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En France, seules 8 % des victimes d'inceste ont été crues et protégées. En Outremer, silence imposé

En France, les cas d'incestes sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le pense car, nombreuses sont les victimes qui préfèrent garder le silence par peur de ne pas être crues, écoutées et accompagnées comme il se doit. Lorsque certaines osent faire le pas, bien souvent, elles ne sont pas crues déjà par leurs proches mais surtout par des professionnels chargés de le faire. La Commission Inceste a publié, ce jeudi 21 septembre 2023, une analyse des 27 000 témoignages reçus en deux ans. Elle affirme que seules 8% des victimes d'incestes ont été crues et protégées. En Outremer, c'est le silence qui est préconisé.



Ce n'est pas la première fois que nous abordons ce sujet lourd et difficile. Il y a un an, nous donnions la parole à Reine, une grand-mère et mère de cinq enfants de 64 ans bien sous tous rapports mais qui renfermait un profond secret. Celui, d'avoir été abusée sexuellement durant toute son adolescence par son beau-frère, le mari de sa soeur aînée. Elle n'avait alors que douze ans. Les faits se sont arrêtés quand elle a eu dix-sept ans au moment où elle est tombée enceinte de son bourreau. Des abus sus par sa soeur et ses enfants. Dans ce cercle familial restreint, elle passe du statut de victime à coupable d’avoir réveillé les pulsions du mari de sa sœur et donc d’avoir brisé leur mariage. Nous partageons de nouveau son témoignage avec vous.





Comme Reine, nombreuses sont les personnes, (hommes comme femmes) qui ont été violés ou ont subi des attouchements de la part d'un proche, (père, mère, frère, soeur, oncle, tante, cousin, beau-frère, ou grand-père) et qui gardent le silence pendant de très nombreuses années. La parole se libère que lorsque le corps, ne supporte plus le poids du silence et de la culpabilité. Oui, c'est ce sentiment que ressentent en général les victimes. Autre sentiment qui les envahi, la peur. Oui, la peur de briser le cercle familial. Malheureusement, ces personnes sont des victimes et elles doivent vivre avec le poids de la violence qui a été exercée. Il faut dire qu'en général, le violeur exerce une forme d'emprise par la menace


Bien souvent anciennes, la souffrance reste malgré tout présente et vive pour celui ou celle qui a eu a les subir. Du point de vue des conséquences, elles sont nombreuses : dépressions récurrentes, tentatives de suicide, addictions à l’alcool aux drogues, troubles du sommeil, troubles alimentaires, stratégie d’évitement. De plus, les violences sexuelles vécues dans l’enfance ont aussi une incidence sur la vie de famille, le travail ou même dans l’intimité sentimentales ou sexuelles des victimes. Ainsi, quatre femmes sur dix rapportent des douleurs, notamment du vaginisme. Un homme sur trois ont des troubles de l’érection. Trois victimes sur dix rapportent une absence totale ou une baisse de libido ce qui peut entraîner une absence de vie sexuelle. Par ailleurs, beaucoup de femmes ayant subi des violences sexuelles dans la famille n’ont pas pu avoir d’enfants.


L’institut National des enquêtes démographiques à travers sa récente étude datée de 2020 et menée auprès de 27 000 personnes âgées de 20 à 69 ans affirme que 6,7 millions de Français(çaises) affirment avoir déjà été victime d’Inceste. Selon cette enquête, un homme sur huit (13%) et près d’une femme sur cinq ( 18%) affirment avoir subi des violences psychologiques, physiques ou sexuelles, y compris l’inceste au sein de la sphère familiale, avant d’atteindre l’âge de 18 ans. Plus de 4% des femmes disent avoir subi des violences sexuelles au sein de leur famille et dans l'entourage proche, contre 1% des hommes. 1,5 % des filles subissent des viols ou tentatives de viols, pour 0,3 % des garçons.


D’après un sondage IPSOS daté de 2020, l’association Face à l’Inceste a déclaré qu’un Français sur dix avoue avoir été victime d’inceste, soit 6,7 millions de personnes. 32% des personnes sondées connaissent au moins une victime d’inceste. 23% confirment connaître une ou plusieurs victimes d’agressions sexuelles perpétrées par un membre de leur famille durant l’enfance. Tandis que 29% disent l’avoir été eux-mêmes. Selon le sondage, 46% des personnes interrogées connaissent donc un ami (une amie) ou une connaissance. 29% avoue l’avoir été elle-même, 28% ont connaissance d’une personne de leur famille l’a été. 9% ont évoqué les violences qu’ont subi leur conjoint. 9% sont les enfants d’un père ou d’une mère victime d’inceste.


Bien souvent, les femmes sont les plus exposées aux violences sexuelles au sein de la famille. En effet 78% des victimes sont des femmes et 22% des hommes.


En une décennie, les chiffres de l’inceste ont triplé, sans doute, le fruit d’une libération de la parole dû au mouvement #Meetoo. Il est vrai qu’en 2009, seuls 2 millions de français(çaises) avouaient avoir été victimes. En 2015, ils étaient 4 millions à parler de leurs abus. En 2021, on parle donc de 6,7 millions de Français(çaises) victimes d’inceste.

Sur le plan du droit, deux avancées ont été enregistrées ces dernières années. En 2016, sous la pression des associations de victimes, le mot inceste fait son entrée dans le code pénal. Il désigne les viols et agressions sexuelles commises sur un mineur par un ascendant, un frère ou une sœur, mais aussi par un oncle, une tante, un neveu ou une nièce « si cette personne a sur la victime une autorité de droit ou de fait ». Sont également concernés les conjoints concubins ou pacsés de ces adultes ainsi que le tuteur ou la personne ayant l’autorité parentale. L’inscription a surtout un effet symbolique ; la loi sanctionnait déjà, avant cette date, les relations sexuelles au sein de la famille. De plus, en 2021, le président Emmanuel Macron a décidé de créé la Commission Indépendante sur l'inceste et les violences seuxelles faites aux enfants ( CIIVISE). En moins d'un an, elle avait

a recueilli plus de 16 414 témoignages de victimes.


Cette commission est là pour « accompagner un changement de société, pour permettre à la France de s’engager de manière déterminée pour une protection des mineurs, par l’instauration d’une culture de la prévention et de la protection. » Comme elle l'indique sur son site, cette mission doit répondre à deux impératifs :

  • D’une part, permettre à des adultes victimes dans leur enfance ainsi qu’à leurs proches de témoigner pour protéger les enfants d’aujourd’hui et de demain par la mise en œuvre d’un numéro d’appel, l’écoute de victimes par la commission et/ou par les permanents de la commission et la diffusion d’un questionnaire élaboré par la commission ;

  • D’autre part, proposer aux victimes un accompagnement et une orientation adaptés à leur situation.

De plus, la Commission a deux objectifs clairs. Celui, 1) de faire connaître et faire connaître l’ampleur des violences sexuelles faites aux enfants et leurs mécanismes et y sensibiliser la société ainsi que les professionnels au contact des enfants mais aussi, 2) / Formuler des recommandations pour renforcer la culture de la prévention et de la protection dans les politiques publiques.


Pour ce faire, elle recueille des données quantitatives et qualitatives sur les violences sexuelles sur mineurs, leurs ressorts et leurs conséquences, notamment traumatiques sur la santé des victimes ; analyse et évalue les mécanismes à l’œuvre, leur évolution dans le temps mais également les réponses actuellement apportées aux victimes. Une attention particulière est apportée aux mécanismes des violences sexuelles lorsque les agresseurs sont mineurs. Ainsi que sensibiliser le jeune public sur la question mais aussi les professionnels qui sont en contact avec les mineurs victimes. Par ailleurs, elle vise aussi à renforcer la prévention des violences sexuelles faites aux enfants, mieux protéger et accompagner les victimes ; mieux sanctionner les agresseurs et améliorer leur prise en charge.

Un nouveau rapport de la CIIVISE a été publié et il est effroyable.


En effet, lors de son appel à témoignages lancé le 21 septembre 2021, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a réussi à recueillir 26 949 témoignages recueillis, dont 12 750 par téléphone, 4575 par courrier ou courriel et 8969 sur son site internet. 755 personnes se sont également confiées lors de réunions publiques organisées à travers la France et on sait qu'une réunion d'écoute a eu lieu jeudi à Paris.


Selon le dit rapport, la commission révèle qu'au total, 160.000 mineurs seraient victimes de violences sexuelles chaque année en France. Et dans la majorité des cas, ils ne seraient pas crus, ni écoutés, ni protégés.

Seulement 8% des victimes qui ont osé en parler plur dénoncer les faits ont reçu un « soutien social positif » Comme elle le souligne elle-même, la façon dont un enfant victime de violence sexuelle a été écouté, cru et protégé a un impact sur les troubles qui l'affecteront tout au long de sa vie: toxicomanie, alcoolisme, troubles alimentaires, sexualité, violences conjugales, délinquance, pathologies "inexpliquées". A l'inverse, lorsque le confident (parent, assistance sociale...) rejette la faute sur elles, les victimes développent plus de comportements d’autodestruction. Des addictions (drogue, alcool, médicaments) sont rapportées par quatre victimes sur dix (contre une sur quatre des victimes qui ont été protégées).


Dans la majorité des cas, ils ne seraient pas crus, ni écoutés, ni protégés. "Dans seulement 8% des cas, il y a eu un soutien des personnes qui ont entendu ces paroles, et qui ont dit 'je te crois, je te protège", a témoigné Arnaud Gallet, membre de la Ciivise, au micro de RTL jeudi 21 septembre 2023. "Notre objectif, c'est que l'on passe de 8% à 100%". [...] Les constats sont atroces, terribles, protégeons les enfants aujourd'hui et protégeons également les victimes d'hier." Invité sur Franceinfo jeudi 21 septembre 2023, le juge Edouard Durand, co-président de la Ciivise, indique que "seulement 3% des plaintes pour viols sur mineurs donnent lieu à la condamnation du mis en cause".


Qui plus est, un enfant sur deux n'aurait pas été mis en sécurité ni bénéficié de soins, selon les témoignages recueillis.


Même constat terrifiant du côté des professionnels : si seulement 15% des mineurs se confient à un professionnel, près de 6 professionnels sur 10 n’ont pas protégé la victime à la suite de la révélation des violences, soit 58% précisément. Et lorsque le confident est alerté de la situation, dans près de 50% des cas réunis, il ne sécurise pas l'enfant. A contrario, il lui demande de ne pas en parler (27%) et rejette même la faute sur lui (22%). Toujours au micro de FranceInfo, Edouard Durand a incisté que l'inceste "n'est pas qu'une affaire privée, une somme ahurissante d'histoires privées. C'est un problème collectif, d'ordre public, de santé publique".


Les mères dans un « piège »


Lorsque le confident a pris des décisions pour mettre l’enfant en sécurité, il s’agissait, dans 70% des cas, des mères. Or, signale la Ciivise, ces mères sont prises dans un « piège » : elles sont coupables de « négligence » ou « complicité » si elles n’alertent pas les institutions. Mais si elles saisissent la justice, elles sont parfois accusées de mensonges et de manipuler leur enfant. Quand ces mères osent dénoncer l'adulte coupable, qui est généralement le conjoint, l'ex mari, la justice leur ordonne même de continuer à envoyer l'enfant chez le père coupable pour faire les week-ends ou les vacances scolaires.


Comme Sarah Kadi qui témoigne dans "Un silence si bruyant", documentaire diffusé dimanche sur M6: les autorités l'ont forcée pendant quatre ans à remettre sa fille à son père, qu'elle accusait d'agression sexuelle, pour les weekends et les vacances... jusqu'à ce que le père soit arrêté pour tentative de viol sur une mineure. Pendant quatre ans, la fillette a continué de subir des agressions, en se taisant.


Et les Antilles-Guyane dans tout ça ?



Aux Antilles-Guyane et plus généralement dans les territoires d'Outre-mer, peu osent briser le silence pour dénoncer celui ou celle qui les a brisés à tout jamais. Ils sont nombreux à souffrir dans leur chair. Contrairement aux apparences, nombreuses sont ces personnes qui ont été la proie d’un bourreau, bien souvent membre de la famille et qui pourtant, par peur de représailles, de voir se briser le noyau familial. Puis, les années passent, le silence devient pesant voire étouffant. Des années de silence qui se transforment en enfer pour les victimes dont le malheur a été de naître, côtoyer ou de grandir avec ce bourreau qui leur était si proche.


Les raisons de ce silence ou du moins de cette sous-représentation des victimes ultramarines dans les statistiques nationales sont là encore diverses. Pour les sociologues et même les psychologues reposent sur premièrement le poids familial qui est beaucoup plus fort que dans l’Hexagone avec une proximité effective entre la victime et son agresseur du fait de l’étroitesse du territoire et des liens familiaux. La personne agressée peut donc craindre de voir se briser sa famille au cas où elle parlerait. Comme le soulignait dans son rapport à l’Assemblée Nationale, Josette Augustin : “ dans les territoires étroits et fermés, l’anonymat est difficile, les femmes n’osent pas porter plainte pour violences conjugales ou pour des faits d’inceste, de peur d’être stigmatises par le voisinage, l’entourage ou les amis.


D’autre part, le poids de la religion qui est fortement ancrée dans les mœurs locales, une religion vectrice de morale sociale avec des valeurs de respect envers son père, sa mère et les autres membres de la famille, sans oublier les idées véhiculées par des préceptes magico-religieux. De plus, dans certaines familles, l’inceste est même en héritage au sens où, il se transmet sur plusieurs générations au point qu’il en devient banal. Toutefois la douleur est bien présente pour celui ou celle qui l’a vécu. Quelques-uns(es) sortent du silence et parlent mais ils sont bien peu nombreux.


Quel avenir pour la Commission ?


La Ciivise, dont le mandat prend fin en décembre, souhaite continuer à façonner une politique publique de protection réelle des enfants. Un adulte sur 10 a été victime de violences sexuelles dans l’enfance, selon elle.


Dans une tribune publiée début septembre, une soixantaine de personnalités –dont Camille Kouchner, Emmanuelle Béart ou Christine Angot– ont réclamé son maintien. Une pétition sur MesOpinions.com a dépassé 17 000 signatures. « Je souhaite un maintien de l’élan. Mais sous quelle forme ? Le président de la République recevra le rapport final de la Ciivise en novembre et les arbitrages seront alors rendus », répond la secrétaire d’État à l’Enfance Charlotte Caubel, tout en saluant la qualité du travail de la Ciivise.




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