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Chlordécone : L'Etat savait tout !


De passage à la Martinique et en Guadeloupe depuis le 16 Septembre, pour une série d'auditions, la Commission Parlementaire Chlordécone a eu son lot de révélations. Parmi toutes les personnes auditionnées, c'est évidemment Éric Godard qui a retenu l'attention des parlementaires. L'ancien délégué interministériel en charge du dossier chlordécone dès 1991 le laboratoire de l'école de la santé avait détecté le chlordécone dans l'eau de Martinique et de Guadeloupe.

La Commission n'a pas encore rendu son rapport que déjà,les réactions abondent et, ce n'est que le début.

De passage aux Antilles-Françaises pour une série d'auditions autour de l'épineux dossier du Chlordécone et du Parraquat. Parmi toutes les personnes auditionnées, on a noté le passage remarqué de l'ancien délégué interministériel en charge du dossier chlordécone. L'ancien fonctionnaire de l'ARS, a révélé que la pollution des eaux en Guadeloupe et à la Martinique était connue des autorités depuis longtemps. L'Etat aurait donc laissé volontairement, les populations locales boire de l'eau contaminée au Chlordécone. A son arrivée à l'ARS Martinique, Eric Godard a révélé la pollution des eaux de rivière dès son arrivée. Pourtant, avant cette date, l'Etat affirmait contrôler régulièrement la qualité des eaux et prétendait même qu'il n'y avait aucune présence de Chlordécone dans l'eau consommée par les guadeloupéens et les martiniquais.

Toujours selon Eric Godard, un certain Luc Multigner lui aurait dit,( et dont les propos émanent de l'ancien Directeur du Laboratoire d'Alcool et de la Santé) que la molécule de Chlordécone avait été détectée dès 1991 suite à des analyses demandées par l'ARS. L'ancien directeur du Laboratoire d'Alcool et de la Santé aurait rapporté cela à l'autorité sanitaire qui, lui aurait répondu " qu'il fallait recherché la liste des molécules demandées et non celles qui n'ont pas été demandées ". Le chlordécone n'en faisait pas partie.

Fraudes, trafics et épandages illégaux.

Avec ses révélations, Eric Godard confirme les doutes et les accusations déjà émises par les grands acteurs de la lutte anti-chlordécone. L'Etat savait que le Chlordécone était présent dans les eaux et dans les aliments des guadeloupéens et des martiniquais depuis plusieurs années, mais n'aurait rien fait. Au contraire, les épandages se seraient poursuivis en toute illégalité, cependant le gouvernement était au courant de ces pratiques illégales.

Au cours de son audition, Éric Godard va expliquer qu'il n'a pas de preuves de vente du chlordécone après 1993 mais qu'il en a souvent entendu parler. Il évoquera aussi des trafics de chlordécone qu'il suppute étant donné le très bon état des sacs du pesticide saisis en 2002. Plus probant encore, il expliquera avoir été témoin d'échanges de mails entre la DIREN (Direction de l'environnement) et la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) faisant état de fraudes, de trafics organisés même.

Un trafic, sans doute organisé par les puissants planteurs de bananes regroupés que depuis 2003, au sein de l'Union des Groupements de Producteurs de Bananes de Martinique et de Guadeloupe (UGPBAN) et pour la grande majorité d'entre eux, membres de la caste des békés, descendants des anciens propriétaires d'esclaves. Surtout quand on sait que le Chlordécone a été interdit sur le territoire de la France Hexagonale en 1990 pour protéger la santé de la population alors qu'aux Antilles-Françaises,à la demande des planteurs Békés, l'Etat l'autorisait. Il y a donc eu, un empoisonnement volontaire des sols et des populations avec la complicité de l'Etat.

Pour rappel, le scandale sanitaire a débuté en 2002, avec l’arrivée des patates de Martinique au port de Dunkerque en 2002 a rendu l’affaire publique. Sans aucune hésitation, au nom de la santé de la population française, les patates empoisonnées ont été détruites, comme le relate un article de Libération :

« Une tonne et demie de patates douces accommodées au chloredecone, un insecticide ultra-toxique strictement interdit en France depuis 1990. Voilà ce qu'ont découvert les limiers de la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF), le 23 août, sur le port de Dunkerque, en provenance de la Martinique. Dans les flancs du cargo Douce France alpagué par les services de Bercy «sur information» (c'est-à-dire sur renseignement ou dénonciation), les flics des fraudes ont trouvé 23 «cartons» de patates douces, toutes vérolées comme l'ont confirmé les analyses réalisées sur place. Expéditeur : le groupe Gipam, un groupement d'exportateurs de bananes en Martinique. Destination finale prévue : Rungis et son Marché d'intérêt national. Destination finale réelle : un incinérateur pour destruction totale et discrète de la marchandise, après signalement au parquet. «Nous avions là un gros problème de police sanitaire, il fallait agir très vite», commente l'un des protagonistes du dossier. «Ce n'est pas que le chloredecone se trouvait en quantités très importantes sur ces patates douces : les traces retrouvées étaient assez faibles, quoique potentiellement dangereuses pour certains sujets», tente de rassurer un responsable de la santé publique. «Mais l'interdiction doit être strictement respectée. Il n'y a pas, en l'espèce, de seuil tolérable ou de liberté à prendre avec la loi», explique-t-il. »

Le Chlordécone un poison autorisé :

L'Histoire du Chlordécone remonte au début des années 1970 la Commission des toxiques refuse à deux reprises l’homologation de la molécule : elle fait partie de la famille des organochlorés, toxiques, on a vérifié qu’elle s’accumule dans les tissus animaux ainsi que dans l’environnement, où elle est extrêmement persistante.Cela n’empêche pas le ministre de l’agriculture, un certains Jacques Chirac de donner son aval en 1972. Il délivre une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) provisoire pour le chlordécone sous la dénomination commerciale de Képone. Trois ans plus tard, le chlordécone sera interdit aux Etats-Unis.

Le Chlordécone est en effet le seul pesticide qui vient alors à bout du charançon du bananier. Or il y a péril dans les îles : relent de l’économie coloniale, la Martinique et de la Guadeloupe sont dédiées à la banane, une quasi monoculture d’exportation vers la métropole française. La molécule miracle n’obtient qu’une autorisation provisoire d’une année. Elle n’a cependant été réexaminée qu’en 1976, pour être prolongée.Un an plus tôt, un grave accident marque précocement l’histoire du chlordécone. À l’usine d’Hopewell (Virginie), l’une des trois qui fabriquent le pesticide aux États-Unis, plusieurs dizaines de personnes sont en 1975 victimes d’intoxication au chlordécone en raison de mesures de précaution insuffisantes. Des employés sont affectés, mais aussi des riverains, du fait des rejets dans les eaux. Les examens établissent un lien de cause à effet avec des troubles neurologiques apparus à la suite (tremblements, nervosité…). Conséquence : les États-Unis bannissent le chlordécone dès 1977.

Pourtant aux Antilles Françaises, les pulvérisations se sont poursuivies trente ans après. A croire qu'ils étaient sourds ou aveugle. D'aucun ne pourra dire, qu'il ne savait pas. A cette époque, de forts indices de pollutions et des preuves locales de contamination desécosystèmes ou des aliments ont été cités de manière récurrente depuis la fin des années 1970, notamment par les rapports suivants :le rapport Snégaroff (INRA, 1977) ;le rapport Kermarec, 1979-1980 ;une étude de l’estuaire du Grand Carbet (UNESCO, 1993) ;le rapport Balland-Mestres-Faget, mission d’inspection diligentée par les ministères de l’environnement et de l’agriculture (1998).

D'autres rapports suivront dans les années 2000, mais aucune interdiction n'est engagée par le Gouvernement, aveuglé par l'argent du Lobby (béké) des producteurs de banane. Lobby qui tient les mêmes discours pour que les pulvérisations se poursuivent : Concurrence avec la Banane Dollar et les intempéries. Dans le reste du Monde, le pesticide est interdit , aux Antilles-Françaises, il sera utilisé jusqu’en 1993, date où il perd enfin son autorisation. Malgré son interdiction, l'insecticide est toujours présent dans les sols où il peut persister environ 700 ans.

Les auditions de la commission d'enquête parlementaire sur la pollution au chlordécone et au paraquat se poursuivent avec dans quelques jours les membres de l'État. Le rapport final devra être rendu le 4 décembre prochain.

Revoir une partie de l'audition d'Eric Gordard :

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