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Emrick LEANDRE

Affaire Claude Jean-Pierre : la mobilisation populaire pour "dire non au non-lieu"

Non au non-lieu ! C'est le slogan unificateur qu'ont opté Fatia et Christophe, fille et gendre de Claude Jean-Pierre, pour rassembler autour de leur quête de justice, l'ensemble des guadeloupéens. Un slogan pour dire " non" aux injustices de toutes sortes mais surtout dire " non " à l'impunité des forces de l'ordre en Guadeloupe comme dans le reste du territoire national.





La Guadeloupe est-elle en train d'emprunter la même trajectoire que l'Hexagone ? A savoir celle des violences policières et de l'impunité liée à l'uniforme. Du moins, la justice est-elle a deux vitesse en Guadeloupe et plus largement aux Antilles-Françaises ? Après le Chlordécone, voici que l'on se dirige véritablement vers un non-lieu en ce qui concerne l'affaire Claude Jean-Pierre.


L'affaire Claude Jean-Pierre c'est cette affaire judiciaire impliquant deux gendarmes sur le territoire de la commune de Deshaies en Guadeloupe. Un banal contrôle routier qui s'est soldé par la mort d'un homme Claude Jean-Pierre que l'on surnommait affectueusement Klodo.


Depuis deux ans et demi, Fatia, fille de la victime épaulée par son compagnon Christophe ainsi que l'ensemble des membres de la famille Jean-Pierre demandent justice. Une justice qui se fait plus qu'attendre et qui pourrait bien malgré eux se solder par un "non-lieu" demandé par le procureur de la République Xavier Sicot. Fidèle à ses déclarations du début, le procureur a donc estimé ne pas avoir suffisamment d'éléments et a préconisé l'abandon des charges contre les deux gendarmes Charlier et Boyer. Oui, c'est leurs noms.


Deux noms de deux hommes payés pour nous protéger et qui ont figé à tout jamais la vie de cette banale famille guadeloupéenne. C'est lors de la grande conférence de presse organisée le vendredi 3 mars 2023, par les avocats de la famille, en présence de Fatia & Christophe qui résident dans l'Hexagone. L'occasion pour les conseils de rappeler que la victime était bien Claude Jean-Pierre et dans une moindre mesure, la famille et n'ont pas les gendarmes par qui le scandale a commencé.

D'ailleurs, ces mêmes gendarmes incriminés bénéficient du statut de témoin assisté. Un statut juridique qui leur confère des droits comme celui d'avoir un avocat, de consulter le dossier, de demander l'annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, de demander des actes comme demander des expertises ou des contre-expertises. Un statut qui les protège de toute mise en accusation vu qu'à tout moment, le juge en charge de l'instruction peut demander un changement de leur statut juridique. Toutefois, ce qui dérange par-dessus tout avec le statuts auxquels ils ont eu droit, c'est que les gendarmes sont libres et de continuer à exercer leur profession.


Au cours de cette conférence de presse, les avocats n'ont pas eu de peine à pointer du doigt les incohérences dans les déclarations des deux représentants de la force publique. Les avocats parlant même de mensonges révélés par les images de vidéo-surveillance.


Le collectif d'avocats a d'ailleurs balayé ce qu'il annonce comme un argument du Procureur de Basse-Terre, à savoir les antécédents médicaux qui auraient joué un rôle dans le décès du sexagénaire.

D'autant plus, une contre-expertise est venue conforter avocats et famille quant au lien entre ce contrôle routier du 21 novembre 2020 et le décès, douze jours plus tard, de Claude Jean-Pierre.


L'autre objectif affiché par les avocats était de faire le point sur le dossier et d'en informer la population et d'avoir sa son adhésion la plus totale. Amis, familles, proches et sympathisants étaient venus en nombre soutenir Fatia Alcabelard et Christophe Sinnan,



La conférence de presse en photos :





Le vendredi soir, une grande soirée de mobilisation a été organisée par le collectif Kolektif kont vyolans a jandam. Se sont joints à eux des organisations politiques, culturelles, syndicales et principalement des centaines voire un millier de guadeloupéens sensibilisés par ce combat pour la justice.


Tout au long de cette soirée, discours, hommages, poèmes et chansons se sont succédés devant un public actif et mobilisé. Un véritable moment de communion au cours duquel, unis derrière la famille, ils ont dit tous ensemble, " Jistis pou klodo " et " non, au non-lieu". Un appel à mettre fin aux injustices de toutes sortes en Guadeloupe.



Ils ont dit :




" Comme nous l'avions dit, il est important de communiquer mais au moment opportun. Nous avons attendu que son fils et sa fille soient présents en Guadeloupe, pour faire état de l'avancée de la procédure. Nous espérons qu'avec la mobilisation qui se met en place, nous n'irons pas au non-lieu. Mais si toutefois, cela devait arriver, nous préparons déjà des éventuelles ripostes à savoir faire appel et puis, épuiser toutes les voies de recours existantes. Bien que tous les éléments plaident en faveur d'un procès devant le tribunal, nous avons que tout ce qui s'est passé durant l'instruction est nié, que l'on revient à des temps plus sombres de notre histoire et que l'on refuse de voir ce dossier en face mais ce que je peux dire, c'est que, nous avocats des parties civiles, sommes plus que jamais déterminés à ce que justice soit rendue dans cette affaire. " Me Maritza Bernier avocate et porte-parole du collectif d'avocats de la partie civile.





" C'était très important pour nous d'être là. Nous sommes arrivés il y a deux jours. Nous avions besoin d'être au plus proche de la population vu que depuis le début, elle nous soutien. Il est important pour nous d'être ici pour faire cette communication au plus près des guadeloupéens afin qu'ils sachent qu'on ne les oublient et qu'ensemble nous fassions une masse et que la solidarité se perpétue afin que nous puissions continuer ce combat." Fatia Alcabélard-fille de Claude Jean-Pierre.


" Effectivement, il était essentiel que nous soyons au pays, en Guadeloupe parce que l'affaire de Claude est avant tout une affaire guadeloupéenne. Dès le début, nous avons eu la solidarité du peuple dans le sens très large du terme puisque ce sont des personnes lambda, des syndicats, mais aussi des personnalités publiques, des artistes ou des personnalités politiques ( chose qui est assez rare que les politiques se positionnent) qui nous ont apporté leur soutien. Il nous était donc impossible de demander à des personnes de lutter alors que nous nous trouvons à 8000km. Nous avons décidé de venir pour porter le combat sur le terrain et dire non au non-lieu et que nous tous guadeloupéens, nous n'accepterons pas ce non-lieu. Nous n'envisageons pas de non-lieu. Le but du combat est imminent, actuel et que nous n'allons pas accepter un non-lieu. " Christophe Sinnan, gendre de Claude Jean-Pierre.


La stratégie de mobiliser s'avère gagnante vu que le procureur muré dans son silence a communiqué sur les raisons qui l'ont poussé à demander un non-lieu. Ainsi, c'est par voie de communiqué de presse, que s'est exprimé Xavier Sicot, un mois après le réquisitoire de non-lieu rendu par le Parquet de Basse-Terre, dans le cadre de l'information judiciaire ouverte contre X le 10 décembre 2020 du chef d'homicide involontaire suite au décès survenu le 3 décembre 2020 de Claude Jean-Pierre.




Tout d'abord, le procureur précise que selon l'article 105 du code pénal "une mise en examen exige l'existence d'indices graves et concordants"


Selon lui "au regard des éléments figurants à la procédure, il n'existait pas d'indices graves et concordants permettant cette mise en examen ».

Il ajoute que le juge d'instruction « était tenu de placer les deux militaires sous le statut de témoins assistés », ce qui « empêche en droit d'envisager toutes réquisitions aux fins de renvoi devant une juridiction ».


Il souligne que "le réquisitoire définitif pris par le parquet de Basse-Terre est une analyse juridique faite au regard de l'ensemble des éléments présents dans la procédure et des règles de droit applicables en matière pénale".


Il a conclu en soulignant "qu' il appartient désormais au magistrat instructeur de se prononcer sur les suites à donner à cette information » judiciaire, en prenant en compte « les observations juridiques que pourraient formuler les parties civiles »



Claude Jean-Pierre retour sur une bavure de gendarmes filmée :



Tout a commencé le 21 novembre 2020, lors d’un banal contrôle routier effectué par deux gendarmes dans la commune de Deshaies. Les deux militaires arrêtent un homme de 67 ans répondant au nom de Claude Jean-Pierre et surnommé par ses proches : Klodo Bibik.


La suite est depuis connue de tous. Les sapeurs-pompiers sont appelés sur les lieux pour un malaise mais très vite, c'est le SMUR qui se rend sur place et qui prend le relais car, l'état de Claude se dégrade. Conduit au CHU de Pointe-à-Pitre, plusieurs examens sont effectués par le médecin en charge et on constate une double fracture des cervicales dont une instable qui compresse la moelle épinière. Par ailleurs, des hématomes sont également constatés sur le visage de la victime qui est conduite en réanimation. Il est ensuite opéré en urgence.


L'opération se déroule 24 novembre et aurait même été un succès selon les dires des médecins du CHUG. Ces derniers auraient cependant admis à la famille que Claude ne retrouverait pas une vie normale comme avant ou du moins pas avant un bon moment car, il y a une lésion à la moelle épinière mais que son pronostic vital n'est pas engagé. Soulagement donc pour la famille et surtout la fille qui a fait le déplacement depuis l'Hexagone où elle réside. Pourtant le jeudi 03 décembre, Claude décède. Sa fille qui était retournée en France est obligée de revenir.


Face à la pression médiatique et populaire une enquête est ouverte. Celle-ci prendra du temps. En effet lorsque nous avions interviewé Christophe et Fatia, le gendre et la fille Klodo, ceux-ci relevaient une lenteur ( sans doute volontaire) de la part des autorités pour révéler les causes de la mort de leur père et beau-père. Un mois, c'est le temps qu'aura mis la justice pour remettre aux avocats de la famille les résultats de l'autopsie et les images des vidéos de surveillance de la municipalité de Deshaies.


Autre fait répertorié dans ce dossier, le manque de neutralité du procureur la République, Xavier Sicot, censé défendre les intérêts communs semble vouloir atténuer la responsabilité des gendarmes. Il justifie l'interpellation de Claude Jean-Pierre par une conduite hésitante causée par l'alcool. Par ailleurs, l'homme de loi estimait face à la presse que les règles d'interpellation avaient été respectées par les gendarmes mis en cause. Il n'aurait pas auditionné les gendarmes mis en cause et encore moins saisi l'IGGN. Rappelons que le Procureur a pour rôle de défendre les intérêts de la société, agit au nom de l’État et ne peut prendre position pour l'une ou l'autre des parties.


Est à déplorer notamment l'inaction des médias locaux qui n'ont pas cherché à enquêter sur les raisons de la mort du retraité. C'est le site d'investigation Le Media qui a rendu public, les images de l'arrestation de Klodo puis de son agonie sur la chaussée. Le tout, face aux caméras de vidéosurveillance de la municipalité. On y a pu voir un Claude Jean-Pierre non agressif, au contraire, il obtempérait. Ce sont bien les gendarmes qui l'ont plaqué au sol avec violence, alors qu'il sortait de son véhicule.

Un non-lieu faisant suite à celui du chlordécone et qui ne passe pas en Guadeloupe.


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