En Guyane, René Maran, à l'honneur toute l'année .
- ELMS
- 20 janv. 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 févr. 2021
René Maran, un nom qui résonne encore dans l'histoire de la littérature française, pour avoir été le premier auteur noir avoir recevoir le Prix Goncourt, c'était en 1921. L'homme de lettre est mis à l’honneur pendant toute une année par la CTG à partir de ce jour, mercredi 20 janvier. De nombreux évènements culturels seront organisés tout au long de l'année.

Il a marqué l'histoire de littérature française et plus spécifiquement l'histoire des Outre-mer à travers ses récits mais surtout en devenant le premier auteur noir à remporter le prestigieux Prix Goncourt, en 1921 pour son ouvrage BATOUALA.
Dans la préface de “Batouala” qui obtient le prestigieux prix Goncourt en 1921, le Guyanais dénonce l’attitude et les abus de l’administration coloniale auprès des peuples d’Afrique, les rapports conflictuels, le racisme blancs/noirs. L’écrivain accuse la civilisation européenne de “bâtir son royaume sur des cadavres”. Le livre fût un véritable succès mais est très mal vu par l'administration coloniale, qui interdit le roman dans les colonies et René Maran est obligé de démissionner.
Interviewé à la radio en 1962, René Maran explique sa démarche :
"Quand j’écris "Batouala", j’ai voulu montrer l’Afrique telle que je la voyais. On a contesté avec âpreté et méchanceté tout ce que j’avais dit et pour démontrer que je m’étais trompé, on a étudié ce que j’avais vu. On a été obligé de dire que je disais la vérité. "Batouala" montre l’Afrique du temps des Européens".
L'homme de lettre est mis à l’honneur pendant toute une année par la CTG à partir de ce jour, mercredi 20 janvier. De nombreux évènements culturels seront organisés tout au long de l'année.

Qui était René Maran ?
Né le 5 novembre 1887, sur un bateau qui emmenait ses parents guyanais à Fort-de-France en Martinique. Ses parents, partis au Gabon (où son père, Léon Herménégilde Maran, occupait un poste administratif colonial), le mettent en pension, dès l'âge de sept ans, au lycée de Talence puis au lycée Michel de Montaigne de Bordeaux. Il y rencontre Félix Éboué.
Il débute sa carrière littéraire en 1909 dans la revue lilloise de Léon Bocquet : Le Beffroi. En 1910, après des études de droit, il quitte Bordeaux et poussé par son père, il intègre l'administration coloniale.. En 1912, il devient administrateur d’Outre-mer en Oubangui-Chari aujourd'hui, la Centre-Afrique. C'est à partir de ce moment qu'il commence la rédaction de ce qui fera sa notoriété, " Batouala", du nom d’un grand chef du pays banda (République centrafricaine). Livre qu'il publie en 1921. Batouala raconte la vie d'un grand chef du pays des Bandas, en Centrafrique, qui s'inquiète notamment de l'enrôlement de soldats noirs au sein de l'armée française, dans un conflit absurde entre Européens, entre « Blancs frandjés » et « Blancs zalémans ». René Maran décrit sans manichéisme la cruauté et la méchanceté des colons, comme les vices des tribus africaines,
Dès sa parution, le livre fait scandale puisque l'auteur s'applique à démontrer les rapports complexes et souvent violents entre les noirs et les blancs, et le racisme pesant sur les Africains sous l'autorité des institutions coloniales. Il dénonce la vente des femmes, les conditions de vie des Africains colonisés et leur famine, ainsi que l'attitude des colons à leur égard. Un propos qui fait scandale à l'époque. Fort heureusement, cela ne l'empêche pas de remporter le Prix Gongourt. Devenant ainsi, le premier écrivain noir à remporter le célèbre prix littéraire. Une première dans un monde qui se remettait de la 1ère Guerre Mondiale et en pleine colonisation. L'annonce de sa consécration par le prix Goncourt suscite un tollé dans la presse
Le Petit Parisien a notamment décrit cette victoire en ces termes, inimaginables aujourd'hui : "M. René Maran, administrateur colonial, domicilié à Fort-Archambault, à deux journées de marche du lac Tchad, au milieu de Noirs qui lui ressemblent comme des frères, a reçu hier le prix Goncourt. (….) Depuis l'année 1903, époque où fut décerné le premier prix Goncourt, c'est la première fois que les Noirs jouent et gagnent. (…) Sa qualité de nègre (…) a séduit les dix de l'Académie Goncourt épris de couleur et d'étrangeté."

De retour à Paris, l’écrivain guyanais se consacre à la littérature et au journalisme. Il fréquente régulièrement le salon littéraire de Paulette Nardal à Clamart. C’est lors de ces rendez-vous qu’il croisera les piliers du mouvement de la négritude comme le Sénégalais, Léopold Senghor, le Martiniquais Aimé Césaire, le Guyanais Léon Gontran Damas ou encore l’Haïtien, Jean Price Mars.
L’auteur publie “Le Cœur serré” (1931), un roman autobiographique sur les difficultés d’un jeune homme déraciné. Ses romans et ses nouvelles ont souvent pour thème l’Afrique : “Asepsie noire!” (1931), “Le livre de la brousse” (1934), “Livingstone et l’exploration de l’Afrique” (1938), “1941: Brazza et la Fondation de l’A.E.F” (1941), “Un homme pareil aux autres” (1947).
L’écrivain reçoit de nombreux prix pour ses œuvres comme le prix Broguette-Gonin de l’Académie Française, le prix des Gens de Lettres, le prix de l’Outre-mer ainsi que le prix de la Poésie de l’Académie Française. L’un de ses derniers ouvrages publiés est une biographie de son compatriote Félix Éboué (1884-1944), “Grand Commis et Loyal Serviteur” (1957). René Maran y retrace l’itinéraire et la personnalité de son grand ami qu’il a rencontré durant ses études à Bordeaux, une amitié sincère et complice.
L’œuvre de René Maran a inspiré de nombreux écrivains. Grâce au travail du Guyanais dénonçant les dérives du système colonial français, André Gide dans "Voyage au Congo" (1927) puis Albert Londres dans "Terres d’ébène" (1929) sont parvenus au même constat que le prix Goncourt.
Tout au long de sa vie, il a entretenu des correspondances avec ses amis Félix Eboué, Philéas Lebesgue ou encore Manoel Gahisto. René Maran poursuit sa vie à Paris, où il écrira bien d'autres romans, mais aussi des poèmes. L'écrivain a également fréquenté le salon de Paulette Nardal à Clamart, où il a pu faire la connaissance de Léopold Senghor, Aimé Césaire ou encore Jean Price Mars, qui le considéraient comme le précurseur du mouvement de la négritude. L’écrivain est mort à Paris le 9 mai 1960.
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