La Guadeloupe n’est pas uniquement une terre de soleil et de plages au sable fin et eaux crystallines. L’archipel paradisiaque est aussi une terre de spiritueux, avec le rhum, qui est l’essence même de cette terre et de ces habitants, car, c’est autour de cet alcool tant prisé que la société guadeloupéenne s’est façonnée au fil des siècles. Loin d'être une industrie moribonde, elle est en pleine essor avec de nouveaux marchés plaçant la Guadeloupe en bonne place des territoires d’excellence. Avec “ Guadeloupe, Terre de Rhum et des Hommes”, Blaise Mendijwa( la vraie histoire du Zouk, le Monde racisé au cinéma) entend mettre en avant le rhum de Guadeloupe et raconter son histoire.
Avec l’hiver rude qui a commencé, l’augmentation de l‘essence et du gaz, le tout couplé à la situation sanitaire anxiogène, qui n’a pas l’envie de partir vers des contrées plus clémentes ? Figurez-vous, qu’ils sont nombreux à rêver de destinations plus chaudes, où il fait bon vivre. Certains optent pour les Emirats Arabes Unis, ou la Thaïlande mais depuis deux ans c’est la Guadeloupe qui arrive en tête des destinations de rêve des hexagonaux. Tous veulent goûter au moins une fois, à la vie sous les tropiques. Une image sans doute stéréotypée où ils pourront arpenter des chemins les chemins de randonnées menant vers des rivières aux eaux cristallines mais surtout, ce qu’ils désirent, c’est de bronzer sur des plages toutes plus belles les unes que les autres en savourant les meilleurs rhums faisant de l’Archipel une terre d’excellence en la matière.
La Guadeloupe est véritablement une terre de spiritueux. Terre agricole dont la principale culture est celle de la canne à sucre répartie sur les quelques 13200 hectares de surfaces agricoles. La Guadeloupe est une grande productrice de rhum. En effet, l'Archipel abrite environ neuf distilleries, certaines vieilles de plusieurs centaines d'années qui produisent toutes d'excellentes cuvées de rhum blanc, ambré et vieux. La production annuelle de rhum en Guadeloupe atteint environ 80.000 Hectolitres d’alcool purs (soit 8 millions de litres !), dont autour de 43% en rhums agricoles et le reste en rhums traditionnels de sucrerie, mais on estime que près de 65 % du volume est consommé localement. La marque de fabrique des rhums de Guadeloupe est qu'ils sont agricoles, fabriqués telle que la tradition l'exige, à la différence des rhums sud-américains qui sont des productions industrielles.
Autre particularité bien connue des amateurs de rhums, ils sont distillés à base de pur jus de canne frais, le vesou, mettant en valeur le bouquet aromatique caractéristique de la canne à sucre de la Guadeloupe et qui leur vaut leur appellation de Rhum Agricole IG, certifiant l’authenticité de la qualité de production. Les rhums traditionnels quant à eux, sont obtenus à partir de mélasse, résidu de l’industrie sucrière des îles.
Véritable fer de lance du développement économique, les rhums de Guadeloupe génèrent de nombreux emplois directs et indirects dans tous les secteurs, particulièrement celui du tourisme. Ainsi, loin d’être une industrie moribonde, elle est en plein essor avec chaque année de nouveaux marchés de consommateurs toujours en quête d’excellence.
Cependant, derrière l’aspect économique, il y a le côté historique. En effet, la société Guadeloupéenne s’est construite autour et avec le rhum. C’est que Blaise Mendjiwa, qui a été aussi le réalisateur des documentaires, “ La vraie histoire du Zouk”, ou encore “ Le Monde racisé au cinéma) a voulu mettre en avant dans sa nouvelle réalisation, “ Guadeloupe, terre de rhum et des hommes.) De passage en Guadeloupe lors du Cinestar International Film Festival, le réalisateur nous a répondu à nos questions.
The Link Fwi : Bonjour, monsieur Mendjiwa, premièrement pouvez-vous présenter à nos lecteurs et lectrices ?
Bonjours à tous, je suis Blaise Mendjiwa, un paisible retraité qui s’amuse à faire des documentaires (rires). Je suis un retraité des assurances domaine dans lequel j’ai évolué. Puis, je me suis mis à faire quelque chose qui me plaisait grâce à des amis qui m’ont demandé de présenter en premier lieu une émission à la télévision et par la suite, j’ai pris goût on va dire au métier et je me suis mis à réaliser des documentaires.
TLFWI : Vous êtes donc autodidacte mais qu’est-ce qui vous a donné l’envie de vous lancer dans le journalisme et surtout dans la réalisation et la production de documentaires ?
Blaise Mendjiwa : Comme je l’ai évoqué, ce sont des amis d’ETV ici en Guadeloupe m’ont demandé d’animer une émission à la télévision sur leur chaine suite à une démarche que j’avais entreprise, pour ceux et celles qui s’en souviennent, je suis ce père de famille qui avait fait le tour de la Guadeloupe à pied avec son sac à dos, pour sensibiliser les gens sur le problème de délinquance des jeunes et la violence. Mon action avait été très médiatisée par les journaux locaux, vu l’ampleur de la mobilisation car chaque week-end, près de cinq cent personnes qui marchaient avec moi. Les autorités se sont aussi intéressées à savoir le Préfet et le Procureur de la République de l’époque, les élus aussi, les maires des communes que je traversais ont soutenu mon périple.
Lorsque j’ai pris ma retraite, Mario Moradel créateur d’ETV voulait donc que je continue mon action en présentant cette fois une émission à la télévision. Au début, j’étais très sceptique car, comme je lui expliquais, je ne suis pas journaliste, je n’avais aucun diplôme dans le domaine etc, il m’a assuré que j’étais la bonne personne pour cette émission. Je me suis laissé convaincre. Ainsi, nous avons fait un premier test, les retours ont été positifs et c’est comme cela que j’ai commencé à animer Radiotélescopie de la Guadeloupe. C’est à partir de là, en travaillant avec les caméramen de l’émission que j’ai commencé à m’intéresser à la technique, à l’écriture qui a toujours été une passion chez moi. Figurez-vous, que j’étais dit qu’à ma retraite, j’allais parcourir le monde tout en écrivant. C’est donc comme cela qu’un jour, je me suis doté de matériel et que j’ai commencé à filmer. Mon tout premier documentaire qui se focalisait sur la diaspora antillaise au Cameroun a été tourné au portable, plus précisément au IPhone. Je suis donc parti au pays d’origine de mes parents et j’ai rencontré des antillais vivant là-bas. Puis, au fur et à mesure, je me suis équipé de matériel plus professionnel et j’ai commencé à écrire des documentaires. Je me suis pris de passion pour ce champ de l’audiovisuel. Je dis passion car le fait de raconter des histoires par le biais de l’image est quelque chose qui m’intéresse. Cependant, ce n’est pas la même écriture que l’écriture littéraire.
The Link Fwi : Vous nous avez parlé de votre tout premier reportage au Cameroun mais quelles sont vos réalisations et pouvez-vous nous en citer quelques-unes ?
Blaise Mendjiwa : Il y a donc eu la “ Diaspora Antillaise au Cameroun “ que l’on peut encore voir sur Youtube d’ETV et il doit avoisiner les quatre-vingt mille vues pour un cinquante-six minutes. Ma deuxième réalisation abordait tout simplement la question du Bonheur : en posant la question de “ qu’est-ce que le bonheur pour vous ? “ Cette réalisation qui est sous forme d’enquête m’a conduit de la Guadeloupe à la Martinique, en passant par l’Hexagone dont l’Alsace où j’ai grandi, en posant spontanément aux gens dans la rue cette simple phrase “ qu’est-ce que le bonheur pour vous en une phrase ? “ J’ai fait un film d’1h20.
Etant un grand marcheur, j’ai voulu centrer mon troisième film sur le Chemin de Compostelle. Pour ce faire, j’ai parcouru la France à pied. Tout au long du parcours, j’ai posé des questions pèlerins, sur les raisons qui les ont poussés à faire le pèlerinage etc.
Le quatrième film documentaire c’est “ La route des vins en Alsace.” Une région que je connais très bien car, ma famille vivait là-bas du coup, j’ai fait mon documentaire sur les vins alsaciens et il a connu un franc succès puisque les vignerons alsaciens sont venus en Guadeloupe lors de l’avant-première au Cinéstar et ils ont fait goûter leurs productions en accord avec les mets locaux. Le public était conquis. La salle était pleine à craquer.
Face au succès de mes productions, Canal + me contacte et me demande de faire un documentaire sur l’histoire du Zouk, de là est née ma cinquième réalisation, “ La vraie histoire du zouk “ .
Après cela, je me suis penché sur la question de la représentation des noirs dans le cinéma français et qui s’intitule “ Le Monde racisé du cinéma français”. C’est mon avant dernier film qui a suscité beaucoup de débats et de couvertures médiatiques également.
Cette année donc, j’ai dévoilé ma nouvelle production qui est centrée cette fois sur l’histoire de la Guadeloupe et de ses rhums. J’ai donc sept films documentaires à mon actif.
TLFWI : “ Guadeloupe, Terre de rhum et des hommes “ est votre dernière réalisation : Elle retrace l’histoire de ce produit et son apport historico-social : pourquoi avoir choisi de traiter ce sujet ?
Blaise Mendjiwa : Premièrement, j’aime le rhum (rires). Je suis un grand amateur de rhum et en tant que consommateur j’ai voulu me pencher sur l’histoire de ce produit. Le rhum n’est pas qu’une simple boisson, il y a toute une histoire derrière et elle concerne les hommes et les femmes vivant sur ce territoire. Par le tumulte de l’histoire, ils se sont retrouvés sur une terre qui au départ n’était pas la leur. Certains ont été envoyés sans leur avis comme esclaves, les autres sont arrivés comme engagés ou volontaires à travers diverses migrations. De cette histoire tragique, il faut le dire est né un produit que l’on a appelé le rhum et dans lequel toutes les populations qui peuplent cet Archipel s’y reconnaissent, car le rhum est un dénominateur de notre identité commune. Je suis parti du principe que la langue, la gastronomie, le rhum sont les éléments de notre identité. Dans l’histoire que je voulais raconter, le rhum serait en quelque sorte, le fil conducteur de l’histoire et qui relie toutes les composantes des ethniques de notre société multicolore. Au-delà du rhum, il y a un métalangage derrière cette histoire, c’est que les hommes ont la capacité de pouvoir s’agréger et de faire de tous les éléments quand ils sont mis dans une société donnée, un faisceau harmonieux et donc de créer une société harmonieuse. Nous sommes une société qui peut se donner comme modèle exemplaire à une France métropolitaine qui a des problèmes identitaires où les gens s’enferment dans des narcissismes identitaires. Nous pouvons leur donner à avoir comme modèle notre société multicolore, qui malgré les affres de l’histoire, nos différences, nos couleurs de peau différentes, nous arrivons à vivre de manière harmonieuse. Oui, c’est vrai qu’il y a par moment des poussées de tension mais, nous vivons dans une société harmonieuse. Si vous voyez le film, à la fin, je dis que “ l’on aurait pu penser que l’histoire aurait donné des motifs de griefs insurmontables entre les différentes communautés mais, il n’en ait rien. Nous avons surmonté tout cela. Et nous vivons de manière harmonieuse.” Nous aurions pu à un moment donné nous entretuer mais, ce n’a jamais été le cas. La France Hexagonale devrait donc s’inspirer de notre modèle de société pour la sienne, parce que les narcissismes identitaires qu’il y a là-bas, où les gens pour affirmer ce qu’ils sont se croient obliger de rabaisser l’identité des autres, cela pousse à la division, à la montée des extrémismes de tous bords. Qu’ils s’inspirent de nous car pour une fois, nous sommes un modèle exemplaire.
The Link Fwi : Quelle est sa place aujourd’hui dans la société guadeloupéenne ?
Blaise Mendjiwa : Le rhum occupe toute la place qui est la sienne. Il n’est plus ostracisé. Auparavant, il y avait comme ce rejet du rhum parce qu’il était le symbole de l’asservissement, boire du rhum était mal vu. Il fallait donc le rejeter. D’ailleurs, il y a une phrase récurrente que nous utilisons encore aujourd'hui : “ Neg a wonm “ Sauf, qu'il faut se rendre compte que c’est l’héritage de nos ancêtres. Nous ne pouvons pas avoir honte de cela. En plus, c’est un produit de qualité, parce que nous avons accumulé des savoirs qui ont été transmis sur plusieurs générations, et ces savoirs-là, il faut les préserver. Il faut que nous fassions de ce produit, quelque chose d’exception. Aujourd’hui, le rhum est un produit d’excellence et nous devons en être fiers. Nous ne devons pas le rejeter. J’irai même plus, nous devons revendiquer cet héritage.
TLFWI : C’est vrai qu’aujourd’hui, les polémiques abondent. Certains appellent à boycotter cette boisson, certaines distilleries, qu’en pensez-vous ?
Blaise Mendjiwa : Il y a deux choses dans ce que vous dites. La première, où il y a ne plus boire du rhum au sens où celui-ci soit un symbole de l’asservissement et de l’esclavage. Puis, il y a ne plus boire certaines marques de rhum. Il s’agit donc deux choses différentes. Ne plus boire de rhum équivaudrait à demander à des hexagonaux de ne plus boire de vin ou de champagne ce qui est quasi impossible. Peut-être qu’il y a des raisons prophylactiques de santé etc mais là c’est autre chose. Ensuite, il y a certaines marques que les gens veulent boycotter. Ils ont sans doute leur raison, mais je ne pense pas que nous allons éradiquer le rhum de notre culture, c’est comme j’aime à le dire, comme si nous nous coupions le bras. (rires) ce n’est pas possible. Encore une fois, le rhum fait partie de notre identité. Il s’agit là de notre patrimoine culturel.
The Link Fwi : Votre documentaire entraine le spectateur dans quatre distilleries de l’Archipel, était-ce difficile pour vous de donner la parole à ces propriétaires, descendants de colons ? Pourquoi ne pas avoir mis les neuf distilleries que compte la Guadeloupe ?
Blaise Mendjiwa : Pour cette question, je suis parti du point de vue du consensus. J’ai contacté les huits distilleries qui sont en action à ce jour. Je dis huit car lorsque j’ai commencé le documentaire, il y en avait huit. Aujourd’hui, il y a Papa Rouyo. Sur ces huit distilleries, seules quatre m’ont répondu. Les autres n’ont pas donné suite aux demandes que j’ai formulées. J’ai retenu les quatre qui me semble être les meilleures.
TLFWI : Mais ces familles sont-elles ouvertes au dialogue concernant ce sujet ?
Blaise Mendjiwa : Absolument. Je peux même vous rassurer qu’elles ont été même très enchantées que je fasse un documentaire traitant de l’histoire du rhum. Je leur ai dit les points qui allaient être abordés. Les questions qui seraient posées. Je ne leur ai rien caché. Ils étaient ouverts. Honnêtement, elles ont eu raison d’accepter de m’ouvrir leurs distilleries pour ce projet. Vous vous rendez-compte de l’ouverture qu’elles ont avec un tel film ? C’est sur le monde entier. Saviez-vous que des extraits de Guadeloupe, Terre de rhum et des hommes étaient projetés sur les vols d’Air Caraïbe ? Le touriste quand il embarque sur l’un des avions de la compagnie, il voit des extraits du film. En plus, j’ai fait un tel concentré sur les quatre distilleries et sans prétention, il n’y a pas meilleure vitrine que celle-là. Trois vols d’Air Caraïbe ralliant la Guadeloupe à l’Hexagone, c’est le même nombre de vols à la Martinique et en Guyane, vous imaginez la publicité que ça leur fait ? Ce sont des gens que je connais qui m’ont dit que lorsqu’ils ont voyagé, ils sont tombés sur des extrait de mon film.
The Link Fwi : L’histoire fait couler beaucoup d’encre, sachant que le rhum a été pendant plusieurs siècle lié à l’esclavage et la colonisation, avez-vous reçu des critiques de la part des guadeloupéens ?
Blaise Mendjiwa : Absolument pas. Bien au contraire. Les premières projections que nous avons eu au Mémorial Acte à Pointe-à-Pitre, les gens étaient émus aux larmes. Certains sont venus près de moi et m’ont dit et ce sont leurs propres mots “ Monsieur Mendjiwa, vous avez évoqué des souvenirs de mon grand-père, de ma grand-mère, de ma mère, de mon père, d’un grand oncle, d’une grande tante etc “ C’est donc évocateur de beaucoup de souvenirs pour de nombreux Guadeloupéens. Je n’ai pas eu une seule critique négative des afro-descendants. La seule remarque qui m’a été formulée est l’absence d’afro-descendants propriétaires de distilleries. A l’époque, il n’y avait pas encore Papa Rouyo. Voir cette nouvelle distillerie détenue par un afro-descendant me fait extrêmement plaisir. Il est vrai qu’avant cela, il y a eu Gwadinina mais jusqu’à ce jour, ce n’est pas encore une distillerie. A l’époque où j’ai tourné, il n’avait pas encore les bacs de fermentation et les colonnes de distillation. Si je voulais rester dans la ligne éditoriale qui était la mienne, je ne pouvais donc pas le mettre en avant.
TLFWI : Combien de temps, vous a t’il fallut pour penser, réaliser et monter votre documentaire et l’écriture de la voix-off ?
Blaise Mendjiwa : Au total quinze mois. J’ai commencé par l’écriture puis il y a eu la production. Ensuite, la post-production...
The Link Fwi : Et qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous ? Le montage ? l’écriture ? La post-production avec elle le choix des rushes ?
Blaise Mendjiwa : L’écriture n’a pas été un problème pour moi car j’étais habité par le sujet, je savais où je voulais aller avec. Le tournage, est selon moi la partie la plus facile. Tourner, il n’y a rien de compliquer. Le choix des images a été la partie la plus difficile, car nous avons eu plus de 2500 GO d’images et le fait de les choisir, sélectionner les séquences etc nous en avions tellement que figurez-vous que je peux faire trois films derrière. Il y a tellement d’images, d’anecdotes plus croustillantes les unes que les autres, ce fût un véritable déchirement de choisir ; surtout que je fais personnellement le choix des rushes pour mes films. C’est moi qui choisis les plans, les séquences etc.
TLFWI : Comment avez-vous pris contact avec toutes ces personnalités bien de chez nous que l’on voit intervenir ou apparaître dans le film ? ( Joey Star, Jacob Desvarieux, Babette De Rozières)
Blaise Mendjiwa : Vous savez, ce sont des amis. Je les connais. Vous savez en naviguant dans le monde du cinéma. En réalisant des documentaires, on fait des rencontres. Ce qui fait que je connais pleins d’acteurs ou de personnalités. Je voulais mettre ces personnes à contre-emploi. Par exemple, Jacob Desvarieux apparaît dans le “ lolo” mais il faut savoir qu’il ne buvait aucun alcool. Je ne voulais pas le faire intervenir comme musicien ce qui serait insensé. Les personnes que je souhaitais mettre à bon emploi c’est par exemple Babette de Rozières qui est dans son rôle de cuisinière dans le documentaire. Joey Star quant à lui, certes, il est musicien, il est acteur. En même temps, c’est un personnage qui est tellement charismatique, on sait aussi qu’il est un grand amateur de rhum et puis il y a quelques années, il a lui-même réalisé une série de documentaires sur le rhum “ La Route de la soif “ avec le site VICE, que je ne pouvais pas l’oublier. Puis, j’ai voulu qu’il mette son charisme au service du rhum de Guadeloupe même s’il est d’origine martiniquaise. D’ailleurs, cela ne lui a pas posé le moindre de problème. Pareil pour Firmine Richard personnage charismatique, qui est la Guest star du film et qui est dans son rôle même si c’est une apparition avec quelques mots devant la caméra.
The Link Fwi : Comprenez-vous les discours passionnés autour du rhum et son rôle majeur de la construction de la société Guadeloupéenne ?
Blaise Mendjiwa : Vous savez, ces discours sont souvent datés. Effectivement, il fût une époque où l’on faisait un rejet complet du rhum dans la société, c’est normal. Comme je l’ai évoqué, le rhum évoquait l’assujettissement, c’était lié à une période coloniale et esclavagiste qui a marqué notre société. A l’abolition de l’esclavage, il y a eu un rejet du travail de la terre. Les esclavages émancipés quittaient les plantations et ne voulaient plus voir ou entendre parler du travail de la terre. Ce qui est normal. De ce fait, pendant longtemps, nous avons gardé cet atavisme du travail de la terre. Planter de la canne, labourer les champs et tout simplement travailler la terre faisaient remonter des souvenirs particulièrement difficiles pour les afro-descendants qui ont délaissé ce secteur Aujourd’hui, le discours n’est plus vraiment le même. Il a complètement changé. La preuve, de plus en plus d’afro-descendants s’investissent et investissent dans le rhum. Ils ouvrent de nouvelles distilleries. Vous voyez, depuis 1942, il n’y a pas eu de nouvelles distilleries en Guadeloupe. Là, on voit apparaître Papa Rouyo. D’autres personnes vont lancer leurs marques et leurs distilleries. Le rhum est désormais un secteur productif. Quand on sait que notre rhum agricole qui ne représente que 2% du volume de rhum vendu dans le Monde et qu’il prend de plus en plus de valeur, vous vous rendez compte de l’intérêt qu’il y a d’investir ce secteur, de produire de la canne. Ecoutez bien, la croissance du rhum est supérieure à celle de l’or. Les gens ne le savent pas. Prenez un vieux rhum de qualité, il a vieilli dans les bonnes conditions, il a de la valeur en plusieurs centaines d’euro voire des milliers d’euros. Dans le film, je rencontre un collectionneur qui montre une bouteille de la marque Bielle. Cette bouteille vaut près de 8000€ et elle n’existe même pas. On ne la trouve plus.
The Link Fwi : Le rhum est donc une boisson d’avenir ?
Blaise Mendjiwa : Biensûr que c’est une boisson d’avenir et je vais même vous dire que le rhum déclasse déjà le wisky. Très récemment, j’étais invité au Rhum Fest à Paris. Les grands cavistes et les professionnels du secteur, s’accordent tous à dire que le rhum est une boisson d’avenir et que le rhum a pris le lead sur les autres spiritueux de prestige : whisky, Cognac, Armaniac. Le rhum est devenu le numéro 1 des alcools donc, oui, c’est une boisson d’avenir.
TLFWI : Mais selon vous, qu’est-ce qui suscite l’engouement pour de nouveaux marchés ?
Blaise Mendjiwa : C’est d’abord des qualités gustatives et aromatiques du rhum en tant que tel. Jusqu’à très récemment, il était utilisé comme adjuvant pour les cocktails, les pâtisseries etc. Or, la bonification de nos méthodes de distillation. La recherche permanente de la qualité que l’on constate dans les distilleries font que nous avons des clients extrêmement exigeants. Surtout que c’est une clientèle jeune. Lorsque vous allez dans des Masterclass ce sont des jeunes qui apprécient le rhum pour toutes ses qualités. C’est un marché en expansion permanente.
TLFWI : Quels sont les autres festivals auxquels vous allez concourir ?
Blaise Mendjiwa : Après le Cinestar International Film Festival, je partirai à Cannes pour le Festival Panafricain du film qui se tient chaque année là-bas et auquel “ Guadeloupe,Terre de Rhum” est sélectionné dans la catégorie meilleur documentaire. Nous serons au Festival AFSC Paris Champs Elysée du 25 au 21 Octobre. J’ai été aussi invité au festival Lumières d’Afrique de Besançon. Ensuite, viendront les festivals américains parmi eux, le Hollywood Art & Movies Awards, le Santa Barbara International Movies Festival qui est l’antichambre des Oscars et pour finir le Sundance Festival.
The Link Fwi : Avec une présence dans autant de festival, comment voyez-vous l’avenir ?
Blaise Mendjiwa : Je le vois radieux. Je suis heureux de voir ô combien ce film passionne les gens, quel que soit les origines du public. A Paris, le public hexagonal a ovationné à la fin, cela m’a conforté car j’avais peur que le documentaire ne parle qu’aux Antillais mais en réalité il parle à tout le monde parce que c’est avant tout une histoire d’hommes et de femmes et c’est une histoire atemporelle. Je voulais montrer le caractère authentique des personnes qui interviennent dans le film. Je voulais qu’elles parlent de leur vérité et cela va bien au-delà de l’appartenance géographique, ethnique etc. Cette authenticité là on ne triche pas avec parce que le film documentaire est le cinéma du réel. Ce n’est pas une fiction avec des acteurs. Le réel quand on le filme et que vous arrivez à en capter les sens, ça se vit, ça se voit et ça se sent.
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