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Chlordécone : le non-lieu confirmé par la justice. Les Réactions de me Christophe Lèguevaques

  • ELMS
  • 6 janv. 2023
  • 6 min de lecture

Le Chlordécone, c'est le scandale écologique de ces quarante dernières années en France. C’est surtout un scandale politique, aux accents post-coloniaux. Près de quatre décennies d’une pollution volontaire pensée par les producteurs de banane de Guadeloupe et de Martinique avec des complicités au plus haut sommet de l’Etat. Pourtant, après des mois d'enquête, le couperet est tombé. Le non-lieu a été confirmé par les deux-juges d'instruction en charge du dossier. Réactions de me Lèguevaques.




Le Chlordécone, c'est le scandale écologique de ces quarante dernières années en France. C’est surtout un scandale politique, aux accents post-coloniaux, qui s'est déroulé principalement aux Antilles-Françaises. Près de quatre décennies d’une pollution volontaire pensée par les producteurs de banane de Guadeloupe et de Martinique avec des complicités au plus haut sommet de l’Etat.


Un scandale d'Etat qui s'est déroulé en toute impunité durant quarante ans et le tout en toute impunité. Quatre décennies au cours desquelles les différents gouvernements de droite comme de gauche ont délibérément fermé les yeux sur les pratiques de non-respect de l'environnement orchestrées par les planteurs, en grande majorité issus de la caste des békés. Le scandale du Chlordécone s’est notamment illustré par un très long bras avec l’Etat pour la reconnaissance de ce crime écologique. Un combat qui se poursuit encore à ce jour.

Autant dire que la question de la pollution au Chlordécone a déjà fait couler beaucoup d'encre. La nouvelle qui a été diffusée par l'ensemble des organes de presse antillais ou nationaux risque fort de détériorée les relations entre les Outremers et l'Hexagone déjà au plus mal depuis qu'a été évoquée un possible non-lieu du scandale sanitaire par les juges d'instruction en charges du dossier.

En effet, dès la fin de l'enquête des deux juges d'instruction, le Parquet de Paris avait requis un non-lieu dans l'enquête sur les procédures engagées par les différentes associations constituées en partie civile. Cette décision était attendue et même redoutée depuis que les juges d'instruction parisiens du pôle de santé publique avaient annoncé fin mars la clôture de leurs investigations sans avoir procédé à des mises en examen.


Dans son réquisitoire définitif daté de jeudi 24 novembre, le parquet considérait notamment que les faits semblent prescrits, s'agissant notamment de l'empoisonnement, ou non caractérisés, concernant l'administration de substances nuisibles. Il appartient désormais aux juges d'instruction de rendre leur décision finale dans ce dossier très sensible en Guadeloupe et en Martinique où plus de 90% de la population adulte est contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France.


C'est malheureusement confirmé. Il n'y aura plus de procédures judiciaires ni de mises en examen.


Une source judiciaire a confirmé à l'Agence France Presse cette décision à haute valeur symbolique, qui était également demandée par le parquet de Paris dans ses réquisitions fin novembre, et était redoutée par des élus et habitants de Martinique et de Guadeloupe, qui ont régulièrement dénoncé un risque de « déni de justice ».


Selon des éléments de l'ordonnance de non-lieu dont l'Agence France Presse a eu connaissance, les deux magistrates instructrices reconnaissent un « scandale sanitaire », sous la forme d'« une atteinte environnementale dont les conséquences humaines, économiques et sociales affectent et affecteront pour de longues années la vie quotidienne des habitants » de Martinique et de Guadeloupe. Mais elles prononcent un non-lieu, évoquant la difficulté de « rapporter la preuve pénale des faits dénoncés », « commis 10, 15 ou 30 ans avant le dépôt de plaintes », la première l'ayant été en 2006.


Les magistrates soulignent également « l'état des connaissances techniques ou scientifiques » au moment où les faits ont été commis : « le faisceau d'arguments scientifiques » au début des années 1990 « ne permettait pas de dire que le lien de causalité certain exigé par le droit pénal » entre la substance en cause d'un côté et l'impact sur la santé de l'autre, « était établi ».


Elles ont avancent notamment divers obstacles liés au droit, à son interprétation et son évolution depuis l'époque d'utilisation du chlordécone, les magistrates attestent de leur « souci » d'obtenir une « vérité judiciaire », qui a toutefois abouti à une impossibilité à « caractériser une infraction pénale »


Les réactions de Me Lèguevaques :


Une décision qui ne satisfait pas me Christophe Lèguevaques avocat des associations VIVRE, Le Cra, et Liyannaj Pou Dépoliyé Matinik, que nous avions interviewé en juin 2022. L'avocat en charge du dossier n'a pas tardé de réagir par voie de communiqué de presse :




« La main sur le cœur comme pour tenter d’excuser leur décision, les juges d’instructions concluent leur ordonnance par cinq pages d'explications sur les raisons de leur non-lieu concernant ce qu'elles qualifient de "scandale sanitaire", une "atteinte environnementale dont les conséquences humaines, économiques et sociales affectent et affecteront pour de longues années la vie quotidienne des habitants" de Martinique et de Guadeloupe.

Puis, elles expliquent que • Il serait difficile de "rapporter la preuve pénale des faits dénoncés", "commis 10, 15 ou 30 ans avant le dépôt de plaintes", la première l'ayant été en 2006. On pourrait leur répondre qu’en raison de la présence du chlordecone dans l’eau et certains aliments, la contamination de nouvelles générations continuent ICI et MAINTENANT. Dès lors, le point de départ de la prescription est renouvelé à chaque exposition ce pesticide.

Dans le mémoire de 240 pages déposés en décembre 2022 (mais at-il été ouvert ?) nous expliquions que les abstentions fautives des préfets et des directeurs d’ARS (ou de DDAS) permettaient de faire partir le point de départ de la prescription à partir de 2004. • Les magistrates soulignent également "l'état des connaissances techniques ou scientifiques" au début des années 1990 : "le faisceau d'arguments scientifiques ne permettait pas" d'établir "le lien de causalité certain exigé par le droit pénal" entre la substance en cause d'un côté et l'impact sur la santé de l'autre. Comment osent-elles écrire une telle contre vérité historique et scientifique :


1962 - les études communiquées par le fabricant US démontrent la cancérogénèse sur les rats et les souris 1968 La commission des toxiques du ministère de l’Agriculture, à Paris, refuse l’homologation en raison de sa dangerosité et de sa permanence. 1975 Accident d’Hopewell (Virginie, USA) – Fermeture de l’usine, interdiction de la production, de la commercialisation et de l’usage sur le territoire US. Début de la dépollution de l’environnement 1979 L’OMS classe le chlordecone comme cancérigène probable 1980 L’Allemagne de l’Ouest (RFA) et la Suède interdisent le chlordecone – Début des manœuvres européennes pour interdire le pesticide 1990 Interdiction en France en raison de sa dangerosité !!!


Il est trop facile de renvoyer vers le juge civil et de laisser les coupables profiter des gains tachés de sang. Il est impensable que les responsables meurent sans rendre des comptes (Jacques Chirac, Yves Hayot, Bernard Pons). Il est injustice que les entreprises qui ont profité de ce produit mortel continuent de régenter les Antilles et d’obtenir les faveurs des pouvoirs publics voire la bienveillance de la justice qui préfère sanctionner les jeunes exprimant leur colère contre les profiteurs et les bénéficiaires de ce « crime colonial »


Dans les prochains jours, je proposerai à mes clients d’interjeter appel de cette décision inique, basée sur des faits mensongers et méprisant les règles élémentaires de droit. Je proposerai également aux avocats des parties civiles des procédures nouvelles et notamment des citations directes pour qu’un tribunal impartial écoute les faits, vérifie l’application du droit et rende enfin une décision juste et équitable. »


Plus de quinze ans de combat judiciaire bientôt annihilé :



Pour rappel, le scandale sanitaire a débuté en 2002, avec l’arrivée des patates de douce Martinique au port de Dunkerque en 2002 a rendu l’affaire publique. Sans aucune hésitation, au nom de la santé de la population française, les patates empoisonnées ont été détruites.


Après 15 ans de silence et de négation qui ont laissé la place aux aveux et aux investigations, le chapitre judiciaire s'était ouvert laissant espérer une possible justice rendue.


Attention, par volet judiciaire, beaucoup ont pensé à l'ouverture d'un procès avec dans le box des accusés, le lobby des grands planteurs et l'Etat en tant que personne morale qui a couvert ce crime environnemental et humanitaire, il n'en est rien. Détrompez-vous, il s'agissait simplement d'auditions des plaignants. A savoir, les associations écologistes représentées par leurs avocats, les syndicats du monde agricole qui représentent les ouvriers agricoles qui ont été de près comme de loin en contact avec le pesticide ou encore les avocats des régions impactées. Très attendues du grand public, ces auditions ont eu lieu le mercredi 20 Janvier et le Jeudi 21 janvier 2022 à Paris avec des visio-conférences vers Fort-de-France et Pointe-à-Pitre.


Une lueur d'espoir semblait s'être profilée, avec enfin une justice qui aurait pu se mettre du côté des victimes. Néanmoins, l'espoir a vite été balayé par les juges du Pôle Santé du Tribunal de Paris qui dès le début de leurs investigations avaient évoqué la prescription de certains faits. De plus toujours selon les hauts magistrats, des pièces manqueraient au dossier. Elles auraient vraisemblablement disparu. Ce qui a joué en la faveur d'un non-lieu reposant sur une prescription. Ce qui signifie qu'aucune mise en examen, aucun procès ne pourront avoir lieu et que les coupables continueront de couler des jours heureux alors que, plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et à la Martinique est contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France. En outre, les populations antillaises présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde. Dans ce cas comment ne pas être révolté par cette injustice puisant ces racines dans l'histoire coloniale ? Un sentiment d'injustice qui montre à nouveau que les antillais ne sont pas des français à part entière mais qu'ils ne sont qu'entièrement à part.

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