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Florence Naprix est Certifié [A]live

Florence Naprix l'une des plus grandes voix vivantes de la Guadeloupe et même des Antilles-Françaises. Militante dans l'âme, elle évolue depuis ses débuts dans le registre musical local pour lequel elle s'engage corps et âme. Chanteuse, autrice, compositrice, productrice de spectacles, engagée pour la cause féminine, son talent n'est plus caution à débat. Douze ans après son premier album, la chanteuse guadeloupéenne a signé son grand retour musical avec un deuxième opus " Certifié [A]Live". Face à nos caméras, elle nous en parle.



Florence Naprix posant pour The Link Fwi. Photo : ELMS Photography

Des studios d'enregistrement, aux prestations live en passant par les salles de spectacle et de concert, Florence Naprix a le mérite d'avoir tout fait. Artiste talentueuse multi-facettes, la guadeloupéenne est capable aussi bien de chanter, de composer, d'écrire des mélodies ou des pièces de théâtre que de jouer la comédie, Florence Naprix n'est donc plus à présenter, tant sa carrière est riche de plusieurs expériences.


Toutefois, pour celles et ceux qui ne la connaitraient pas, Florence Naprix est l'une des plus grandes voix vivantes de la Guadeloupe et même des Antilles-Françaises. Militante dans l'âme, elle évolue depuis ses débuts dans le registre musical local pour lequel elle s'engage corps et âme. Chanteuse, autrice, compositrice, productrice de spectacles, engagée pour la cause féminine, son talent n'est plus caution à débat. Douze ans après son premier album, la chanteuse guadeloupéenne a signé son grand retour musical avec un deuxième opus " Certifié [A]Live". Face à nos caméras, elle nous en parle.






The Link Fwi : Bonsoir Florence Naprix, bienvenue sur The Link Fwi. c’est toujours un plaisir pour nous de te recevoir dans notre émission “ Rencontre avec “

Florence : Naprix : Bonjour, d’abord j'ai chaud (rires) mais je vais bien. Pour répondre à la question : comment se passe cette reprise musicale ?” à fond les ballons parce qu'après les longs mois de confinement en ce qui me concerne ils n'ont pas été propices à la créativité voilà il y a plein de gens qui pendant le confinement ont créé beaucoup créatifs, me concernant cela n’a pas été le cas. J’ai vécu ça comme une espèce de grande pause, ça c'était plutôt de la paralysie au départ en tout cas durant cette période, j’ai comme été forcée de me reposer (rires). Je me rappelle que j'ai fait à manger, j'ai dormi. J’ai vraiment pris beaucoup de recul sur plein de choses et donc ça aussi ça nourrit ce qui fait qu'au moment où on se remet au travail, il y a pleins de choses qui se passent, sans compter qu’à la sortie du premier gros confinement, alors que j’étais en France, je décide de retourner vivre définitivement chez moi en Guadeloupe et une fois sur place j'enchaîne sur une série de folles aventures qui là aussi m’inspirent et me nourrissent je me remets à écrire ou je retourne en concert parce que les salles sont de nouveau accessibles parce que le public a de nouveau le droit de se déplacer et venir apprécier de la musique prendre du bon temps et guérir aussi de tous les traumatismes de ces derniers mois et le planning se charge assez vite et je suis content, ça va bien.

TLFWI : C’est vrai que ce n’est pas la première fois que nous te recevons mais pour celles et ceux qui ne savent qui tu es, peux-tu te présenter rapidement ?

Florence Naprix : Alors c’est vrai que je ne me suis pas présentée (rires) Je suis une chanteuse autrice et compositrice. Je suis aussi une productrice de mes propres spectacles non pas parce que j'aime ça, c’est juste qu’on a pas trop le choix. Je sui également podcasteuse, j'ai créé un podcast qui s'intitule “ Rebelle et la bête “ d’ailleurs j’en ai parlé dans une interview sur The Link Fwi. Sinon, on me connaît pour être un peu grande gueule (rires) car je suis une militante engagée dans des combats comme les politiques culturelles que je trouve un peu défaillantes en Guadeloupe ou encore les violences entre les hommes et les femmes une problématique propre à mon territoire, la Guadeloupe ainsi qu’à ce que nous sommes, nos histoires nos constructions s déconstructions elles m'intéressent et j'en parle à chaque fois que je peux .

The Link Fwi : C’est vrai que tu nous as parlé un peu de ton parcours les podcasts, les pièces de théâtre que tu as écrites mais maintenant tu es de retour en musique après près de 11 ans sans album. Peux-tu nous parler de ce nouvel album et pourquoi cela t’a pris autant d’années pour faire ce nouvel opus et avec qui as-tu collaboré ?

Florence Naprix : Comme vous l’avez évoqué, j’ai un nouvel album qui s’intitule “ Certifié [A] Live. C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes là aujourd’hui. Pour en parler. Il est sorti le 28 mai dernier, le jour où j’étais sur la scène du Festival Terre de Blues. Pour tout vous dire, je me suis fait le plaisir d’annoncer sa sortie alors que je me produisais sur cette scène. Comme dit, il est sorti onze ans après mon premier album qui s’appelle “ Fanm Kann”. Un album dans lequel, j’ai mis beaucoup de choses.

A la question pourquoi, j’ai mis autant d’années pour produire un deuxième effot studio ? Pour être dans la confidence, il y a pleins de raisons. La première, pour ne rien vous cacher, il y a l’aspect financier. C’est vrai qu’on a l’impression, que pour bien faire les choses il faut avoir beaucoup d'argent et parce que ça coûte de l’argent de faire un album, de payer les musiciens, les studios et le mastering. Toutes ces choses-là, ça coûte cher donc ça tire un peu en arrière. D’autre part, il faut dire que dans le premier album, j’ai évoqué différents sujets qui me tenaient à cœur du coup, je me suis retrouvée comme à court non pas, à cours d'inspiration, mais comme à bout de souffle, car j'ai tout donné d'un coup. De plus, il y a aussi le fait que cet album-là n’était pas comme j’aime à le dire, un album de saison, ce qui fait que j’ai pu le porter durant plusieurs années, sans avoir l'impression d'avoir épuisé quelque chose. En outre, il y a encore le fait que certes je ne produisais pas de disque mais j’étais sur différents projets comme des événements, des projets, des choses notamment le spectacle dans “ la Peau de Mano “ qui m'a pris beaucoup de temps et d’énergie donc beaucoup de force. Je ne trouvais pas le besoin de raconter d’autres choses en musique vu que je le faisais déjà sur scène donc je ne ressentais pas le besoin de narrer des histoires en musique, j’étais sur scène, je donnais des représentations avec dans “ La Peau de Mano” qui est un spectacle que j’ai écrit et joué sur scène en hommage à une grande artiste bien de chez nous, Manuela Pioche. D’ailleurs à travers ce spectacle, je ne parlais uniquement de son histoire personnelle mais j’évoquais aussi notre société, les problèmes que rencontrent les femmes.

Manuela Pioche de son vivant était une femme différente de celles de son époque.Elle est complètement folle d'oser vivre sa vie d'oser assumer ses envies et désirs alors que les femmes n’étaient pas censées le faire. Attendez, nous étions dans les années 1950-1960. La place de la femme était de s’occuper du foyer, des enfants et surtout rester à la maison. Elle, Manuela Pioche avait décidé un tout autre destin, elle voulait danser et chanter. Elle vivait sa vie pleinement, rencontrait des hommes, buvait de l’alcool. A son époque, elle suscitait à la fois de l’admiration par rapport à sa voix extraordinaire, ses textes qui comme on dit en créole “ doucinaient” le cœur de ceux et celles qui l’écoutaient mais en même temps son choix de vie rebutait clairement ses contemporains. Sa façon de vivre suscitait des questionnements, de vives critiques. Il y a donc un certain décalage entre l’admiration et la critique mais surtout le rejet dont elle à subir principalement à la fin de sa carrière. En plus, elle est morte très jeune. Elle n’avait que 37 ans et toute le monde lui avait tourné le dos juste parce qu’elle avait été cataloguée comme “ femme de mauvaise vie”. Avant son décès, elle s’est retrouvée à mendier dans les rues et quand elle est décédée, on l’a carrément rayée dans l’histoire locale. En faisant cela, nous avons effacé un pan de notre histoire culturelle. C’est tout ceci qui m’a gêné et m’a poussé à écrire cette pièce pour en quelque sorte, lui redonner vie. D’autant plus, c’est un traitement qu’on a infligé à une femme alors que des hommes défaillants, libertins, nous en avons pleins. Avec toutes ces réactions de l’époque, c’est comme ci, nous n’avions pas su faire la différence entre la femme et l’artiste. On a fait que la juger comme femme de mauvaise vie, en vertu de quoi ? Enfin, tous ces points m’ont poussé à monter un spectacle que j’estime être très beau et j’espère, le rejouer sur scène mais en attendant, il y aura un CD.

Pourr revenir sur "Certifié A Live" on arrive onze ans après "Fann Kann", quatre ou cinq ans après le spectacle dans la “ Peau de Mano” qui a été présenté en 2019. J’ai résolument pensé ce nouvel album avec l'idée de donner une espèce de photographie de ce que je fais depuis quelques années sur scène. On me voit sur scène si on parle de Florence Naprix et qu'on me cherche sur les réseaux, on va retomber sur "Fann Kann" et c'est plus tout à fait ce que je chante donc "Certifié A Live" c'est comment est-ce qu'on capture ce que je fais. Pour ce faire, j’ai collaboré avec Eric Delblon et Audrey Clodion, en général nous formons un trio mais cette fois, on a rajouté Sonny Troupé pour la percussion. D’ailleurs, c’est quelqu’un avec qui je travaille depuis de très nombreuses années, je dirais même depuis mes débuts par exemple, nous le retrouvons à la batterie et aux percussions sur “ Fanm Kann”. C’est donc avec plaisir que je le retrouve pour mon nouveau projet musical. Il faut aussi savoir qu’ils m’ont aussi accompagnée au Festival Terre de Blues cette année. C’est là la pertinence de présenter “ Certifié [A] Live “ à ce moment précis, où je suis sur scène avec eux afin de dire au public, voilà qui nous sommes et ce que nous proposons bien qu’il y ait d’autres choses à venir.


Pour ce nouvel album, j’ai collaboré avec beaucoup de gens intéressants parmi lesquels, en tout premier lieu, il y a Starjee qui est issu de la scène rap créole, il est même l’un des précurseurs. Nous travaillons ensemble depuis un an et c’est sous impulsion que mon deuxième effort studio est sorti parce qu’au moment d’entamer le processus de création, je reste bloquer sur l’idée de faire un album proprement sans pour autant avoir la présence d’esprit de me dire que l’on pourrait capturer l’instant comme ça pour que le public se l’approprie et en fasse ce qu’il veut. Parmi mes autres collaborateurs, il y a eu Thyeks, qui est ingénieur du son, chez qui nous avons enregistré et mixé l’ensemble du projet. Je remercie également Daniel Trépy qui s’est occupé du mastering, on n'en parle pas souvent mais ce sont des choses importantes, j’ai aussi collaboré avec Daniel Dabriou pour les photos et l’imagerie de cet album. J’allais oublier Lydia Barlagne dont on entend la voix comme chœur de l’album. Il y a donc de très belles personnes pour la réalisation de “ Certifié [A] Live.



Florence Naprix posant pour The Link Fwi. Photo : ELMS Photography

TLFWI : Quelles furent tes inspirations pour écrire les huit titres de ton album ?

Florence Naprix : En fait, il y a neuf titres, mais c’est normal que personne ne le sache, il y a “ Guadeloupean Boy” qui est un son en featuring avec justement Starjee. Je ne l’ai pas mis avec les autres musiques sur les plateformes mais il est sur ma page Bandcamp. C’est une surprise que je réserve aux auditeurs, d’ailleurs, il faut savoir qu’à chaque fois que je sors un projet, je leurs réserve une surprise disponible sur Bandcamp. Il n’est pas du tout caché, il y a donc moyen de se le procurer. Pour revenir sur la question, ces neufs titres viennent tous de mes inspirations et ce depuis mon ancien projet “ Fanm Kann”. En réalité je crois que "Chanté", "Ba Kô a-w Bann" je les chante depuis assez longtemps, j'ai envie de dire depuis 2017 facile 2018. "Ola ou soti" est né il y a un an pile il y a un an. Je m’inspire docn de la vie car comme on le sait elle nous suggère des émotions et je prends plaisir de la traduire de temps en temps en musique. Par exemple, "Ba Kô a-w bann" est un morceau que j'ai écrit vraiment un matin, où je n’avais rien envie de faire, j’avais du mal à sortir du lit mais il fallait que j’en sorte, je ne pouvais donc rester me reposer comme je le voulais, c’est tout à fait légitime de faire des pauses, j’ai écrit ce son pour en quelque sorte me booster. Il commence doucement même tranquillement et il s’excite à un moment donné parce que qu'il faut se motiver bien que cela peut s’avérer difficile de trouver cette motivation.


"Ola ou soti" j'allais dire c'est une histoire d'amour, mais pas comme on la voit, c’est avant tout une histoire de désir que nous pouvons ressentir mais dont on n’entend pas les femmes suffisamment parler et quand elles le font, c’est facilement vulgaire. On le constate aujourd’hui à travers les musiques chantées par des femmes, on a un désir qui est évoquée de façon brutale et vulgaire par les femmes. Après, c’est très bien, j’y vois ça comme une affirmation raison pour laquelle j’avais envie d’en parler de façon tout aussi coquine et chatouilleuse mais sans pour autant entrer dans le “gras “ du terme. Ensuite, il y a le son “ Volé”, oui j’en parle, il n’est même pas sur l’album, c’est encore une surprise, présent également sur Bandcamp. il y a plein de choses dessus, nous vous enverrons un lien pour vous envoyer dessus.


J’ai aussi “ Chanté “ qui raconte ce que je fais, à savoir chanter et pourquoi je fais ça. De plus chanter c’est transmettre de la joie. J’ai cette manie de chanter dans la rue et très souvent lorsque les gens vous croisent dans la rue et que vous chantez, ils pensent et disent que tu es heureuse alors que pas forcément. Chanter c’est exprimer différentes d'émotions et donc je peux chanter très fâchée ou être très malheureuse voire en train de pleurer ça arrive, cela m'est déjà arrivé, c'est moche à entendre (rires) mais voilà je peux le faire parce que je suis malheureuse ça arrive et là ce morceau raconte vraiment que quoi qu'il arrive je ne saurais pas quoi faire d'autre que chanter. En réalité ce n'est pas une décision, c'est comme ça que je fais, c'est comme ça que je dis et je vis car : Je chante.

The Link Fwi : En combien de temps as-tu écrit, composé et enregistré ton nouveau bébé ?

Florence Naprix : Je ne vais pas parler de la composition parce que je n’ai pas composé pour le faire. C'est peut-être ça la différence avec les albums habituels ou du moins je n’ai pas suivi la façon classique de le faire. Durant toute cette période, j’ai composé les morceaux avec des mélodies qui me venaient en tête. Certains d’entre eux ont été composés depuis 2017 ou 2018, ils sont venus dans ma tête comme ça ou de par mes expérience de vie à cette période-là. Il y en a d’autres qui sont apparus plus récemment, comme ça, j’ai décidé que je le mettrai sur le prochain spectacle qui est en préparation. Ce fut donc le moment de les réunir. Je crois qu’entre le moment on décide de faire l'album et le moment où il sort le 28 il se passe maximum deux mois. Du coup, on se retrouve le 27 et le 28 avril 2023 chez Thyeks pour en enregistrer. En deux jours c’est bouclé. En réalité, cela nous a pris une ou deux demi-journées...


TLFWI : Ah c’est allé vite !


Florence Naprix : Oui c’est allé vite. L’équipe était du tonnerre et en un mois il a fallu mixer, masteriser et designer la couverture pour le sortir le 28 mai, donc grosso modo ça a duré deux mois à tout casser.

The Link Fwi : Alors Florence Naprix est une Célibataire endurcie ?


Florence Naprix : Ou pas ! (rires)

TLFWI : Justement sur certaines chansons de l’album, il y a comme une affirmation de femme libre, est-ce un message pour les femmes et les hommes de les accepter telles qu’elles sont ?


Florence Naprix : Effectivement, ce sont des thématiques qui me sont chers. Au départ, "Célibataire endurcie" n’est pas un morceau venant de moi. En tout cas, il est issu de “Dans la peau de Mano” c'est Manuela Pioche qui interprète le premier couplet de "Célibataire endurcie" et moi j'ai écrit le deuxième pour les besoins du spectacle que j’ai écrit pour lui rendre hommage. Pour les besoins de l’album, je le remets au goût du jour car j’ai envie que les gens sont toujours super ravis de l’entendre, donc c'était avec plaisir que je l'ai remis là et oui c'est l'occasion de redire que je décide d'être célibataire. Et en vrai, je décide d'être ce que je veux, être célibataire ou non, je décide d'être ce que je veux et de ne rendre des comptes à quiconque parce que l’idée c’est encore et encore il faut rentrer dans des cases parce que ça rassure tout le monde sauf que là je prône être une femme célibataire qui affirme qu'elle peut tout avoir et pour être honnête, ça peut faire peur, la femme qui a réussi. Cela fait même peur aux autres femmes qui ont-elles réussi à se mettre en couple, à booker une date de mariage, avoir des enfants avec celui qu’elle a choisi et là, il y a cette femme qui vient déranger son couple. Même la femme célibataire a ses vulnérabilités. Il y a toujours cette espèce de truc qui reste, elle se dit, “ :j'ai raté quelque chose parce que je suis quand même je suis quand même belle, j'ai un bon travail, je suis indépendante économiquement, mais il y a aucun homme qui s'intéresse à moi. Comment ça se fait il ? Il me manque sûrement quelque chose.” Il y a donc on est dans une espèce d'incertitude. Cependant, comme tout le monde, nous avons le droit de décider à un moment donné de faire comme tout le monde, de se ranger ou de choisir son chemin. Voilà ce que je veux dire, choisissons tranquillement nos chemins respectifs; Puis la vie est longue donc célibataire aujourd'hui en couple demain, re célibataire en concubinage. Peu importe, vivons !


The Link Fwi : il y a un titre qui m’a interpelé, c’est “ Pa ban mwen kou “ qui, si je ne me trompe pas, évoque les violences faites aux femmes, notamment en Guadeloupe qui est tout de même l’un des départements à connaître de nombreux cas de violence conjugaux. Est-ce une thématique importante pour toi puisque l’on a aussi connu ton podcast [Re]Belle est la bête ?

Florence Naprix : "Pa ban mwen kou" c'est le premier titre de Manuela Pioche que j'ai entendu en vrai on est en 2018, je m'intéresse à aux biguines d'antan et j'écoute des morceaux comme ça et je tombe sur "Pa ban mwen kou" chanté par une femme qui commence par dire "Le jour de Noël sé jou a la bôdé mwen bwè, mwen sou, mwen tonbé an kanivo mé anfen doudou si ou enmé mwen ou ké pé séré mwen an dé bwa aw" Du coup, j'entends une femme alcoolique qui prend des coups qui assume de réclamer de l'amour, or cette dame qui chante là un truc dans les années 50 je ne sais pas qui c'est et je me dis que j'ai sûrement un problème dans n'importe quel pays du monde j'en suis sûre, une dame qui chante un truc pareil on en fait une icône, un personnage représentant des voix qu'on entend jamais, sauf que cette dame-là qui est visiblement guadeloupéenne, semble être inconnue. Je ne sais qui elle est. Je n’ai jamais entendu parler d’elle. Je fais mes recherches et il s’avère qu’il s’agit de Manuela Pioche. C'est ce morceau-là qui m'a donné envie de la découvrir et qui ensuite m'a permis de faire dans la peau de Mano donc c'est normal que je le remette presque en premier. Dans ma tête, il fait partie des morceaux phares de "Certifié A Live" et ce morceau que je reprends régulièrement sur scène en m'amusant de la mise en scène. Je le commence toujours d'une façon différente et je crois aussi que l'amusement de mes musiciens c'est de découvrir comment je vais l’interpréter sur la scène de Terre de Blues. Effectivement, ce soir-là, quand je monte sur scène pour chanter, il y a derrière moi, un décompte macabre qui montre le nombre de femmes tuées par leurs maris ou conjoints au moment du show et celui-ci arrive à quarante deux. Quarante-deux femmes sont mortes en France, sous les coups de celui qui les aimait. Depuis, le chiffre a augmenté.


“Pa ban mwen kou" "Célibataire endurcie" "Ola ou soti" toutes ces chansons ont été écrites pour vraiment inciter les uns à faire ce qu'ils veulent et les autres à laisser à le monde et notamment celle ou celui qu’ils aiment. Selon moi, il y a vraiment une certaine inquiétude sourde à voir les autres vivre quand soi-même on ne se le permet pas comme si, je ne sais pas moi, comme si il y a une menace sur soi de voir que quelqu'un vivre sa vie et que peut-être que nous, on ose pas et que ça nous questionne, ça nous inquiète, ça nous fait peur. Il y a comme une tension entre ceux qui font peur à ceux qui ne font pas. Je dis justement, laissez les gens faire leurs affaires et osez faire les vôtres et peut-être que la liberté commence par là. Je me dis que peut-être que la liberté commence par-là peut-être que les violences vont commencer à s'atténuer aussi avec cette idée qu’il n'y a personne qui nous appartient on n'est pas obligé de faire comme c'est écrit parce qu’on arrive sur terre sans avoir rien demandé. Sauf si j'ai raté un épisode mais je ne me rappelle pas avoir mis voilà un formulaire où que ce soit avant d'arriver donc j'ai signé pour rien du tout. J'arrive, les lois sont établies les cultures sont faites, je me retrouve dedans et j'essaie de me gérer comme je peux, laissons-nous de la latitude. Je ne prône nullement l’anarchie mais je suis pour la liberté de vivre comme on veut et surtout comme on le peut car on peut décider de se créer des règles de couple, ses règles de parents tout en ayant conscience qu'on est dans un cadre, que la vie implique plein de gens autour d'accord mais peut-être qu'il y a des choses à assouplir à commencer par nous.



Florence Naprix posant pour The Link Fwi. Photo : ELMS Photography

TLFWI : On a pu te voir en prestation au Festival Terre de Blues, quelles ont été tes impressions ? Selon toi, le public était réceptif et comment t’a t-il accueilli ? Était-ce important pour toi de jouer sur cette scène dans cette habitation historique et coloniale ?


Florence Naprix : J’ai adoré à Terre de blues pour commencer, j'étais super flattée d'être invitée c'est un festival que je regarde depuis longtemps avec l'espoir d'y jouer et quand on m'appelle pour me proposer de faire partie de la programmation je suis enchantée donc je prends ça comme un challenge cette scène là je vais l'occuper comme je peux mais surtout comme je veux, c'est le privilège des artistes en même temps (rires). Il y a un moment donné où tout est permis donc je vis ça comme ça et dans le challenge il y a cette rencontre avec un public super nombreux qui pour la grande majorité ne me connaît probablement pas. Je suis là depuis le vendredi soir et durant mon séjour sur l’île, je croise plein de gens qui me disent qu’ils sont venus pour me voir. J’ai trouvé cela super encourageant de leur part d’apprendre qu’il y a des personnes qui attendent de me voir sur scène et surtout d’autres qui comme je le disais, ne me connaissent pas. Je prends cela comme une première rencontre. J’arrive sur les lieux, on m’installe au salon, cocktail etc, J’avance vers la scène avec cette grande inconnue, “qu’est-ce qui va se passer ?” Je n’en sais rien mais je pense qu'au départ le public est globalement là lui aussi en attente de voir ce qui se passera. Au fur et à mesure on s'entend, on se comprend et oui, ça se termine sur une standing ovation alors ça fait peut-être bizarre de dire une standing ovation sur une scène de festival où les gens sont debout alors qu'au début de ma prestation, le public était assis ou allongé sur le gazon et à la fin, tout le monde est debout pour nous acclamer. Je trouve que ça valide quelque chose. J'ai pris ça comme un tremplin parce que dans la vie dans la carrière musicale en tout cas il y a des passages, il y a des étapes à passer et faire un festival en est une surtout un festival de la catégorie du Festival Terre de Blues de Marie-Galante, qui se trouve chez moi, en Guadeloupe. On s'organise donc pour chaque fois aller plus haut continue à monter et à évoluer.


The Link Fwi : Ok, après, Terre de Blues as-tu prévu de faire d’autres séries de concert ou même une tournée ici ou ailleurs ?

Florence Naprix : Je viens de passer une semaine en résidence à la Créole Beach avec une partie de ces morceaux là il y aura pas mal de choses en juillet/ août et pour ce qui concerne la question de concerts, je ne suis pas partie sur l’idée d’une tournée pour défendre l’album. Je suis sur d’autres sessions de travail pour de nouveaux projets à venir avec Starjee avec qui je collabore depuis “ Certifié [A] Live” depuis nos esprits se sont rencontrés. Ils fourmillent d’idées. On se rencontre, on réfléchi, nos cerveaux sont en ébullition. On se dit qu’il faut faire ça, on va faire ça. Il faut donc prendre le temps pour pouvoir organiser toutes ces choses au fur et à mesure depuis je crois que ça fait quoi ça fait ça fait deux mois que régulièrement il y a des choses qui sortent on parle de "Certifié A Live" aujourd'hui il y avait trois singles qui sont sortis d’un coup, trois semaines auparavant sur ma page Bandcamp, d’ailleurs je vais peut-être publiée quelque chose dessus. Après la raison pour laquelle, j’ai décidé de publier ces nouvelles productions sur Bandcamp, j’ai envie de rappeler aux gens que le travail de l'artiste musicien c'est bien s'il est rémunéré et il ne l’est pas uniquement avec les concerts parce que sinon, on ne s’en sortirait pas donc vendre des albums, des EPs ou des singles font partie de nos sources de revenus or quand vous écoutez un morceau sur les plateformes, sachez qu’en tant qu’artiste, je ne récolte que 0,001€ dessus, c’est-à-dire rien du tout tandis que les plateformes d’écoute comme Spotify ou Deezer, elles, récoltent tout grâce à leurs abonnements à 9,99€ alors que nous artistes, c’est plus difficile pour que nous mangions. Même les gros artistes qui vivent plus aisément que nous, petits artistes, n'en n'ont pas suffisamment non plus. Le système est fait de tel façon que, ce n'est pas nous artistes qui touchons sur ce que nous faisons c'est rarement nous, nous on arrive en dernier.


Donc, lorsque je mets l’album sur Bandcamp, je propose au public en fait de l'acheter au prix qu'il souhaite d'ailleurs, nous n’avons pas un prix fixé. Je veux dire que ce n’est pas plafonné. Le public met la somme qu’il veut. Là encore c’est une autre façon d’impliquer le public et d’établir un autre rapport avec l’artiste et pour moi, je trouve cela intéressant. J’avais déjà appliqué cette méthode lors de la création de mon spectacle “ Dans la Peau de Mano” en faisant appel au mécénat car je n’avais pas envie de passer par le crowdfunding mais je voulais proposer aux gens de prendre une véritable part dans l'économie de cette industrie car je suis en totale autoproduction, je suis donc mon propre label et mon manager et mon propre chargé de communication. Je fais tout de A à Z donc oui, ça coûte à la fois de l’argent mais aussi de l’énergie et pour que je continue à travailler, il faut qu'à un moment donné l'argent rentre et c'est pourquoi, le public est une part active de cet échange. C’est lui qui a le pouvoir et toutes ces personnes qui nous écoutent de nous faire exister. Ils ont ce pouvoir en venant dans nos concerts ou en achetant nos albums, ou encore en faisant des dons. Le public a entier pouvoir sur nous, sans lui on n'existe pas. Je n’invente rien. Je peux chanter comme je veux mais si personne n'écoute ou ne vient pas aux concerts ou personne ne parle de moi alors je n'existe pas voilà donc le public est le prolongement des médias qui aussi font en sorte que nous existons. C’est un vrai maillage qu'il faut qu'on mette en place et ça me ramène sur cette histoire de politique culturelle qui manque en Guadeloupe parce qu'ici nous ne sommes pas dans l'esprit que la musique que les arts sont une richesse. Au contraire, nos institutions voient beaucoup les arts ou la musique comme des charges, comme du poids financier mais jamais elles ne le voient comme générateur de valorisation du territoire, générateur d’emploi.


J'aimerais vraiment qu'on arrive à changer ce regard là pour pouvoir justement changer la façon dont on aborde et la musique et tous les autres arts comme la danse, ça marche pour le cinéma sans doute pensent-il que le 7e art a une plus grande portée et que les retombées sont immédiates. Il y a de nombreuses choses à valoriser chez nous. L’aventure que nous avons entamée, il y a deux ans, au CAC ( chantier de l’ancien Centre des Arts) a été l’occasion de mettre un gros coup de projecteur sur ces problèmes. Il y a de nouvelles de spectacles, des expositions qui ont lieu, des festivals qui existaient mais qui prenaient une plus grand envergure et je suis contente de qu'on ait instauré cette idée que l’art peut-être un vecteur et que nous avons fait bouger les lignes mais ce n'est pas suffisant puisque tant que qu'on n'aura pas la sensation que les institutions prennent leur part dans ce travail-là, les artistes continueront à galérer et quand je parle de “ galère” j’évoque une réelle précarité des artistes chez nous. Beaucoup sont malheureusement obligés d’avoir un travail alimentaire et ne peuvent pas vivre de leur art à plein temps et en faire leur métier. A ce sujet, je ne sais pas quel temps ? et quelle énergie que tu peux consacrer à ton art quand tu as un travail à côté ? Parce que ça demande du temps, de l’espace de réflexion et de la mise en œuvre et quand tu vas travailler de telle heure à telle heure tous les jours et toute la semaine, on se demande comment tu y arrives ? Je me dis que soit tu négliges ton travail alimentaire soit tu négliges ton art parce que tu n'as pas la force de tout faire.

Un autre problème, c'est le maillage des compétences moi auto-productrice je me retrouve à faire tout sauf que je ne sais pas tout faire et d’ailleurs je n'ai pas envie d'apprendre à faire tout, je ne suis pas comptable, je n’en ai pas les compétences spécifiques en marketing je suis nulle en stratégie de développement de quoi que ce soit et ça ne m'intéresse pas donc je n’ai pas envie de me former pour ça pour être Wonder Woman, je fais toutes mes affaires toute seule je n'aime pas ça. J'ai envie de pouvoir trouver pleins d'alliés qui vont m'aider à monter et solidifier mon business et dans lequel tout le monde va manger et qu'on est plein de structures et qu'on ait plein de structures de ce type là ou qu'on ait une grosse structure qui mette à disposition plein de gens différents, qui ont tous leurs compétences ou leurs atouts ou leurs idées à apporter pour que tout le système en profite mais pour ça il faut qu'on change de mindset et je crois qu'on n'en est pas là.



Florence Naprix posant pour The Link Fwi. Photo : ELMS Photography


TLFWI : Es-tu présente sur les réseaux sociaux et si oui où pouvons-nous te suivre ?

Florence Naprix : Bien sûr ! donc je disais tout à l'heure que j’étais ma propre chargée de communication, mais depuis cette année ça a changé. Désormais, j'ai une chargée de com qui est trop super et qui fait un bon travail et pour la question, oui, je suis présente sur les réseaux sociaux. On me trouve sur Instagram mais aussi sur Facebook et Linkedin. Pour découvrir ma musique, je suis présente sur les plateformes d’écoute Spotify, Deezer, Apple Podcast. Je ne suis pas encore sur Tik Tok mais il parait que ça arrive. Donc voilà suivez-moi pour suivre mes actualités.


The Link Fwi : Florence Naprix d’avoir répondu à nos questions et ce bon moment d’échange.

Florence Naprix : Mais de rien. Merci à vous.





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