Elisabeth Borne : Après 30 ans, retour d'une femme à la tête du Gouvernement !
- ELMS
- 16 mai 2022
- 8 min de lecture
Après sa réélection au soir du 24 avril dernier, Emmanuel Macron laissait planer le doute sur le successeur de Jean Castex. Les rumeurs prétendaient qu'une personne assimilée à la gauche et surtout une femme occuperait ce poste qui revient par tradition à un homme. Sans surprise, Elisabeth Borne, ancien ministre ministre du Travail mais aussi ministre du Transport qui devient le nouveau premier ministre. Une nomination qui divise tant à gauche qu'à droite.

Il nous aura fait attendre près de trois semaines pour connaître le nom de son premier ministre. Cela relevait limite du secret défense. A chacun de ses déplacements, lorsqu'on lui posait des questions sur le futur remplaçant de Jean Castex, il restait plutôt vague. Affirmant qu'il avait déjà une idée de qui cela pouvait être mais il ne disait pas plus.
D'autre part, les rumeurs prétendaient qu'une personne assimilée à la gauche et surtout qu'une femme occuperait ce poste qui revient par tradition à un homme. Les mêmes rumeurs affirmaient qu'il s'agissait d'Elisabeth Borne, la fidèle parmi les fidèles dans les différents gouvernements Philippe et Castex.
Après plusieurs jours de flottement, ce sera donc, sans surprise Emmanuel Macron a nommé Elisabeth Borne ancien ministre ministre du Travail mais aussi ministre du Transport qui est devenue le nouveau premier ministre.
Elle a été chargée de nommer un nouveau gouvernement, qui devrait être annoncé dans les prochaines heures (ou plus vraisemblablement, dans les prochains jours). « Il faut agir plus vite et plus fort » face « au défi climatique et écologique », a réagi Elisabeth Borne lors de la passation de pouvoirs avec Jean Castex. Elisabeth Borne a dédié sa nomination « à toutes les petites filles »
A 61 ans, cette diplômée de l'École nationale des Ponts et chaussées et de Polytechnique, haute fonctionnaire, se définit elle-même comme "une femme de gauche" avec "la justice sociale et l'égalité des chances" au centre de ses combats. La technicienne spécialiste des transports passée par la SNCF et la RATP a été l’un des « piliers » du précédent mandat d’Emmanuel Macron. Ministre des Transports, de la Transition écologique puis du Travail, cette ancienne préfète de la région Poitou-Charentes a longtemps fait ses armes politiques aux côtés de personnalités de gauche. a construit son parcours politique dans le sillage de personnalités socialistes. Conseillère auprès de Lionel Jospin puis de Jack Lang dans les années 90, elle a ensuite collaboré avec Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo entre 2008 et 2013 comme directrice générale de l’urbanisme à la mairie de Paris.
Jamais encartée au Parti socialiste comme l'indiquait Libération dans un portrait réalisé en 2018, Elisabeth Borne renoue en 2014 avec des responsabilités gouvernementales en prenant la tête du cabinet de Ségolène Royale, alors ministre de l’Ecologie.
Le nouveau Premier ministre est la deuxième femme nommée à Matignon sous la Ve République, trente ans après Edith Cresson de mai 1991 à avril 1992. Malgré ce fait, sa nomination fait déjà grincer des dents tout azimut. Les principaux chefs de mouvements politiques ont réagit sur leurs réseaux sociaux :
Pour Jean-Luc Mélanchon : La nouvelle Première ministre est « parmi les figures les plus dures de la maltraitance sociale » dans la macronie, a dénoncé lundi 16 mai Jean-Luc Mélenchon, qui espère être nommé à Matignon si la Nouvelle union de la gauche (Nupes) remporte les législatives de juin. « Sa nomination commence dès les premiers instants par une tentative de tromperie, Mme Borne serait une femme de gauche, mais nous ne lui accordons pas ce label [...] Elle personnellement responsable qu’un million de chômeurs aient leur allocation baissée », et souligné qu’elle s’était « prononcée pour la retraite à 65 ans ». »
L’ancienne candidate RN à la présidentielle Marine Le Pen a dénoncé quant à elle la « poursuite de la politique de mépris, de déconstruction de l’État, de saccage social » d’Emmanuel Macron avec la nomination de l’ex-ministre du Travail Élisabeth Borne comme « Premier ministre ». « En nommant Élisabeth Borne comme Premier Ministre, Emmanuel Macron démontre son incapacité à rassembler et la volonté de poursuivre sa politique de mépris, de déconstruction de l’État, de saccage social, de racket fiscal et de laxisme », a twitté la finaliste de la présidentielle, faisant notamment allusion à la réforme de l’assurance chômage durant le précédent quinquennat.
Fabien Roussel, député PCF du Nord et ancien candidat à la présidentielle, a déclaré sur Twitter : « Privatisation et mise en concurrence de la SNCF et de la RATP, réforme de l’assurance chômage au détriment de plus d’1 million d’allocataires, fossoyeuse de Fessenheim : avec Elisabeth Borne, Macron a trouvé sa Mme Thatcher. La technocratie au service de l’argent roi. »
Olivier Faure, patron du PS, pour sa part, a tweeté : « Point positif, une femme PM. Pour le reste… Nomination de la ministre des Transports qui a démantelé le service public ferroviaire, de l’Ecologie condamnée pour inaction climatique, du Travail qui a spolié les chômeurs avec la réforme de l’assurance chômage #BorneOut ».
Le scepticisme est également très fort du côté des écologistes dont le secrétaire national n'a pas hésité à épingler le bilan du nouveau premier ministre, anciennement ministre de l'écologie et dont le bilan à ce ministère est plutôt mitigé.
Julien Bayrou secrétaire national d’EELV, a déclaré : « ne peut que se réjouir de voir, pour la seconde fois dans l’histoire de la cinquième République, une femme accéder à Matignon » mais « Élisabeth Borne, que ce soit en tant que ministre de l’Écologie ou Ministre des Transports, a échoué à mettre la France sur la trajectoire nécessaire pour respecter l’Accord de Paris. Elle partage, avec d’autres, la responsabilité de ces cinq ans de perdus pour le climat, et en tant que ministre du Travail, elle a perpétué une politique brutale à l’égard des personnes les plus vulnérables dans le pays ».
Seule Valérie Pécresse, ancienne candidate LR à la présidentielle, s’est réjouie de la nomination : « Toutes mes félicitations républicaines à Élisabeth Borne. Elle a incontestablement le parcours d’engagement nécessaire pour devenir la 2e femme Premier ministre de notre pays. Je lui souhaite le meilleur pour la France. »
Mais que retenir du bilan d'Elisabeth Borne aux différents ministères :
- Au ministère des Transports :
Tout d'abord, avant d'être ministre du Travail, la polytechnicienne a aussi été ministre du transport lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Elle s'attèlera à la première réforme d'envergure du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, la réforme ferroviaire pour préparer la SNCF à la concurrence. Avec la fin de l'embauche des cheminots au statut. Conséquence des semaines de grève qui finissaient en émeute dans les rues de Paris au printemps 2018 et des séance de négociations très compliquées avec les syndicats des cheminots.
Par ailleurs, en juillet 2019, elle annonce la mise en place d'une « écotaxe » d'un montant de 1,50 à 18 euros sur les billets d'avion à partir de 2020 pour tous les vols au départ d'aéroports français, sauf pour les vols en correspondance et ceux vers la Corse ou les territoires français d'outre-mer : celle-ci doit rapporter 182 millions d'euros à partir de 2020, destinés à des investissements pour des infrastructures de transports plus écologiques, notamment le ferroviaire. Elle est votée en octobre 2019 par l'Assemblée nationale et intégrée à la taxe de solidarité sur les billets d'avion créée en 2005. Cependant, selon Les Décodeurs du Monde, « rapportée au montant d’un billet pour se rendre à l’autre bout de l’Europe ou du monde, cette taxe représente une faible contribution » et « un montant trop faible pour avoir un effet »
- Bilan au Ministère de l'écologie :
Question environnement. Là encore, le bilan est plutôt mitigé. Elisabeth Borne n’a passé qu’une petite année à la tête du ministère de la Transition écologique et solidaire, sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Elle a succédé à François de Rugy en juillet 2019 après la démission de celui-ci, puis a laissé sa place à Barbara Pompili en juillet 2020, pour aller au ministère du Travail.
Nommée Le 16 juillet 2019, quelques heures après la démission de François de Rugy, , qui a dû démissionner pour « dépenses excessives » le 16 juillet 2019, ou encore de Nicolas Hulot, qui a quitté le navire gouvernemental à la fin d’août 2018, jugeant la politique écologique du gouvernement d’Edouard Philippe trop timide. Elle n'est pas ministre d'État, contrairement à ses deux prédécesseurs et conserve dans un premier temps le plein exercice de ses attributions sur le portefeuille des Transports.
Alors que, depuis le début de la présidence d'Emmanuel Macron, les ministres peuvent disposer au maximum de dix collaborateurs au sein de leurs cabinets, elle en obtient quinze. Elle emmène avec elle la quasi-intégralité de son cabinet au ministère des Transports, et conserve Cyril Forget, jusqu’alors directeur adjoint de cabinet de François de Rugy, ainsi que trois conseillers du pôle « transition écologique » de François de Rugy. Jack Azoulay et Baptiste Perrissin-Fabert, les deux directeurs de cabinet d’Emmanuelle Wargon et Brune Poirson, sont également directeurs de cabinet adjoints d’Élisabeth Borne.
« Largement reconnue, dans ses rangs comme en dehors, comme une ministre qui maîtrise ses dossiers et sait les mener à terme », mais relève « son manque de poids politique » elle entame l'exercice de sa fonction avec la défense au Parlement du projet de loi énergie-climat, commencée par François de Rugy. Malgré sa bonne volonté, la ministre a dû se heurter aux priorités économiques du gouvernement et donc les rétropédalages du président Macron.
Bilan au ministère du travail :
Si on revient à son tout récent poste de ministre du Travail, fonction qu'elle a occupée à partir de juillet 2020, en plein cœur de la crise sanitaire, Elisabeth Borne a été l’un des membres du gouvernement propulsés en première ligne durant la pandémie en participant au déploiement des aides Covid notamment le "bouclier anti-licenciement" du chômage partiel dont ont bénéficié des millions de salariés. Avec un résultat globalement positif puisque le taux de chômage était fin 2021 (7,2%) proche de son niveau d’avant-crise (7,1%) après avoir fortement augmenté au début de la crise du Covid-19 (8,8% au troisième trimestre 2020).
Tout au long de la pandémie, c’était aussi le ministère dont elle avait les manettes qui était chargé d’élaborer le protocole sanitaire en entreprise, révisé à de multiples reprises en fonction de l’évolution épidémique, et de battre le rappel sur le télétravail, jusqu’à le rendre obligatoire.
Toutefois, en tant que ministre du Travail, elle a été même fortement décriée pour les nombreuses réformes qu'elle a fait voter. Et pour cause, au-delà de la crise sanitaire, Elisabeth Borne a dû gérer dès son arrivée rue de Grenelle le très contesté dossier de la réforme de l’assurance chômage lancée en 2019. Unanimement dénoncée par les syndicats, cette réforme a durci les règles d’accès à l’indemnisation chômage et abouti à une baisse de l’allocation pour certains demandeurs d’emploi qui la touchent malgré tout "plus longtemps" qu'auparavant, se défendait la ministre. Présentée en mars 2021 dans une version "adaptée" à la crise, la réforme est pleinement entrée en vigueur en décembre, après avoir été un temps suspendue.
A son actif également, le plan "Un jeune, une solution" présenté dès juillet 2020 qui a mobilisé une palette de dispositifs pour l'emploi, dont des aides massives à l'apprentissage, pour éviter une "génération sacrifiée". Un plan qui, en complément de la réforme de l’apprentissage de 2018, a produit ses effets: 718.000 contrats d’apprentissage (+148% par rapport à 2017) ont été signés en 2021 dans le privé et le public. Un record.
Plus récemment, Elisabeth Borne a été chargée de défendre le Contrat d’Engagement Jeune lancé le 1er mars 2022 dans la continuité du plan "1 jeune, 1 solution" pour aider les jeunes éloignés du marché du travail. Si l’opposition de gauche réclamait une ouverture du RSA aux moins de 25 ans, Emmanuel Macron s’y est toujours opposé, préférant un dispositif d’allocation versée sous condition de respecter certains engagements dans la recherche d’emploi.
En novembre, la ministre du Travail défendait "un système de droits et devoirs dans lequel on veut un accompagnement intensif de bout en bout". "Mieux vaut un emploi que des allocations", avait-elle déclaré dans la presse régionale.
Elisabeth Borne aurait aussi dû se frotter à l’explosif dossier des retraites dont elle avait hérité lors de son arrivée rue de Grenelle. Mais le projet avait été supprimé en raison de la crise sanitaire. Ce n’est que partie remise pour la nouvelle Première ministre puisque la réforme proposée par Emmanuel Macron, bien qu’elle n’a plus rien à voir avec celle du premier mandat, s’annonce comme l’un des chantiers les plus difficiles de ce second quinquennat.
Elisabeth Borne a désormais de nombreux dossiers sur sa table, à commencer par la réforme des retraites. Elle devra aussi gérer la dégradation du pouvoir d’achat, en raison la flambée de l’inflation. Malgré un « bouclier tarifaire » énergétique de plus de 26 milliards d’euros mis sur la table (gel des tarifs de gaz et d’électricité, indemnité inflation, remise carburant, etc.), la pression sur les prix, en particulier alimentaires, risque de continuer à s’accroître. Elle devra surtout estomper la colère des français.
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