Scènes de joie, ou de pleurs. Déception, colère, indignation ou jubilation. Une semaine après le deuxième tour des élections présidentielles, la France est partagée voire même divisée suite à la reconduite d'Emmanuel Macron. En Outremer, les élections ont eu un parfum de sanction pour le président reconduit. Entre abstention massive, vote pour les extrêmes, gauche et droite. Les résultats du deuxième tour en Outremer marquent le pas sur ceux de l'Hexagone. Preuve que la fracture entre l'Hexagone et les anciennes colonies est en cours.
En 2014, dès sa nomination au gouvernement sous le mandat de François Hollande, Emmanuel Macron alors jeune ministre de l'économie et plus jeune ministre de l'histoire de la République, est déjà critiqué par la classe politique, tant à droite qu'à gauche que par les citoyens qui lui reprochent d'être un pur produit de l'élite parisienne avec sa grande proximité avec les milieux d'affaire, le MEDEF et notamment sa collaboration avec la banque Rothschild et les revenus dont une grande partie qu'il aurait omis de déclarer au Fisc pour ne pas payer l'ISF.
Etoile montante de la politique nationale. Véritable surdoué de la finance et de la politique passé par le prestigieux lycée Henri IV où il obtient un baccalauréat scientifique avec mention très bien. Pour ensuite être admis en hypokhâgne et khâgne, diplômé en philosophie. Il réussi au concours d'entrée à l'ENA ( Ecole Nationale de l'Administration), puis rapporteur de la Commission sur la croissance réalisée par Jacques Attali. Conseiller du président François Hollande en 2012 et enfin ministre de l'économie. Malgré les vives critiques concernant ses réformes sur la loi de Travail, le travail du dimanche ou encore sa réforme concernant l'ouverture des marché d'autocars, Emmanuel Macron quitte le gouvernement pour faire campagne dès 2016 avec son mouvement " En Marche ! " qui se veut être ni de gauche ni de droite. Celui que l'on accuse d'arrogance va pourtant être adoubé par la presse. Provocateur à souhait mais fin stratège qui n'oublie pas de convaincre même les plus virulents de ses détracteurs, ses idées vont séduire un électorat tant à gauche qu'à droite. Si bien qu'ils sont nombreux à droite comme à gauche de l'échiquier politique à le rejoindre lui ses partisans issus de la société civile. Tous animés par le même sentiment que la gauche doit se réinventer. Un vrai coup dur pour les partis traditionnels que sont Les Républicains et le Parti Socialiste dont les plus durs détracteurs qualifieront ce nouvel ovni politique d'UMPS, savant mélange d'UMP et de PS.
Tel un patron à la tête d'une start up, le jeune loup de la politique nationale. Le jeune candidat misait principalement sur l'intelligence collective et la liberté d'organisation, cassant une nouvelle fois les codes de la gestion traditionnaliste de la politique dont une décision prise du haut vers la base. A son apogée En Marche ! comptait quatre mille comités à travers la France. En ordre bataille, ils étaient déterminés à faire élire leur candidat. Un vent
nouveau commençait à balayer la scène politique française. Pourtant, pour beaucoup, Emmanuel Macron est une bulle médiatique à l'image de certaines startups, qui va vite exploser.
En 2017, opposé à la candidate du Front National, Marine Lepen fille du leader d'extrême droite Jean-Marie Lepen et François Fillon, ancien premier ministre sous l'ère Sarkozy et considéré comme le favori de la présidentielle. Contre toute attente, Emmanuel Macron va s'impose dans les sondages. Sans doute poussé par le Pénélopegate, du nom de la femme de l'ancien premier ministre accusée d'emplois fictifs concernant des membres de sa famille et qui aura des conséquences sur la campagne de son potentiel président de mari puisqu'elle a provoqué pendant plusieurs semaines la remise en question de la candidature de François Fillon par certains membres de la droite et du centre. Un scandale politique sur lequel surfa le candidat Macron qui prônait une certaine moralisation de la vie politique s'il se faisait élire. Un thème gagnant vu qu'au sortir du premier tour, Emmanuel Macron s'impose comme le favori des sondages devant Marine Lepen.
Sondages qui seront confirmés dès le premier tour où l'ancien ministre de l'économie passe en tête où il obtient 24,01% des suffrages exprimés devant la représentante frontiste avec 21,30% des voix. Tandis que François Fillon est plébiscité à 20,01% et le candidat de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon et ses 19,58%. ( résultat 1er tour ) Une avance sur la candidate du Front National confirmée après le débat du second tour qui a permis au candidat En Marche ! de s'imposer dans le choix des français. Au soir du 07 mai 2017, Emmanuel Macron devient le 25e président de la République Française avec 66,10% des voix au détriment de Marine Lepen 33,90%. Pour une abstention estimée à 25,44%. ( résultat 2e tour )
Le président des taxes et des riches :
Un premier quinquennat marqué notamment par la volonté de réformer les institutions gouvernementales et les lois sociales que le jeune président qualifiait d'ancien temps : Il y a eu la réforme du Code du Travail qui fût l'une des premières réformes d’Emmanuel Macron, présentée dès le mois de juin 2017. Pour les oppositions et syndicats, elle contribue à détricoter le code du travail. Pour l’exécutif, il s’agit de créer un climat de confiance pour les entreprises. Amorcée après une première loi sous François Hollande, la réforme du code du travail version Macron impose un barème pour les licenciements abusifs, la fusion des instances du personnel, la primauté des accords d’entreprise sur ceux de branche, le référendum d’entreprise. L’exécutif choisit de légiférer par ordonnances, qui permettent en quelque sorte de contourner le Parlement, qui ne vote que les habilitations.
Suivi de la moralisation de la vie politique suite au scandale de l'affaire Fillon qui a sans doute permis à l'ancien ministre de l'économie de François Hollande de se faire élire. Evidemment, les scandales financiers de certains proches et ministres des premières années du mandat d'Emmanuel Macron entachera la volonté du jeune président d'assainir la vie publique.
Autre réforme appliquée par la force, celle de la SNCF : malgré l'opposition (timide) des syndicats des cheminots aboutit en 2019 à l'ouverture à la concurrence pour les TER, puis pour les TGV en décembre 2020, la fin du statut de cheminot pour les nouvelles embauches et le changement de statut de la SNCF.
La plus controversée des réformes du premier quinquennat restera bien entendu celle de la suppression de l'ISF. Une réforme qui divisa l'ensemble de l'échiquier politique, à droite mais surtout à gauche et entraîna une vive opposition auprès de la société civile qui évoqua une volonté de prendre aux pauvres pour donner aux riches. Ou tout simplement favoriser les plus fortunés. Taxé de président des riches Emmanuel Macron a malgré tout maintenu sa position, ce qui a conduit à la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, transformée en IFI (impôt sur la fortune immobilière), couplée à la « flat tax ». Se basant sur la théorie du ruissellement où l'argent venant du haut inonderait les derniers de cordée (le peuple). Pour le président, il s’agissait de laisser les investissements se faire dans l’économie, avant que ceux-ci ne bénéficient au reste de la population par des créations d’emplois. Une loi polémique qui n'a pas forcément bénéficié à tous ou du moins à la minorité des plus riches. Bien que l'Etat se targue d'avoir permis à des entreprises françaises installées à l'étranger de revenir à l'intérieur des frontières nationales. Il est vrai que l'on a vu le nombre de milliardaires français doubler mais la pauvreté a surtout augmenté.
Au début de son premier mandat, Emmanuel Macron prévoyait la mise en place la taxe sur les hydrocarbures qui conduira à la colère des français et qui aboutit au mouvement des Gilets jaunes. Chaque samedi, dès le 17 novembre 2018, ce mouvement de " Sans culottes " du XXIe siècle, issus des classes populaires ont arpenté les rues plus grandes villes françaises, ont marché chaque samedi par dizaine de milliers à travers la France et principalement à Paris, bloqués des rond points ou des aires d'autoroute avec pour principales revendications, le changement de politique fiscale, l'amélioration du niveau de vie des classes populaires et moyennes, l'application du référendum d'initiative citoyenne, le rétablissement de l'impôt sur la fortune.
Hormis la suppression de la taxe sur les hydrocarbures, le président Macron a maintenu ses réformes sociales, au prix de 25 800 civils blessés, 1944 forces de l'ordre blessées, 11 morts. Près de 12 107 interpellations ont eu lieu, ainsi que 10 718 gardes à vues opérées, 3100 condamnation dont 400 peines de prison ferme avec mandat de dépôt prononcées. Une situation insurrectionnelle qui restera dans l'histoire de France. C'est même la plus grande révolte sociale et populaire que la France n'ait jamais connue depuis les émeutes de Mai 67 et 68. Une révolte qui s'inscrit dans la droite ligne des mouvements sociaux qui ont fait l'histoire nationale.
Pour tenter de désamorcer la crise, l'exécutif lance un grand débat national, qui se déroule de mi-décembre 2018 à mi-mars 2019. Cette consultation national proposait de faire remonter les souhaits des Français autour de quatre grands thèmes (transition écologique, fiscalité, services publics et débat démocratique), furent exclus par le Gouvernement, l’immigration, la peine de mort, l’interruption volontaire de grossesse et le mariage homosexuel de la consultation. En parallèle des manifestations, des consultations sont organisées par des Gilets jaunes dans toute la France, sous la forme de réunions publiques ou de plateforme en ligne. Suivies à partir de janvier 2019, des Assemblées des assemblées, qui sont des assemblées générales de Gilets jaunes, se tiennent régulièrement. Ces réunions cherchent à structurer le mouvement mais finissent par échouer vu les dissensions apparentes entre les figures majeures Gilets Jaunes. Du côté gouvernemental, le 25 avril 2019 , Emmanuel Macron conclut le débat par une conférence de presse à l'Élysée, au cours de laquelle il annonce notamment une baisse de l'impôt sur le revenu et la réévaluation des petites retraites sur l'inflation.
Le Covid-19 comme trouble-fête.
S'il y a bien une chose qui a marqué le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, c'est bien évidemment la pandémie de la Covid-19 commencée à Huwan en Chine dès le mois d'octobre 2019, elle est déclarée en France à partir du 11 mars 2020. Toutefois, il se pourrait que, sur le territoire national, des Français aient été atteints par le coronavirus bien avant et que leurs symptômes aient été alors confondus avec ceux de la grippe
Alors qu'elle est encore en cours et que des hospitalisations ont encore lieu, cette pandémie est la plus meurtrière de ce XXIe siècle. Selon Santé Publique France, depuis le début de l'épidémie au 13 mars 2022?, 27 163 629 personnes auraient été contaminées, pour 143 625 décès recensés ( cumul au 13 avril 2022) tandis que 24 344051 cas sévères ont été soignés ( cumul au 13 avril 2022).
Face à cette situation inédite, le Gouvernement a eu recours à des mesures exceptionnelles Ainsi, pour freiner la formation de nouveaux foyers de contagion et préserver les capacités d'accueil de ses hôpitaux, la France, comme de nombreux pays, décide des mesures de confinement et l'annulation des manifestations sportives et culturelles. À la mi-mars 2020, afin de stopper la diffusion exponentielle du coronavirus et pour réduire le plus possible le nombre de personnes atteintes et donc de morts, la population est confinée à domicile et tous les lieux recevant du public considérés comme non indispensables à la vie du pays sont fermés. Les mesures de confinement sont levées entre la mi-mai et la mi-juillet. Puis, avec une nouvelle augmentation du nombre de cas, dans une période allant de novembre 2020 à juin 2021, deux confinements sont déclarés, ainsi que des couvre-feu. Pour freiner l'épidémie, dès décembre 2020, comme de nombreux pays dans le monde, le Gouvernement français opte pour la vaccination. La première campagne de vaccination débute le 27 décembre 2020. S'en suivront environ quatre au gré des pics de l'épidémie et avec elle l'apparition de nouveaux variants. Autre mesures prises par l'Etat, l'obligation du port du masque dans les transports et tous les lieux recevant du public et le respect strict des gestes barrières au départ suivis mais assez oubliés par la population.
Autant de décisions qui ont jusqu'à présent des conséquences économiques, sociales et environnementales et font peser des incertitudes et des craintes sur l'économie française et sur l'éducation, la santé et les droits fondamentaux de la population, car, afin de parvenir à ses objectifs de vaccination, l'Etat fait voter une loi le 5 août 2021 pour imposer la vaccination en premier lieu aux personnels soignants et aux professionnels en contact avec un public et dans une moindre mesure à la population civile qui s'est vue imposée des pass-sanitaires. A plusieurs reprises, opposants au pass sanitaire et pass-vaccinal se sont mobilisés dans toute la France pour dénoncer ce qu'ils qualifient de " diktat " sanitaire.
Une fin de quinquennat marquée par la Guerre à l'Est :
La fin du premier quinquennat d'Emmanuel Macron est surtout marquée par l'accroissement des tensions entre l'Ukraine et la Russie et un retour de la guerre sur le continent européen. Un conflit entre deux états aux portes de l'Union Européenne dont le président français est à la tête. Le retour à la paix sera le nouveau défi pour le jeune chef d'état.
En effet, depuis 1945, une paix relative régnait. Du moins, les décennies qui ont suivi le deuxième conflit mondial, les Etats européens ont toujours joué un numéro d'équilibriste entre le monde libre ( ou libéral) à l'Ouest et le monde communiste à l'Est dominé par l'Union Soviétique. Une relative stabilité, émaillée de moments de tension, entre deux systèmes politiques opposés qui ne se sont jamais réellement affrontés directement sur le continent perdura jusqu'en 1989. A la fin de la Guerre Froide, bien que l'explosion violente de la Yougoslavie ait remis la guerre ( 1991-2003) dans le jardin européen, l'espoir d'une grande union fondée sur la paix, le tout reposant sur le libre échange des hommes et des marchandises, animait l'ensemble des états-nations européens. Un espoir balayé en 2014 lors des événements de la Place Maidan à Kiev en Ukraine, pays jusque là proche de la Russie de la Vladimir Poutine.
Après des semaines de manifestations de grande ampleur lors du mouvement Euromaïdan (entre 2013 et 2014), Viktor Ianoukovytch, le président ukrainien pro-russe de l'époque, et les dirigeants de l'opposition parlementaire ukrainienne signent, le 21 février 2014, un accord de règlement prévoyant des élections anticipées. Le lendemain, après la révolution de février 2014, Ianoukovytch fuit Kiev après un vote du parlement ukrainien le destituant de sa fonction présidentielle. Cependant, les dirigeants des régions russophones de l'est de l'Ukraine déclarent rester fidèles à Ianoukovytch, ce qui provoque des manifestations violentes accentuées par l'abrogation le 23 février 2014, de la loi de 2012 sur les langues régionales, retirant le statut de langue officielle à de nombreuses langues dont le russe dans 13 des 27 régions, essentiellement au sud et à l'est du pays ce qui provoque la colère et la défiance des populations russophones des territoires de l'est. Dès lors, elles vont se constituer en brigades d'auto-défense pour s'opposer aux brigades révolutionnaires à Kiev venues épaulées l'armée ukrainienne.
Dès lors, va commencer la guerre du Donbass, qui débute en avril 2014 avec la création des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, soutenues militairement par la Russie. Ainsi, ce qui s'apparentait à de simples manifestations se transforme en une guerre civile meurtrière et entraîne la partition ( non actée) du pays entre l'Ouest pro-européen et l'Est pro-russe, du fait de la présence population russophone et fortement liée à la Russie qui dès 2014 n'a pas hésité à " envahir " ( pour le gouvernement ukrainien et ses alliés) récupérer, selon Moscou, cette région russophone longtemps rattachée à l'Empire Russe, puis à l'URSS et donnée en cadeau à l'Ukraine en 1992 pour son indépendance.
Les tensions vont s'accroître lorsque le président nouvellement élu, Volodomy Zelensky approuve le 14 septembre 2020, une nouvelle stratégie de sécurité nationale de l'Ukraine prévoyant le « le développement du partenariat distinctif avec l'OTAN avec pour objectif l'adhésion à l'OTAN » Suivi le 24 mars 2021, par la signature d'un décret approuvant la « stratégie de désoccupation et de réintégration du territoire temporairement occupé de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol ».
En octobre 2021, les services de renseignement américains et britanniques informent leurs alliés européens de « la possibilité d'une intervention russe en Ukraine » Le 13 janvier 2022, le cercle de réflexion Center for Strategic and International Studies publie une analyse d'un possible plan d'invasion de l'Ukraine par la Russie, fondé sur des images satellitaires montrant les positions des forces russes, et détaillant la possibilité qu'un des axes de l'offensive emprunte le territoire biélorusse.
Entre mi-janvier et mi-février 2022, le gouvernement des États-Unis alerte publiquement et régulièrement au sujet d'une possible invasion imminente de l'Ukraine par la Russie. Le président Macron, tout comme ses homologues européens très sceptiques à l'idée d'une invasion militaire ont longtemps opté pour la voie diplomatique. Pourtant, comme l'avaient évalué les services américains, à la mi-janvier 2022, la Russie et la Biélorussie amassent des troupes pour une nouvelle série d'exercices militaires conjoints à la frontière ukrainienne le mois suivant et le 11 février 2022, les dirigeants européens et américains estiment alors que plus de 100 000 soldats russes sont massés près de la frontière ukrainienne, ce que les Américains voient comme une préparation de l'armée russe à l'invasion de l'Ukraine.
Le 19 février 2022, la Russie trouve un prétexte pour envahir l'Ukraine. Moscou aurait affirmé avoir la preuve qu'un obus d'artillerie ukrainien a atterri dans la région russe de Rostov près de la frontière russo-ukrainienne au cours de la crise russo-ukrainienne de 2021-2022. Dans logique belliqueuse, le 21 février, le gouvernement russe affirme que les bombardements ukrainiens ont détruit une installation frontalière du Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie (FSB), le successeur du KGB, à la frontière russo-ukrainienne et que les forces russes ont abattu cinq soldats ukrainiens qui tentaient de franchir la frontière. Des accusations que l'Ukraine a fermement démenti. Malgré les tentatives de diplomaties, le 22 février 2022, les troupes russes franchissent la frontière ukrainienne à l'Est, au Nord ( Biélorussie) et au Sud en passant par la Crimée. Face à l'avancée rapide des troupes russes, le 24 février 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky appelle l'ensemble des citoyens à se battre et à fournir des armes aux civils afin de s'opposer aux offensives russes. Par la suite, les hommes de 18 à 60 ans sont mobilisés et interdits de quitter le territoire ukrainien.
A l'heure où nous écrivons cet article, le conflit russo-ukrainien continue. Après avoir échoué à conquérir la capitale ukrainienne par le nord, désormais, les troupes russes se concentrent sur les territoires de l'est et, les victimes civils comme militaires se comptent par centaines chaque semaine. Le retour à la paix sur le continent est le nouveau défi pour le jeune chef d'état qui rappelons préside l'Union Européenne.
Un bilan économique qui donne des ailes mais mitigé :
Seule note positive de cette fin de mandat concerne le chômage et la croissance de la France. Selon l'INSEE, le nombre de chômeurs ( en catégorie A, sans activité) a enregistré en France ( mais hors Mayotte) une nouvelle baisse de 5% au premier trimestre 2022 par rapport au trimestre précédent. Il y aurait donc 169 100 inscrits en moins au Pôle Emploi. Un bilan économique sur lequel a surfé le président candidat tout au long de la campagne 2022.
Selon DARES, en moyenne au premier trimestre 2022, en France métropolitaine, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi et tenues de rechercher un emploi (catégories A,B, C) s'établit à 5 244 200. Parmi elles, 2 962 800 personnes sont sans emploi (catégorie A) et 2 281 400 exercent une activité réduite (catégories B, C).
En France métropolitaine, le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A baisse de 5,3 % (164 700) ce trimestre et de 16,5 % sur un an. Le nombre de personnes exerçant une activité réduite courte (catégorie B) augmente de 2,1 % par rapport au trimestre précédent et sur la même période celui des personnes en activité réduite longue (catégorie C) est stable. Au total, le nombre de demandeurs d'emploi en catégories A, B, C diminue de 2,8 % sur ce trimestre (150 000) et de 8,4 % sur un an.
Au premier trimestre, 714 700 personnes inscrites à Pôle emploi ne sont pas tenues de rechercher un emploi. Elles sont soit non immédiatement disponibles et sans emploi (catégorie D, par exemple : formation, contrat de sécurisation professionnelle, maladie), soit pourvues d'un emploi (catégorie E, par exemple : création d'entreprise, contrat aidé). Sur ce trimestre, le nombre d'inscrits en catégorie D diminue de 1,6 % et celui des inscrits en catégorie E augmente de 1,9 %.
En France (y compris les départements-régions d'outre-mer, hors Mayotte), le nombre de demandeurs d'emploi s'élève à 3 192 800 pour la catégorie A. Il diminue de 5,0 % sur le trimestre (15,7 % sur un an). Pour les catégories A, B, C ce nombre s'établit à 5 532 700. Il diminue de 2,7 % sur ce trimestre et de 8,2 % sur un an.
Demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi au 1er trimestre 2022.pdf (PDF, 1.35 Mo)
Malgré ses chiffres plutôt encourageants, sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, la pauvreté est quand même très forte en France. Selon les statistiques de l'INSEE, en 2019, en France métropolitaine 9,2 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté monétaire. Le taux de pauvreté est ainsi de 14,6 %. Cette pauvreté monétaire toucherait en premier lieu les chômeurs ( 38,9%). Parmi lesquels, les travailleurs indépendants qui sont beaucoup plus vulnérables (17,6 %) que les salariés (6,8 %). Les retraités sont moins fréquemment en situation de pauvreté (9,5 %) et, les familles monoparentales sont les plus concernées (32,8 %).
Un taux de pauvreté qui reste bien inférieur à la moyenne européenne et sur lequel repose la principale défense d'Emmanuel Macron et ses soutiens vantant un bilan économique et social plutôt positif si on se réfère aux données de l'INSEE concernant le taux de croissance :
Au quatrième trimestre 2021, le PIB a augmenté de 0,7% par rapport au troisième trimestre, un niveau plus élevé qu'attendu initialement par l'Insee. Sur l'ensemble de l'année 2021, la croissance s'établit ainsi à 7%, soit la croissance la plus haute depuis 1969. Un record à contrebalancer toutefois. La crise du coronavirus a très largement affecté l'activité en France. La récession avait alors été de 8% en 2020. Entre le troisième trimestre 2017 et le quatrième trimestre 2021 dernière donnée établie par l'Insee, l'activité a progressé de 4,6%.
A la fin de ce premier mandat, la préoccupation première des français a bien évidemment été celle du pouvoir d'achat. Un pouvoir d'achat qui a progressé sur le mandat d'Emmanuel Macron. En effet, selon l'Institut National de la Consommation, au 3ème trimestre 2021, le pouvoir d'achat (calculé avec le revenu disponible brut ajusté par unité de consommation) augmente de + 1,2 % par rapport au trimestre précédent.
L'OFCE, dans son étude, avance même l'idée selon laquelle les français ont gagné en pouvoir d'achat boosté par la création d'emplois et des baisses d'impôts dans les gains de niveau de vie enregistrés par les ménages. Selon l'étude les ménages auront gagné en moyenne 0,9% par an de revenu disponible entre 2017 et mi-2022, soit quelque 300 euros.
" Au cours des trois dernières décennies, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut par unité de consommation a crû en moyenne de 0,95 % par an pour un gain réel moyen de l’ordre de 300 euros. La période du quinquennat d’E. Macron se caractérise par des gains positifs (+ 0,9 % par an en moyenne), un rythme comparable à celui observé au cours des trente dernières années. Ces gains sont liés à la fois à la hausse des revenus primaires (issus du travail et du patrimoine) mais aussi aux évolutions du système socio-fiscal. L’évolution des prélèvements fiscaux et sociaux directs sur les ménages ont contribué positivement au revenu mais a eu pour conséquence un accroissement du déficit public structurel. "
Selon l'organisme proche de Science Po, entre la fin 2017 et la fin 2021, plus d’un million d’emplois ont été créés. Selon nos calculs, la hausse de l’emploi de l’ordre 3 % sur la période 2017-2021, augmenterait de 2,4 % la masse salariale versée – à mode de formation des salaires inchangé. Le premier dixième de niveau de vie aurait vu son niveau d’emploi s’accroître de 4,7 % au cours de la période 2017-2021 et sa masse salariale perçue de 3,7 %. Dans le haut de la distribution des niveaux de vie, l’emploi aurait progressé de 3,1 % et la masse salariale de 2,8 %.
Cependant, pour les détracteurs du président, les cinq années écoulées ont été synonymes de baisse de la production et d' accroissement de la dette publiques. En effet, la France produisait plus de richesses fin 2021 qu'en 2017. Il faut dire que la crise sanitaire est passée par là et elle a eu des conséquences sur l'économie. Ainsi, le produit intérieur brut (PIB) a connu une chute historique de 8% en 2020, le rebond a été rapide, permettant à l'économie de retrouver dès l'automne 2021 son niveau d'avant crise. Mais le redémarrage a coûté très cher avec une dette publique qui s'est creusée de 97,5% du PIB en 2019 à 116,3% à la fin du troisième trimestre 2021. Le déficit public, ramené en 2017 et 2018 sous le plafond de 3% du PIB imposé par les règles européennes, s'est lui creusé, à 9,2% du PIB en 2020, avant d'être ramené "autour de 7%" en 2021, selon le gouvernement.
Selon les estimations de l'OFCE, les 10 % des ménages les plus modestes et les ménages du milieu de la distribution ont vu leur revenu disponible soutenu par l’amélioration du marché du travail (hausse de l’emploi et des salaires) et par la baisse des cotisations sociales et la hausse des transferts monétaires (notamment les pensions de retraites).
Sauf que comme l'OFCE, le dit, la crise sanitaire a fragilisé le tissu productif, principalement les TPE et PME. Le gel des faillites laisse entendre que l’épisode Covid-19 est appréhendé comme une parenthèse alors que le soutien politique a été historiquement massif. Mais c’est bien une nouvelle ère qui s’ouvre car, si l’économie française a retrouvé une croissance vigoureuse en 2021 (+ 7 % en 2021 après -8 % en 2020 selon l’INSEE, janvier 2022), les vulnérabilités financières sont bien réelles et auront un impact sur les trajectoires de croissance de nombreuses petites et moyennes entreprises. L'OFCE précise que la reprise post-covid a été hétérogène pour les entreprises françaises, car elles n'ont pas toutes été affectées également par la singularité du choc selon qu’elles pouvaient compter sur le télétravail, selon que leur activité était plus ou moins paralysée par les mesures de confinement ou selon leur dépendance à la demande étrangère et/ou à l’approvisionnement soumis à des ruptures. Le choc Covid a surtout affecté en 2020 la disponibilité de la main-d’œuvre mais comme le rappel le rapport de l'OFCE " le ratio de masse salariale sur production est hétérogène, très dépendant des secteurs mais aussi de l’intensité capitalistique des entreprises. Cependant, à court terme, les facteurs de production sont rarement substituables, donc même les entreprises avec une part faible de travail ont pu être entravées pour produire."
Pour faire face à l'ampleur du choc et des risques sur l'emploi, l’État a mis progressivement en place tout un ensemble de mesures d’urgence dont le montant cumulé fin juin 2021 atteignait 230 milliards d’euros (France stratégie/Inspection générale des finances, 2021). Il incluait principalement :
■ des prêts à « prix coûtant » (1 % à 2,5 % de taux d’intérêt selon l’échéance) garantis par l’État (PGE), que les entreprises devront rembourser aux banques créancières (50 % du montant total) ;
■ le Fonds de solidarité pour les entreprises (FSE), soutenant les petites entreprises dont le chiffre d’affaires mensuel baissait relativement à 2019 et qui appartenait à certains secteurs particulièrement touchés ;
■ l’indemnisation de l’activité partielle (AP) ;
■ des exonérations et reports de charges.
Ce sont donc 140 milliards d'euro qui ont été cumulés entre mars 2020 et mars 2021 grâce au PGE qui représente le soutien financier aux entreprises le plus important (Cour des comptes, 2022). En ce début d’année 2022, les données officielles chiffrent l’AP et le FSE à environ 35 milliards d’euros chacun. L’IPP a simulé le montant cumulé des exonérations et reports de charges sociales à 23,7 milliards d’euros entre mars 2020 et juin 2021. De plus, pour conserver le tissu économique, l'Etat a plutôt choisi un outil de prévention des licenciements en aidant les entreprises qui, en retour, ont continué à verser tout ou partie des salaires aux effectifs n’étant plus en mesure de travailler.
Etudes de l'OFCE :
Le tissu productif français : construire la résilience face à l’imprévisibilité des chocs
Une analyse macro et microéconomique du pouvoir d’achat des ménages en France Bilan du quinquennat mis en perspective
Alors que beaucoup s'attendaient à ce que les entreprises françaises fassent faillite du fait de la crise sanitaire, il en est tout autre. Les entreprises françaises ont résisté et peu ont fait faillite. Comme le souligne l'OFCE, au début de l’année 2022, le nombre de faillites est encore au plus bas depuis 10 ans, ce qui est totalement inédit en sortie de crise. Le site du ministère de l'économie avance même l'idée selon laquelle : Le soutien public aux entreprises pendant la crise économique liée à la pandémie de Covid-19 a permis d'éviter une vague de faillites. Il a même fait chuter le nombre annuel de défaillances d'entreprises (redressements et liquidations judiciaires) à un plus bas historique en 2020, avec 31 000 défaillances, contre 50 000 en 2019. Cette tendance s'est poursuivie en 2021 : au total, entre mars 2020 et octobre 2021, 40 000 faillites ont été « évitées », soit une baisse de 45 % par rapport à la même période avant crise.
Si des faillites ont pu être évitées, c'est grâce à toutes les aides accordées par l'Etat que nous avons énuméré ci-dessus. Alors que le nombre de faillites des PME et des TPE a baissé au lendemain du premier confinement, il a augmenté chez les plus grandes entreprises. Cette hausse, temporaire, a retardé la baisse du nombre d'emplois concernés par les défaillances. Le nombre des redressements judiciaires a baissé de 59 %, contre une baisse de 39 % des liquidations judiciaires. La situation financière des entreprises en défaillance durant la crise était plus dégradée qu'en temps normal, les entreprises les plus vulnérables ayant continué à faire faillite alors que le soutien public maintenait en vie des entreprises en meilleure santé.
L'OFCE donne des détails chiffrés que : Les années 2020 et 2021 se caractérisent par une contraction des moyens d’autofinancement et par un recours aux prêts garantis par l’État pour faire face à la chute d’activité dans un contexte de taux d’intérêt encore très bas. Ces deux années vont probablement modifier non seulement les ratios d’endettement mais aussi la répartition de la dette entre les entreprises. Au 31 décembre 2021, la répartition de l’encours des PGE se distribue en 11,9 % (17 milliards) pour les GE ; 11,1% (15,9 mds) pour les ETI ; 38,4 % (55 mds) pour les PME et 36,7 % (52,5 milliards) pour les TPE. Ces dernières sont les principales bénéficiaires : 88 % des entreprises ayant reçu un PGE sont des TPE. Toutes choses égales par ailleurs entre 2019 et 2021, les PGE vont augmenter le poids des PME et des TPE dans l’encours de dette totale qui passe de 8,5 à 11 % pour les TPE et de 24 à 26 % pour les PME (troisième colonne du tableau). Cependant, les encours de PGE sont dans une proportion assez semblable, 15 %, d’une classe de taille à l’autre relativement à l’encours de dette de long terme totale en 2019.
La pandémie a eu aussi des conséquences sur la balance commerciale. En conséquence, la France a vu son déficit commercial se creuser pour atteindre un record de 84,7 milliards d'euros en 2021, contre 58,2 milliards quatre ans plus tôt. Le précédent record date de 2011 : la balance commerciale était alors tombée dans le rouge à hauteur de 75 milliards.
Du fait de la crise sanitaire, les exportations ont progressé (de 17 % par rapport à 2020, année de crise où elles avaient chuté de 13 %) moins que nos importations (+ 18,8 %), la facture énergétique ayant largement pesé, dans le sillon de la hausse des prix des matières premières. Un déficit au-dessus de ceux des pays d'Europe.
Durant la campagne pour les présidentielles, parmi les critiques formulées à l'encontre du président candidat est bien entendu la question de la dette publique qui a augmenté de 600 milliards d'euro. Celle-ci recouvre l’ensemble des emprunts contractés par les administrations publiques : État, organismes d'administration centrale, collectivités locales et administrations de sécurité sociale. Elle résulte du cumul des besoins de financement de l’État, c’est-à-dire de la différence, année après année, entre ses produits (recettes fiscales, produits de privatisations, etc.) et ses charges (dépenses budgétaires, prises de participation, etc.). A la fin du premier mandat ( le 14 mai 2022), elle atteindra 2950 milliards d'euro, soit 44 000 euros par Français. Loin des critiques de Marine Lepen ou de Jean-Luc Mélenchon, il faut comprendre que les 600 milliards de plus viennent en partie des réductions d’impôts décidées au fil des cinq ans. D’abord la fameuse suppression de l’ISF, remplacé par un impôt sur l’immobilier : ce n’est pas la plus coûteuse des réformes puisque l’ISF rapportait 4,2 milliards, et son successeur procure 1,5 milliard, soit une perte de 2,7 milliards par an pour les finances publiques, qui a directement profité aux plus hauts revenus. Dans le même ordre d’idée, la fiscalité sur les revenus financiers a été réduite à 30 % contre un maximum de 45 % auparavant.
D'autre part, il faut aussi prendre en compte la suppression progressive de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, qui a coûté 39 milliards au budget selon la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) sur le quinquennat. Enfin, à la suite des « gilets jaunes », des réductions d’impôts sur le revenu, via la défiscalisation des heures supplémentaires ou de la prime Macron.
Du côté des entreprises. Pour redresser leurs comptes, et théoriquement relancer les investissements et les emplois, les patrons ont eu aussi des réductions fiscales, d’environ 25 à 30 milliards selon les calculs. Le gouvernement a certes augmenté ses recettes en augmentant la CSG de 1,7 %, mais cela compensait la suppression des cotisations salariales, maladie et chômage pour les salariés du secteur privé.
Fin 2021, l’endettement de l’Etat a donc franchi la barre symbolique des 100 % du PIB, soit l’équivalent d’une année entière de production de richesses par le pays. Mais pas de quoi s'affoler. Comme le précise Claude Saula dans l'Obs les taux d’intérêt auxquels l’Etat se finance ont baissé pendant le quinquennat : on n’est pas loin de 0 % sur certains emprunts, avec un taux moyen en 2020 de 1 %, alors que la croissance du pays est supérieure à ce taux. En théorie, c’est donc une bonne affaire de s’endetter à des taux aussi bas, puisque l’argent emprunté permet d’obtenir plus de richesses. En gros, la dette a beau s’accroître, le service de la dette a lui reflué très nettement au fil des ans. « De 2010 à 2020, la charge d’intérêt a baissé de 20 Md€ alors que la dette a augmenté de 770 Md€ de fin 2009 à fin 2019. C'est sans doute la raison pour laquelle, le gouvernement ne regarde pas aux dépenses publiques.
Néanmoins, en février dernier, dans leur rapport annuel, les magistrats de la Cours des Comptes ont fait une mise une mise en garde contre la trajectoire budgétaire initiée par l'actuel gouvernement. C'est le Monde qui relate que Pierre Moscovici, président de la haute administration nationale a tiré un signal d’alarme lors de la présentation de son rapport annuel en rappelant que le déficit « ne donne pas signe de diminution », alors que cela faisait pourtant partie des objectifs initiaux du président.
Comme le soulignait en janvier dernier, le quotidien national, " La critique n’est pas nouvelle, pour une institution traditionnellement garante de l’orthodoxie budgétaire. Toutefois, elle sonne comme un avertissement adressé à l’actuel gouvernement, au moment où la déclaration de candidature d’Emmanuel Macron et, partant, un programme détaillé pour un hypothétique second quinquennat se font attendre. " La Cours des Comptes se base sur les prévisions du dernier budget et les éléments fournis par le gouvernement " A savoir un déficit public ramené de 5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2022 à 3 % en 2027, date à laquelle la dette publique (attendue à 113,5 % du PIB cette année) commencerait à décroître légèrement."
Réélection mais progression des extrêmes :
Réélu le 24 avril dernier, Emmanuel Macron qui n'a pas encore dévoilé son nouveau gouvernement devra entreprendre des actions concrètes pour maintenir à la fois l'économie et le social afin de satisfaire tout le monde.
Une semaine après l'annonce des résultats définitifs à l'issue du dernier grand bras de fer de l'élection présidentielle, la France dans son ensemble, est encore groggy. Beaucoup continuent de déplorer un entre deux tours semblable à celui de 2017. Avec un face-à-face entre un Emmanuel Macron représentant de cette nouvelle droite néo-libérale et candidat à sa propre réélection face à Marine Lepen cheffe de fil du Rassemblement National. Héritière d'une saga politique familiale tournée vers l'extrême droite radicale.
Comme le veut la tradition politique électorale de la Ve République. Le Dimanche soir à 20h, les français ont pu découvrir le visage du nouveau président de la République Française et c'est le président Emmanuel Macron qui a été reconduit pour cinq ans à la tête de l'Etat. Le candidat de la République En Marche ! a bénéficié de l'apport de voix des autres chefs de file tous unis malgré les oppositions politiques, pour faire barrage aux votes des électeurs du Rassemblement National. Après dépouillement, le président sortant est plébiscité à 58,54%, tandis que la candidate de l'extrême droite a obtenu 41,46% des suffrages exprimés.
A la différence de 2017, l'heure est loin d'être à la fête. Une partie des électeurs a voté le 24 avril pour ce centriste libéral uniquement pour faire barrage à l’extrême droite. Comme le souligne nos confrères du Devoir : " Malgré ses 58,5 % du second tour, Emmanuel Macron, 44 ans, n’apparaît pas en bonne position pour remporter une majorité parlementaire et avoir les mains libres pour mener sa politique. Il s’est imposé, il y a cinq ans, dans l’arène politique en surfant sur le délitement des grandes formations traditionnelles. Son parti, La République en marche (LREM), n’est pas bien implanté sur tout le territoire, même s’il a conquis la majorité à l’Assemblée nationale en 2017."
Des résultats qui sont loin de satisfaire la majorité des français dont une partie a laissé éclater sa colère dans les rues parisiennes ou rennaises. Colère ou indignation, Les élections présidentielles 2022 ont été marquées par une abstention plus grande que celle de 2017. En effet, selon une estimation Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions dimanche soir, le taux d'abstention au second tour de la présidentielle 2022, s'élève à 28,2%. Près de 3 électeurs sur 10 ne sont donc pas allés voter. Cela représente une hausse de 2,8 points par rapport à 2017 au même stade (25,4%). A la présidentielle 2012, l'abstention en fin de 2e tour se chiffrait à 19,6% ; à 16% en 2007 et à 20,3% en 2022. Au premier tour de la présidentielle 2022, c'est une abstention à 26,3% des électeurs inscrits qui a été constatée, contre 22,2% au même moment de la présidentielle 2017. ( résultats élection 2022 ) Une abstention qui marque le profond désaccord des français vis-à-vis de premier mandat du président Macron.
Par ailleurs, ces élections ont été aussi marquées par une progression du vote en direction des extrêmes, gauche et droite avec notamment une percée de Jean-Luc Mélenchon, leader charismatique de la nouvelle gauche rassemblée en un seul groupe " L'Union Populaire " qui termine à la troisième place avec un score établi à 21,95%. Un électorat basé principalement dans les zones populaires des grandes agglomérations Hexagonale et dans les territoires ultramarins.
Dans les Outremers notamment, le candidat insoumis obtient 38,19% sur l’ensemble des territoires ultramarins. Le candidat de l’Union populaire est plébiscité en Guadeloupe (56,16%), en Martinique (53,10%) et en Guyane (50,59%). À La Réunion, il obtient 40,26% des suffrages exprimés, bien mieux qu’en 2017, contre 40,91% à Saint-Pierre et Miquelon et même 35,03% à Saint-Martin, collectivité d’Outre-mer qui avait voté pour François Fillon en 2017. Cette année-là, Jean-Luc Mélenchon remportait le scrutin du 1er tour à Saint-Pierre et Miquelon, en Guyane, à La Réunion et en Martinique. Cette année, il remporte en plus la Guadeloupe et Saint-Martin.
Du côté de l'extrême droite même constat. Par rapport à 2017, cette année, ils ont été plus nombreux à voter pour la candidate du Rassemblement National. Le parti lepéniste bénéficie de votes de colère ou tout simplement de résignation voire même de sanction contre le président et sa politique menée ces cinq dernières années.
La fronde des Outremers illustrée dans les urnes
S'il y a bien des territoires où la colère s'est particulièrement illustrée, ce sont les territoires ultramarins. Cinq jours après le second tour, les résultats des territoires ultramarins font encore jaser. Ainsi, sociologues, politologues, journalistes et autres experts tentent de comprendre les raisons pour lesquelles, guadeloupéens, saint-martinois, martiniquais, guyanais et réunionnais, dont le vote est en général tourné à gauche. Cette fois, pour le deuxième tour, ces territoires ont voté massivement pour la candidate de l'extrême droite.
En Guadeloupe, la candidate du Rassemblement National obtient 69,0% tandis qu'Emmanuel Macron ne recueille que 30,40%. A la Martinique, pareil, Marine Lepen est passée en tête avec 60,87% des suffrages et le président sortant ne parvient à avoir que 39,13% des voix. En Guyane, c'est le Rassemblement National qui est vainqueur avec 60,78% tandis que le candidat de La République En Marche ! ne recueille que 39,22%. Même constat sur l'île de La Réunion, où comme pour les Antilles-Guyane, Marine Lepen vire en tête avec 59,56% des suffrages alors qu'Emmanuel Macron n'obtient que 40,44% des voix.
Ce qui a de choquant dans cette élection est le fait que ces régions où la gauche est bien enracinée depuis plusieurs décennies, c'est le fait qu'en moins de quinze jours, l’outremer est passé d’un vote favorable à l’Extrême-gauche à un vote en faveur de l’Extrême-droite. Beaucoup admettent avoir voté pour Marine Lepen après avoir voté pour Jean-Luc Mélenchon pour simplement sanctionné Emmanuel Macron. Président qu'ils avaient pourtant soutenu en 2017 mais qui les aurait déçus par son arrogance, son manque d'humanité, sa fermeté vis-à-vis des soignants non vaccinés.
S'ils n'ont pas voté pour Marine Lepen, les ultramarins ont tout simplement boycotté les urnes. Un message fort lancé par des populations qui ont toujours remplies leur devoir civique. 51,3 % des Ultramarins ne sont pas allés voter. Certes, ce taux est plus faible qu'au premier tour (56 % des électeurs avaient alors boudé les urnes). Mais comparé à l'élection présidentielle de 2017, qui avait déjà vu Emmanuel Macron et Marine Le Pen s'affronter, la démobilisation s'accentue : en 2022, la participation a reculé de près de cinq points.
Une semaine après, les résultats en Outremers questionnent voire divisent. Certains y voient une montée de l'extrémisme comme pour l'Hexagone. D'autre y voient un cri de colère poussé par les habitants de ces territoires. Une chose est sûre, Les originaires des Outremers sont loin d’épouser les thèses du RN et pourtant en lui accordant leurs suffrages à près de 70 % par endroit, cela doit bien vouloir dire quelque chose.
Parents pauvres de la République, ces anciennes colonies sont avant tout des territoires de disparité. En 2017, les habitants des DOM ont globalement un niveau de vie plus faible qu’en métropole et les inégalités sont plus marquées, surtout en Guyane et bien plus encore à Mayotte. Le taux de pauvreté monétaire au seuil national est deux à quatre fois plus élevé dans les DOM historiques qu’en France métropolitaine, et cinq fois plus à Mayotte. Les chômeurs, les personnes non diplômées, les jeunes et les familles monoparentales sont les plus touchés par la pauvreté. La proportion des prestations sociales dans le revenu des ménages est sensiblement plus forte qu’en métropole.
Selon les chiffres de l'INSEE pour l'année 2017 : En Martinique et en Guadeloupe, le niveau de vie médian, qui partage la population en deux parties égales, se situe respectivement à 1 360 et 1 310 euros mensuels. Cela correspond à des revenus disponibles de 2 870 et de 2 760 euros par mois pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans. Ces niveaux de vie médians sont inférieurs de 20 % et 23 % à celui observé en France métropolitaine (1 700 euros par mois). Celui de La Réunion (1 160 euros mensuels) est inférieur d’un tiers au niveau de vie médian de métropole et celui de la Guyane de moitié (920 euros). À Mayotte (260 euros), il ne représente qu’un sixième de la valeur métropolitaine.
En bas de la distribution des revenus, le niveau de vie plafond des 30 % les plus modestes est proche aux Antilles et à La Réunion et se situe environ un tiers en deçà de celui de la métropole. Pour la Guyane, il lui est inférieur de plus de 50 %. Trois personnes sur dix ont un niveau de vie inférieur à 950 euros par mois aux Antilles, 850 euros à La Réunion et à 640 euros en Guyane, contre 1 340 euros en métropole.
Les écarts se réduisent en revanche pour les hauts revenus. Les 10 % des personnes les plus aisées ont un niveau de vie supérieur à 2 800 euros par mois dans les DOM historiques (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion), comme en métropole. Mayotte se démarque : seuls 10 % des habitants perçoivent plus de 1 800 euros par mois et 3 % plus de 3 000 euros par mois. Couplé à cela, une situation économique déjà fragile mais que la crise sanitaire a rendue plus fragile, avec comme épée de Damoclès une réelle crise sociale faite de fermeture d'entreprises, donc une réelle menace sur l'emploi local.
Autre source de ressentiment des peuples d'Outremers et singulièrement des Antilles-Françaises. A savoir la Guadeloupe et la Martinique : la mauvaise gestion de la crise Covid et toutes les conséquences que cela a entraîné est certainement la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le confinement, la suspension des soignants, l’envoi du GIGN, le transfert des grands frères en France hexagonale pour être jugés, le problème de l’eau, la vie chère etc.., ont été des éléments négativement appréciés par ces mêmes populations qui attendaient de l’État beaucoup plus de compréhension.
Rajoutons à cela, l'épineuse affaire du Chlordécone du nom de ce pesticide employé entre 1973 et 1993 par les agriculteurs de la banane et dont le dossier pourrait bien s'orienter vers un non-lieu qui ne passe pas auprès de la population. Pour rappel, le scandale sanitaire a débuté en 2002, avec l’arrivée des patates douces de Martinique au port de Dunkerque. L'analyse confirmant la présence de Chlordécone dans les tubercules a rendu l’affaire publique. Sans aucune hésitation, au nom de la santé de la population française, elles ont été détruites. Cette révélation marque le début de la médiatisation du scandale sanitaire. Ainsi, après des années de silence de déni et plusieurs procédures, ce n'est qu'à partir de l'année 2019 que le gouvernement par la voix du président Emmanuel Macron a finalement reconnu ses erreurs dans ce dossier. 95% des guadeloupéens et 93% des martiniquais seraient positifs au chlordécone et les terres quant à elles sont polluées pour 700 ans. La colère est bien là.
Par ailleurs, comme le rappellent Hugues Pagesy dans 97land, ce n’est pas seulement l’État qui est en cause, ce sont tous les élus qu’ils soient sénateur, député, maire, président de conseil départemental ou général. Leur indifférence face à la situation délétère de certains de ces territoires et leur absence totale d’initiative à porter assistance à des administrés en souffrance au quotidien, ont fait naître une révolte dont les conséquences se sont manifestées dans les urnes.
Autant de situations qui donnent l'impression à ces populations qu'elles sont des citoyens de seconde zone, alors que la République dans ses principes fondateurs, parle d'égalité. La tâche sera rude pour un Emmanuel Macron jugé là aussi comme arrogant voire même très méprisant vis-à-vis des français de l'Outremer. Un président qu'ils ont élu massivement mais une fois élu, n'est jamais (re)venu à leur rencontre.
En France Hexagonale comme dans les Outremers, nul ne souhaite que le président ne garde les pleins pouvoirs. Les législatives approches seront donc déterminantes et on pourrait bien voir une cohabitation avoir lieu.
Deux autres enquêtes penchent elles aussi très nettement vers une cohabitation pour ce second quinquennat d'Emmanuel Macron. La première, menée par OpinionWay pour Cnews et Europe 1, indique que 63% des personnes sondées préfèrent que le chef de l'Etat "ne dispose pas d'une majorité et soit contraint à une cohabitation", contre 35% qui souhaitent qu'il "dispose d'une majorité à l'Assemblée nationale et puisse mener sa politique". Le détail des chiffres corrobore l'enquête Ifop : 95% des électeurs de Marine Le Pen, 84% de ceux d'Eric Zemmour, 77% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, 63% de ceux de Yannick Jadot et 55% de ceux de Valérie Pécresse préfèrent voir Macron échouer aux législatives de juin. OpinionWay a aussi sondé son échantillon sur le Premier ministre de cohabitation souhaité : 46% pencheraient pour Marine Le Pen et 44% pour Jean-Luc Mélenchon, alors que seuls 8% préfèreraient Valérie Pécresse.
Dernière enquête du genre publiée au soir du second tour : un sondage Ipsos Sopra-Steria pour France TV, Le Parisien et Radio France, est plus mesuré. Mais la majorité (56%) des sondés répondent eux aussi qu'ils souhaitent qu'Emmanuel Macron perde les législatives, contre 24% qui préfèrent une victoire pour "éviter une cohabitation" et 20% qui la souhaitent "pour appliquer son programme". Les tendances restent les mêmes, à quelques écarts près, avec 87% d'électeurs de Marine Le Pen favorables à une défaite, 84% de ceux de Jean-Luc Mélenchon, 80% de ceux d'Eric Zemmour, 49% de ceux de Yannick Jadot et 40% de ceux de Valérie Pécresse. A noter : 57% des personnes interrogées se disent favorable, à l'occasion des législatives, à une alliance des partis de gauche (LFI, EELV, PCF et PS), dont 93% d'électeurs de Jean-Luc Mélenchon et 85% de ceux de Yannick Jadot.
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