Dimanche 24 avril 2022, au soir de l'élection présidentielle, Deux personnes ont perdu la vie et une troisième a été grièvement blessée à Paris par un policier originaire de l'île de La Réunion qui affirmait que les deux passagers du véhicule avaient refusé d'obtempérer et auraient foncé sur lui et sa patrouille. Cependant, selon nos confrères de Mediapart et de Liberation, les premiers éléments de l’enquête, mettent à mal la thèse de la légitime défense : les balles mortelles ont atteint les victimes par le côté et l’arrière. Une reconstitution des faits a été réalisée ce vendredi 17 juin à Paris,
Au soir des résultats de l'élection présidentielle, dimanche 24 avril 2022, un fait divers est venu secouer la capitale. Deux hommes âgées de 25 et 31 ans, sont morts après qu'un policier a ouvert le feu sur leur véhicule. Un troisième, situé à l'arrière de la voiture, a été blessé. Tout a commencé peu avant minuit, une patrouille de cinq policiers se dirige vers une voiture garée à contresens, feux de détresse allumés, quai des Orfèvres sur l'île de la Cité, à Paris, pour contrôler ce véhicule.
Les choses vont vite d'enchaîner. Interrogé par l'IGPN, la police des polices, après le drame, le gardien de la paix, un jeune homme de 24 ans originaire de La Réunion, membre d'un groupe d'appui de nuit au sein de la Compagnie de Sécurisation de la Cité (CSC) unité chargée notamment de la protection de la caserne de la Cité, siège de la préfecture de police, a affirmé durant son interrogatoire que les deux passagers du véhicule visiblement " défavorablement connus des services de police" ont refusé d'obtempérer et auraient foncé sur lui, raison pour laquelle, il aurait fait usage de son arme à feu un HK G36, , une arme de guerre mise à la disposition des policiers depuis 2016 pour être en mesure, notamment, de riposter en cas d’attaque terroriste notamment depuis les attentats jihadistes meurtriers du 13 novembre 2015 à Paris, pour pouvoir riposter aux tirs de kalachnikov.
Selon le compte rendu d'intervention de la police consulté par l'AFP. Alors que les policiers s'approchaient de l'avant de la voiture, celle-ci a démarré et aurait "foncé vers un des fonctionnaires qui s'est écarté pour l'éviter", toujours selon la version des fonctionnaires de police.
Ainsi, "le seul" policier sur place à être armé d'un fusil d'assaut a alors ouvert le feu sur le véhicule qui prenait la direction du Pont-Neuf où il a terminé sa course après être monté sur un terre-plein. Selon les premiers éléments de l'enquête, une dizaine de cartouches ont été tirées, "cinq ou six impacts ayant atteint les individus".
Le conducteur de la voiture, âgé lui de 25 ans, a été retrouvé inerte au volant, et son passager avant, 31 ans, découvert allongé sur le sol à droite de la voiture, sont décédés sur place malgré les soins prodigués par les services de secours. Le passager arrière, âgé de 42 ans et inconnu des services de police, a quant à lui été blessé au bras et hospitalisé. Il a été entendu par les enquêteurs et les juges d'instruction. Les deux victimes étaient nés à Paris et résidaient dans le XXe arrondissement. Une source proche du dossier a par ailleurs indiqué qu'ils étaient "défavorablement connus, entre autres pour stupéfiants".
Malgré son témoignage et ceux de ses collègues, le policier présenté à deux juges d'instruction a été mis en examen car, les juges n'ont pas retenue la thèse de la légitime défense. Selon une source judiciaire, le policier a par ailleurs été mis en examen pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner" s'agissant du passager avant et pour "violences volontaires aggravées par personne dépositaire de l'autorité publique" envers le passager arrière.
Placé dans un premier temps sous contrôle judicaire, il avait l'interdiction de quitter le territoire, mais on a appris qu'il a eu le droit de se rendre chez lui sur l'îl de La Réunion auprès de sa famille. Par ailleurs, il a aussi interdiction d'entrer en contact avec le service de police auquel il appartient pendant six mois, d'exercer en tant que policier impliquant un contact avec le public, de port d'arme et de contact avec les victimes. Il a également une obligation de soins. En revanche, il n’est pas interdit d’exercer, mais il doit le faire sans entrer en contact avec le public.
Une décision qui avait été jugée "inadmissible" par le syndicat de police Alliance qui avait appelé à un rassemblement lundi 2 mai à la Fontaine Saint-Michel, face au Tribunal de Paris. Interviewé au moment des faits, Yoann Maras, délégué régional pour Paris « C’est l’incompréhension face à une décision inadmissible [...] Notre collègue ne comprend pas ce qui lui arrive : dans les textes, l’usage des armes est considéré comme relevant de la légitime défense lorsqu’un véhicule fonce sur des forces de l’ordre et lui se retrouve mis en examen pour homicide… Les textes existent, il faut les appliquer. »
Pourquoi la légitime défense n’est toujours pas retenue par les juges :
Selon le compte rendu d’intervention de la police, consulté dès les premiers jours par 20 Minutes, une patrouille de cinq policiers de la Compagnie de sécurisation de la Cité (CSC), unité notamment chargée d’assurer la protection du siège de la préfecture de police, repère une voiture garée à contresens sur le quai des Orfèvres. « L’équipage s’est avancé de façon déterminée vers l’avant du véhicule en se plaçant de part et d’autre de ce dernier », précise le document, rédigé quelques heures à peine après le drame. Il aurait alors, d’après ce même compte rendu, soudainement démarré puis « foncé vers un des fonctionnaires qui s’est écarté pour l’éviter ». Le « seul » policier sur place à être armé d’un fusil d’assaut – celui qui a été mis en examen – a alors ouvert le feu sur la voiture qui a terminé sa course sur un terre-plein du Pont-Neuf.
Le rapport de la balistique réalisée dans le cadre de l'enquête sur les tirs analysé par nos confrères de Médiapart et Liberation, va dans le sens des juges d'instruction, et plusieurs raisons expliquent pourquoi la légitime défense du policier - supposant une riposte « nécessaire », « immédiate » et « proportionnée » à l’attaque, a été écartée à ce stade.
L'expertise invalide même la thèse défendue par le policier de 24 ans d'origine réunionnaise. Le rapport indique clairement que les balles ayant touché les occupants du véhicule ont été tirées depuis le côté et l'arrière de la voiture. Un fait qui vient mettre en doute l'affirmation de l'agent, et de ses collègues, qui ont prétendu que la voiture représentait un danger pour eux. Pour l'instant, l'IGPN a conclu qu'une seule balle a été tirée de "face", deux autres "latéralement" et "de côté", et les deux dernières "à l'arrière", ce qui signifie donc le tireur a ouvert le feu alors que la voiture l'avait largement dépassé et s'éloignait.
Cette analyse fragilise les propos des policiers entendus par l'IGPN. D'autre part, elles viennent corroborer les déclarations des témoins, qui contrairement aux agents, ne décrivent pas une voiture démarrant à toute vitesse. Pourtant, les policiers décrivent devant l'IGPN un véhicule qui "démarre en trombe avec des vrombissements de moteur. De plus, l'une des policières n'aurait pas été "trainée" sur plusieurs mètres, mais aurait couru à côté du véhicule sur "deux ou trois mètres", selon un témoin.
De plus, comme le précise le média d'investigation, les témoignages des policiers présents aux côtés du fonctionnaire réunionnais attestent qu'il s'agissait bien d'un contrôle pour des soupçons de trafic de stupéfiants, ils divergent sur le déroulé des tirs.
En ce qui concerne la brigadière-cheffe membre responsable de la patrouille et donc présente au moment des faits, elle a affirmé qu'elle était accrochée à la portière et qu'elle a entendu des détonations au point de sentir le souffle des balles au niveau de son oreille.
"Alors que j’étais encore accrochée à la portière, j’ai entendu des détonations et j’ai senti le souffle des balles au niveau de mon oreille droite". Toujours selon ses déclarations, un de ses collègues s'accroupit au sol lorsqu'il comprend qu'il se trouve également dans la trajectoire de l'arme.
Tandis qu'un troisième policier raconte s'être mis devant un passant allongé au sol pour le protéger, avec son gilet pare-balles et son arme déverrouillée, mais aussi pour se protéger lui-même, "ne sachant toujours pas d'où les détonations pouvaient provenir".
Celui-ci( le 3e présent au moment des faits) estime lui aussi que les tirs n'ont pas fait suite au démarrage de la voiture mais "ont été simultanés, voire l'ont précédé".
D'autant plus qu'un flou subsiste encore sur la position exacte des policiers. D'après les premiers éléments de l'enquête, le fonctionnaire originaire de La Réunion n'a pas été en mesure de préciser où il se trouvait, ni ses collègues qui eux-mêmes se contredisent. Il se serait trouvé dans la trajectoire de la voiture, tout comme un autre collègue qui lui a pu s'écarter.
Sauf que des témoins ( des passants) affirment que le policier ne se trouvait pas vraiment en face du véhicule, mais plutôt côté conducteur et sûrement à plus de dix mètres. Autant de témoignages qui contredisent une nouvelle fois les propos des policiers.
Une reconstitution organisée sur le Pont-neuf.
Une reconstitution a eu liu ce vendredi 17 juin 2022 vers 7 heures du matin sur les lieux de l'incident. Elément crucial de l'enquête pour déterminer si la légitime défense pouvait être invoquée.
Comme le rapport le site d'actualité parisien, Actu Paris qui a partagé des photos de la reconstitution :
" La circulation a été bloquée par des fourgons de police côté nord et côté sud du pont, des cavaliers de marquage jaunes disposés sur les pavés et une voiture sombre positionnée comme le soir des faits.
Le policier mis en cause, casquette grise à visière orange, visage masqué par une cagoule et portant un gilet pare-balles, s’est positionné à l’endroit d’où il est susceptible d’avoir tiré. Il a ainsi mimé sa position de tir, sous le regard d’enquêteurs, de magistrats, mais aussi de son avocat, Me Laurent-Franck Liénard, et de celui des familles des victimes, Me Eddy Arneton.
D’autres policiers se sont mis à la place des policiers de la patrouille qui accompagnaient le tireur le soir des faits, tandis que la voiture a progressivement évolué vers 8 heures pour reproduire sa trajectoire.
Une « mise en situation », sous l’autorité du juge d’instruction chargé de ce dossier criminel, alors que la position du gardien de la paix ayant tiré, sa présence sur la trajectoire du véhicule, la vitesse de la voiture et la capacité que ce fonctionnaire avait de l’éviter, sont au cœur de l’enquête.
Le compte-rendu de la mise en situation devrait permettre d'éclaircir la question de sa position au moment du démarrage de la voiture.
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