Il s'agit là, sans doute d'une avancée majeure dans le très tonitruant dossier du chlordécone. Le Sénat a adopté en première lecture, l'amendement défendu par les sénateurs socialistes, visant à la prise en charge intégrale par l'État du test de dépistage du taux de Chlordécone dans le sang pour les populations de la Guadeloupe et de la Martinique.
Il y a une semaine la Commission Parlementaire remettait son rapport qui fait suite à six mois d'enquêtes et d'auditions en France mais principalement en Guadeloupe et à la Martinique sur l'utilisation du Chlordécone dans les deux îles. Cette mission parlementaire présidée par l'ancien président et député de la Martinique Serge Letchimy a établit la responsabilité de l'Etat;
L'un des buts de cette commission était de comprendre clairement comment ce pesticide jugé toxique dès la fin des années 70 a pu être utilisé en toute connaissance de cause dans les bananeraies antillaises jusqu'en 1993. Près de 40 ans après, 95% des Guadeloupéens et 92% des Martiniquais sont aujourd’hui, selon Santé Publique France, contaminés par le produit, qui a aussi des incidences sur le développement des enfants exposés pendant la grossesse, avec une hausse des risques de prématurité notamment.
Le Chlordécone se retrouve aussi dans l’eau, certains légumes, viandes et poissons, entraînant des interdictions de cultiver certains produits et des interdictions de pêche, aux conséquences économiques importantes.
Après quarante ans de longs secrets, la Commission a établi une liste de mesures ouvrant la voie à une éventuelle réparation morale et surtout financière à l'attention des populations désormais contaminées. Parmi toutes ces mesures, les parlementaires préconisaient la mise en place d’un dépistage pour toutes les populations vulnérables et des mesures de traçabilité de tous les produits alimentaires issus des circuits formels et informels dans les trois années à venir. Actuellement, un dépistage sanguin coûte entre 140 et 80 euros. De plus cette demande légitime avait été refusée par l'Assemblée Nationale.
Finalement la proposition défendue par les sénateurs des deux Départements Français d'Amérique a été approuvée par le Sénat qui n'est autre que la Chambre haute du Parlement français. Il s'agit d'une avancée majeure dans le très tonitruant dossier du Chlordécone. Cette décision historique permettra de prévenir les pathologies liées à la contamination durable des sols, des sous-sols, et des cours d'eau de la Guadeloupe et de la Martinique. Encore faudrait il que les députés de l'Assemblée Nationale suivent le pas en votant le Projet de loi de finance pour 2020 leur sera soumis de nouveau pour examen.
Ils ont dit :
Désormais que la responsabilité de l’Etat est clairement établie dans ce drame humain, sanitaire, économique, la puissance publique doit prendre « toute sa part » afin d’agir en réparation du préjudice subi par l’exposition durable à ce perturbateur endocrinien.
Je remercie mes collègues qui, sur l’ensemble des bancs de la Haute-Assemblée, ont participé poser cet acte majeur pour la prévention des pathologies liées à la contamination durable des sols, des sous-sols et des cours d’eau de la Guadeloupe et de la Martinique.
Je remercie mes collègues qui, sur l’ensemble des bancs de la Haute-Assemblée, ont participé à poser cet acte majeur pour la prévention des pathologies liées à la contamination durable des sols, des sous-sols et des cours d’eau de la Guadeloupe et de la Martinique.
Le Chlordécone un poison autorisé :
L'Histoire du Chlordécone remonte au début des années 1970 la Commission des toxiques refuse à deux reprises l’homologation de la molécule : elle fait partie de la famille des organochlorés, toxiques, on a vérifié qu’elle s’accumule dans les tissus animaux ainsi que dans l’environnement, où elle est extrêmement persistante.Cela n’empêche pas le ministre de l’agriculture, un certains Jacques Chirac de donner son aval en 1972. Il délivre une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) provisoire pour le chlordécone sous la dénomination commerciale de Képone. Trois ans plus tard, le chlordécone sera interdit aux Etats-Unis.
Le Chlordécone est en effet le seul pesticide qui vient alors à bout du charançon du bananier. Or il y a péril dans les îles : relent de l’économie coloniale, la Martinique et de la Guadeloupe sont dédiées à la banane, une quasi monoculture d’exportation vers la métropole française. La molécule miracle n’obtient qu’une autorisation provisoire d’une année. Elle n’a cependant été réexaminée qu’en 1976, pour être prolongée.Un an plus tôt, un grave accident marque précocement l’histoire du chlordécone. À l’usine d’Hopewell (Virginie), l’une des trois qui fabriquent le pesticide aux États-Unis, plusieurs dizaines de personnes sont en 1975 victimes d’intoxication au chlordécone en raison de mesures de précaution insuffisantes. Des employés sont affectés, mais aussi des riverains, du fait des rejets dans les eaux. Les examens établissent un lien de cause à effet avec des troubles neurologiques apparus à la suite (tremblements, nervosité…). Conséquence : les États-Unis bannissent le chlordécone dès 1977.
Pourtant aux Antilles Françaises, les pulvérisations se sont poursuivies trente ans après. A croire qu'ils étaient sourds ou aveugle. D'aucun ne pourra dire, qu'il ne savait pas. A cette époque, de forts indices de pollutions et des preuves locales de contamination desécosystèmes ou des aliments ont été cités de manière récurrente depuis la fin des années 1970, notamment par les rapports suivants :le rapport Snégaroff (INRA, 1977) ;le rapport Kermarec, 1979-1980 ;une étude de l’estuaire du Grand Carbet (UNESCO, 1993) ;le rapport Balland-Mestres-Faget, mission d’inspection diligentée par les ministères de l’environnement et de l’agriculture (1998).
D'autres rapports suivront dans les années 2000, mais aucune interdiction n'est engagée par le Gouvernement, aveuglé par l'argent du Lobby (béké) des producteurs de banane. Lobby qui tient les mêmes discours pour que les pulvérisations se poursuivent : Concurrence avec la Banane Dollar et les intempéries. Dans le reste du Monde, le pesticide est interdit , aux Antilles-Françaises, il sera utilisé jusqu’en 1993, date où il perd enfin son autorisation. Malgré son interdiction, l'insecticide est toujours présent dans les sols où il peut persister environ 700 ans.