ne sais pas pourquoi. Après, c’est au niveau de la distribution. Si un distributeur prend le risque de prendre un film, celui-ci voyage bien. Puis, c’est vrai qu’il y en a qui, je ne veux pas dire qu’ils voyagent en circuit fermé mais ils ont une certaine côte. Encore une fois, l’Afrique est un vrai vivier artistique et cinématographique.
The Link Fwi : Et dans combien de pays avez-vous tourné ?
Galiam Bruno Henry : Alors, je compte (rires) Cameroun, Côte d’Ivoire, Burkina, Congo Brazzaville, Sénégal. Au Maroc aussi, où j’ai tourné à Marrakech, Casablanca, Rabah. Il y a sept ou huit ans, j’ai également joué dans un film en Chine dans lequel jouaient aussi Mike Tyson et Steeven Seagal et deux stars chinoises. Il y avait aussi Eric Ebouané, Joaquim Tiboukou. Il s’agissait d’un film autour de la technologie et de la 3G. Il a été diffusé en Chine et aux Etats-Unis, mais malheureusement, il n’est pas sorti en France. Ce fut une belle expérience. Le fait de rencontrer Tyson ou Seagal.
TLFWI : Vous avez participé au Cinestar International Film Festival, vous avez coaché des influenceurs et des artistes locaux assez connus, qu’est-ce que ça fait d’enseigner des apprentis acteurs ?
Galiam Bruno Henry : Avant tout, j’ai rencontré huit jeunes hommes et femmes talentueux., dans le sens où je ne vois pas ça comme un exercice mais comme un échange et un partage humain parce que justement, l’acting, ce n’est pas juste apporter une technique mais c’est surtout débloquer des choses et améliorer ce qui ne va pas. C’est un travail psychologique, de patience, de méthodologie. Au début, je les ai fait parler pour sonder leur personnalité, pour avoir un vrai échange. Pour moi, nous étions au même niveau, car je suis du genre à ne jamais me sentir au-dessus des autres. Après tout, quand tu as la tendance à te mettre au-dessus des autres, il y a comme un blocage qui s’opère. Du coup, ces cinq jours ont été magiques, car du départ où j’ai commencé avec eux jusqu’à la fin, il y a eu quelque chose d’incroyable. Eux-mêmes le disent. Nous avons fait un travail face caméra où ils devaient raconter un texte, sans bouger et sans fioritures, juste eux et la caméra, avec leurs yeux, et toute cette sensibilité qui s’est dégagée et qui était perceptible dans leurs yeux. C’est ce que l’on demande en général notamment en doublage voix où l’on ne te demande pas de lire le texte tout de suite mais de fixer les yeux du personnage que tu doubles et de t’imprégner de sa sensibilité, de sa colère, de sa joie pour après jouer le texte. Grâce à cela, tu apprends sur les autres et tu apprends sur toi-même et ça a été bouleversant et sur des jeunes qui disaient ne pas pouvoir le faire, voir qu’ils y sont arrivés, m’a réconforté car j’ai réussi à débloquer toutes ces choses qui étaient en eux. Cependant, s’ils y sont arrivés, ce n’est pas grâce à moi mais c’est grâce à eux, car ils ont compris certaines choses parce qu’ils avaient envie d’y arriver et de se surpasser et ils ont vu leur changement à la fin de ce stage.
Du coup, j’ai un projet de théâtre qui s’intitule “ Couche toi pauvre con.” Je l’ai envoyé à Stan et à KRYS. Il me manque juste l’actrice. Je ne sais pas encore qui prendre. J’ai aussi envoyé un scénario à KRYS pour mon projet de court-métrage, que j’aimerais tourner en Guadeloupe. Quand il y a eu quelque chose de fort avec ces personnes, je suis du genre à garder contact avec elles. Je donne mes coordonnées et ils peuvent me contacter.
The Link Fwi : De Coco la fleur à La Rue Case Nègre, en passant par Neg Mawon à ma “ Première étoile “ ou encore le Gang des Antillais, on a vu l’évolution du cinéma antillais, des réalisateurs comme Euzhan Palcy ou encore Jean-Claude Barny se sont faits un nom au niveau national voire international, de nouveaux réalisateurs apparaissent comme Nelson Foix avec Ti Moun aw ou Jimmy Laporal ( Soldat Noir), pensez vous que le cinéma antillais à toute sa place dans le cinéma français et francophone ou au contraire, devra t’il créer sa propre voix pour une reconnaissance planétaire ?
Galiam Bruno Henry : Je ne pense qu’il faille s’émanciper. Chacun à sa touche et sa spécificité. Ce n’est pas une question d’émancipation. Quand j’ai vu “ Ti Moun aw “ ou encore “ Soldat Noir”, j’ai trouvé que c’étaient de très bons films et je ne pense pas que Nelson Foix ou Jimmy Laporal Trésor aient à rougir de certains films que j’ai pu voir en France avec des stars ou des vedettes. Chez nous, je trouve qu’il y a de la qualité. Au contraire, quand j’apprends que des réalisateurs comme Jimmy Laporal-Trésor avec un projet de long métrage, je trouve ça génial. D’ailleurs, il a signé une série avec Canal +. Je sais aussi que Nelson Foix prépare son long métrage, c’est vraiment super. Il y a aussi Jean-Claude Barny qui prépare un film sur Frantz Fanon. Il y a pleins de choses qui se créent et des portes s’ouvrent maintenant pour les réalisateurs bien de chez nous. Même-moi, avec mon premier long-métrage, j’ai envie de faire un très bon film. Je fais des repérages, je le pense, je l’écris, j’ai beaucoup d’idées. Je ne veux pas que ça ne passe pas inaperçu. J’ai vraiment envie que mon film voyage. En plus, avec ma notoriété en Afrique, j’ai des ouvertures Ce n’est pas un film qui va rester au niveau local. Puis, je pense plus que nous serons nombreux à proposer et à montrer des films de qualité, plus que le cinéma antillais prendra une ampleur.
TLFWI : En parlant de cinéma local, on vous a vu dans des réalisations françaises, africaines mais quasi dans aucune production antillaise, comment se fait-il que vous n’étiez dans aucune productions de ces dernières années ?
Galiam Bruno Henry : Il y a un moment donné, j’avais passé des castings pour des quelques productions et il y avait un bruit qui courait selon lequel “ Bruno Henry, il est bien mais il a trop une tête d’africain.” Cette phrase m’a vexé. Profondément blessé, mais après, j’ai dit que ce n’était pas grave. Alors qu’en Afrique et partout où je vais, j’amène avec moi les Antilles. L’année dernière aux Sotigui Awards, j’ai gagné le prix du meilleur acteur de la diaspora et j’en suis fier. J’ai passé, cinq ou six fois des castings pour des films antillais, je n’ai jamais été retenu. Tel point que j’ai contacté mon agent, je lui ai dit que “ Si on me demande encore une fois de passer des castings, je ne veux plus...”
The Link Fwi : Vraiment aucun réalisateur antillais ne vous a proposé de tourner dans un film ?
Galiam Bruno Henry : Je ne sais pas pourquoi, mais ce n’est pas grave. Je ne suis pas là pour me positionner en victime. Cela m’a permis grâce à mon court-métrage de renouer avec ici et la Guadeloupe m’a ouvert grande ses bras. Du coup, comme j’ai de nombreux projets, je vais tous les faire et si demain, des réalisateurs veut travailler avec moi, ils se manifesteront. Je le prends comme ça, voilà tout.
TLFWI : Quel serait votre message pour les jeunes qui débutent dans le monde du graffiti ?
Galiam Bruno : Mon message pour eux, serait de toujours croire en eux. D’être tenace, humble surtout. De ne jamais lâcher. Ce n’est pas parce que certaines choses n’ont pas marché pour les autres que pour toi, ce sera la même chose car, tout simplement les histoires des autres ne sont les tiennes. Pour eux ça a été un échec mais peut-être que toi, tu vas réussir. Il ne faut pas rester sur le négatif de toutes ces histoires. Il faut se dire que dans ton cheminement, le champ du possible est possible. C’est ce que je dis aux jeunes, surtout que la chance ne se donne pas mais c’est nous qui nous la créons. Il suffit de le vouloir et le pouvoir. De plus, il faut toujours essayer de penser positif même quand il y a du négatif. Tu as le droit de craquer. Tu as le droit d’être en colère. Tout ceci fait partie des sentiments humains. Justement, il faut s’en servir pour créer, pour avancer et surtout ne pas se positionner en victime et accuser les autres qui sont en face de toi, ils seront toujours ce qu’ils sont mais toi, à partir du moment que tu intègres que tout part toi et que le travail intérieur doit être fait et plus tu t’ouvriras plus tu verras que les choses positives viendront vers toi.
The Link Fwi : Quelle est votre actualité ? Vous repartez sur de nouveaux tournages ?
Galiam Bruno Henry : Actuellement, je prépare mon nouveau film,” Le champs des ratières”. Je travaille aussi sur ma comédie “ Couche toi pauvre con” qui est déjà écrite et que je voudrais mettre en scène ici avec, comme je le disais, trois acteurs de Guadeloupe. J’ai aussi pour projet, la réalisation d’un nouveau court-métrage “ Regarde comme je t’aime” qui est une comédie romantique. J’ai aussi un autre long métrage que je voudrais réaliser “ Miracle de Mai “ qui est plus tourné vers la spiritualité avec tout ce qui touche avec le catholicisme. Personnellement, j’aime les histoires humaines, tout ce qui est polissé, tout ce qui est fiction, ce n‘est pas mon truc. J’aime raconter d’hommes et de femmes.
TLFWI : Où pouvons-nous suivre votre actualité ? Êtes-vous présents sur les réseaux sociaux ?
Galiam Bruno Henry : Oui, je suis présent sur Facebook, Instagram, Linkedin. Si vous cherchez mon nom sur Google vous trouverez. Mon agent à Paris, c’est Cinéart. J’ai aussi un lien Link-tree. Sur ce lien, on peut voir toute mon actualité.
The Link Fwi : Merci beaucoup Bruno Henry.
Galiam Bruno Henry : C’est moi qui vous remercie. Comme on dit en Guadeloupe “ Fòs, fòs “ et “ A pli ta “ (rires).
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