Au cours de la première décennie des années 2000, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane terre de zouk, de biguine et de boléro, déjà fortement influencées par les musiques nord-américaines et jamaïcaines voient apparaître un nouveau style musical, la Trap. Cette musique originaire tout droit du sud des Etats-Unis, très décriée pour les paroles qu'elle véhicule a pourtant fait des émules auprès de la jeunesse antillo-guyanaise.
Vous vous demandez sans doute ce qu'est la trap ou vous êtes tout simplement passés à côté de ce style musical qui suscite l'engouement notamment auprès des plus jeunes. Avec ses instrus lourdes en basse, des sons saccadés, des beats hypnotisants composés bien souvent par de jeunes beatmakers talentueux, ses toplines enflammées ( des refrains qui n'existaient pas auparavant dans le rap), la trap est l'un des courants musicaux qui a connu la plus forte émergence ces dernières années. Ce succès est à coup sûr lié aux développement des plateformes d'écoutes, de téléchargement en ligne, baptisés les streams que les majors ( les grandes maisons de disques) ou les grands labels considèrent désormais avec attention.
Musicalement, techniquement elle est réalisée à partir de rythmes lents, très lents réalisés à partir de boîte à rythmes. les variantes de « charley » accélérés, en triolets, sur la croche, double croch. Il est rythmiquement beaucoup plus facile de poser sa voix sur une instru trap. Tempo lent, productions à la chaîne, thèmes répétitifs. En effet, au niveau du flow vocal, la Trap, jouissant naturellement de plus d’espace dans le temps, offre d’avantage de liberté, certains improvisent d'autres écrivent un texte avec des paroles assez répétitives.
A la base connue sous l'appellation de Dirty South, Depuis une décennie, cette musique originaire du Sud des Etats-Unis, plus exactement, c'est dans la mythique ville d'Atlanta, ville de Waka Flocka, Gucci Mane, Migos, Young Geezy ou encore T.I qu'elle a émergé à la fin des années 90 avec des pionniers tel que Outkast ou encore Goodie Mob, UGK ou Three Six Mafia. C'est principalement dans les dans les quartiers noirs des grandes villes du Sud des USA, où sévissaient et sévit encore la violence des gangs sous fond de trafic de drogue, notamment celui du crack, cette drogue dure qui a rendu dépendants des millions d'afro-américains. A la différence du rap, dont les textes sont plus recherchés, travaillés et dignes de travail poétique, ceux de " la trap" sont beaucoup plus crus. Ils relatent généralement la dure réalité de la vie dans le ghetto lieu social où les habitants survivent grâce aux stupéfiants, aux braquages et à la prostitution.
L'appellation « trap » est initialement utilisée pour désigner les lieux où se pratiquaient les trafics de drogue, en américain, on les appelle les " Trap Houses " ces maisons abandonnées dans les quartiers défavorisés et squattées par des dealers qui cuisinent sur place le crack et le vendent sur place et si ça marche, ces derniers montent un studio de rap dans la cave pour blanchir la monnaie en sortant des singles, des mixtapes, des compilations ou s'ils en ont les moyens, enregistrent des albums complets.
En 2003, le trap commence à émerger à la suite du succès d'un certain nombre d'albums et de singles réalisés à ce moment-là, c'est notamment l'album " Trap Muzik du chanteur T.I qui posera les bases du genre. Avec plus de 2,1 millions d'exemplaires vendus. Le titre phare de l'album, 24's, est sélectionné par EA pour le jeu vidéo Need for Speed: Underground, T.I a prouvé au monde musical que la Trap devait être prise au sérieux. Le chanteur, de son vrai nom Clifford Joseph Harris Jr a même lancé son propre label, Grand Hustle, pour promouvoir ce nouveau mouvement dans le hip-hop. Un autre chanteur peut aussi revendiquer son droit a succès de la Trap, c'est Young Jeezy aka Jay Wayne Jenkins, qui après de son nombreuses années passées en indépendant sort en 2005, Let’s Get It : Thug Motivation 101, album de référence dans le monde de la Trap. L'album se classe numéro deux au Billboard 200, avec 172 000 exemplaires vendus dès sa première semaine de sortie et est plus tard certifié disque de platine par la RIAA pour la vente de plus d'un million d'exemplaires. Autre artiste à ne surtout pas oublier, Gucci Mane qui est sans doute la ( superstar ) de la Trap. Il a émergé à Atlanta, au début des années 2000, mais c'est bien avec " My Kitchen " qu'il a connu le succès. " My Kitchen est sorti à la même époque que ses deux meilleurs albums : Hard to Kill (2006) et Trap-A-Thon (2007).
De part son origine, les messages véhiculés vantant les exploits des caïds des quartiers chauds, la Trap a été pendant longtemps combattue par les autorités des différents Etats du Sud et encore plus loin par le gouvernement fédéral des Etats-Unis. Dans " Hip Hop Evolution", série documentaire sur l'histoire du Hip Hop, diffusée sur Netflix, on apprend que les forces de police locales appuyées par le FBI ont mené une guerre ouverte aux différents artistes ou beatmakers, les managers du style Trap. Les autorités leur reprochait d'être à l'origine de toute cette violence dans les quartiers peuplés à majorité par des afro-américains. Cependant, elles seront dépassées par le succès de ce style, avec le développement de l'internet et l'apparition des premières plateformes d'écoute streaming. Décriée par le passé, depuis 2010, les enregistrements trap se mesurent aux meilleurs des classements hip-hop. Il est terminé le temps de la production clandestine, désormais les artistes trap nord-américains rivalisent avec leurs semblables du Hip Hop et du rap engagé, suivis par des millions de fans, ils engrangent des revenus plus que confortables. Sur internet, les vues sur Youtube et le nombre d'écoutes se comptent par millions. A l'image du rap ou du hip hop, le succès de la Trap a dépassé les frontières des Etats-Unis.
La Trap à la française :
La France, que l'on pourrait considérer comme le deuxième pays du rap dans le Monde après les Etats-Unis, avec selon selon Les Echos : "200 albums les plus écoutés l'an dernier (tous supports confondus), 86 appartiennent à la catégorie dite des « musiques urbaines », contre 56 en 2016".Il faudra donc attendre l'année 2012 pour que le genre débarque sur les ondes radio. Malgré sa décennie de retard, la Trap s'est déversée comme une traînée de poudre, sans doute aidée par les sites d'écoute en ligne tel que Youtube. Le succès de la Trap et du rap en général vient du fait qu'il est massivement écouté sur les plateformes de streaming (Spotify, Apple Music, Deezer), de plus en plus prisées par les jeunes, ce qui se traduit automatiquement dans les classements des meilleures ventes d'albums (physique, téléchargement et streaming confondus) de l'année.
D'ailleurs grâce à ces plateformes, plusieurs artistes hexagonaux originaires des banlieues parisiennes, marseillaise, et des autres grandes villes françaises ont connu la célébrité avec leur trap à la sauce française. On peut citer entre les chanteurs Niska, Gradur, Kaaris, Niro, Kalash Criminel et des rappers de plus jeunes comme le collectif 13 BLOCKS. Face au succès du style de grosses pointures du rap français ce sont mis à faire de la Trap, c'est le cas de BOOBA. A la différence de la Trap US, la Trap française est un mélange de plusieurs styles musicaux, comm la drill et des sonorités électro, comme SLATE l'indique : " la trap sonne extrêmement électronique, respire la génération de producteurs boostés au matériel Apple et aux plug-ins en pagaille. Son essor coïncide d'ailleurs avec l'énorme retour de la techno dans le paysage musical français. La trap est peut-être le plus électronique des sous-genres du hip-hop, et le public est prêt à l'entendre. La musique a muté depuis longtemps avec les logiciels de mixage et production accessibles à tous, et les vieux de la vieille devront bien l'accepter un jour. "
En France, ils sont de plus en plus jeunes à se lancer dans la Trap.
Les Antilles-Guyane avant-gardistes de la Trap francophone :
Fortement influencées par le grand voisin américain,la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane jadis terre de zouk, de biguine et de boléro, voient apparaître ce nouveau style musical. A l'image de la Trap nord-américaine, la trap version créole a été mise en avant par des artistes originaires de quartiers difficiles de Pointe-à-Pitre, Baie-Mahault, Fort-De-France ou encore Cayenne. La trap à la sauce créole s'est développée avant sa soeur française. En effet, dès 2006 plusieurs chanteurs originaires de différents quartiers de Guadeloupe, Martinique, Guyane se lancent dans la Trap, on peut citer par exemple le chanteur Dawa avec son crank " Ki zeb ki shit " ou encore " Pa fè Marche arrière" ou encore Gamgi G, Walton et STG (sur Baie-Mahault en Guadeloupe) ou Lyrrix, Reyel Ay, véritables précurseurs du genre dans la région. Cependant, c'est à partir de 2010 que le genre a connu son apogée dans le paysage musicale antillo-guyanais. Comme leurs idoles américaines, ces chanteurs relatent dans leurs textes non édulcorés, la réalité du ghetto, les problématiques de la jeunesse fortement tentée par l'argent facile dû au trafic de drogue, au vol. Un contexte qui pousse nombre de jeunes à chercher une forme de musique en rapport avec leur quotidien.
Les paroles crues, qui traitent de la drogue, de la violence, et de la lutte pour la reconnaissance et le succès, trouvent un certain écho dans les îles des Antilles françaises, où le trafic de cocaïne et les vols avec violence font les choux gras de la presse locale. Très mal considérée par les autorités judiciaires pour les messages qu'elle véhicule, la musique Trap est assimilée à tord ou à raison, à des collectifs d'artistes au passé sulfureux, que les forces de l'ordre comparent à des gangs. Il est vrai, comme aux Etats-Unis, aux Antilles et particulièrement en Guadeloupe, ces collectifs ont des couleurs distinctives, des territoires donnés et qui font régulièrement parler d'eux dans les journaux locaux pour les délits qu'ils commettent. Pourtant, au delà du sulfureux, ces artistes sont eux aussi des précurseurs de la Trap Créole, c'est le cas de la Sektion Krim ancienne Génésis prod sur Pointe-à-Pitre et ennemis jurés des membres de CLR ( Chien Lari ) sur Baie-Mahault ou encore HKM ( Hyenes Ka Modé ) sur Sainte-Rose . A la Martinique aussi, les ORIGINAL PIRATES sont souvent pointés du doigt par les autorités pour les activités illicites dont on les accuse, ou encore Evil P, précurseur de la Trap sur l'île aux fleurs. Malgré ce passé sulfureux, ces artistes chantent leur réalité, la vie dans le ghetto où le seul objectif est de faire l'argent peu importe la façon afin de sortir de la misère et ce malgré les risques.
Malgré la petite superficie du marché musical antillo-guyanais, la Trap se taille une bonne part du gâteau de ce juteux marché musical. A l'image de ses grandes soeurs américaines et françaises, de plus en plus d'artistes sont sortis de l'ombre avec des tubes grâce aux plateformes d'écoutes en ligne, c'est le cas d'artistes tel que Mercenaire, Tency, Jooslyf, Engenor, Lion P, AVN, Jozii, Marginal, Célas, Edstyle etc tant de noms pour une liste très longue. Longtemps marginalisés de part le passé, les textes véhiculés, nul ne pouvait ignorer les milliers de vues réalisées sur chacun des clips visibles sur Youtube. Longtemps marginalisés par les radios locales adeptes aux musiques plus puritaines, ils sont de plus en plus nombreux à être diffusés sur les ondes comme c'est le cas des chanteurs, Keros'n, Pon2mik, T-Kimp Gee... D'autres encore parviennent à faire sauter les barrières et à se faire signer par des labels de musique indépendants au niveau national, nous pouvons citer les jeunes Meryl et Tiitof Sparta tous deux signés sur le Label national All Point ( filiale de BELIEVE). Désormais, la trap créole a même l'audace de passer dans des émissions de radios spéciale rap tel que Planète Rap sur SKYROCK comme ce fut le cas, la semaine dernière avec une semaine spéciale Meryl sur la radio 100% rap. Face au succès, même des artistes 100% dance hall comme Admiral T ou KRYS ont fait des sons Trap afin de viser un public encore plus jeune que celui de leur début. utant dire que la Trap sauce créole est loin d'être un phénomène de mode et, au contraire, elle a de longs jours devant elle.