Depuis plusieurs années, le CIRAD mènent des recherches en matière d'amélioration des rendements agricoles qui se veulent plus respectueux de l'environnement. Après, la CIRAD 925, commercialisée depuis l'an dernier dans les supermarchés, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, a dévoilé sa nouvelle banane 100% bio.
Le CIRAD est une référence quand il s'agit de la recherche agroalimentaire. Ses activités relèvent des sciences du vivant, des sciences sociales et des sciences de l’ingénieur appliquées à l’agriculture, à l’alimentation, à l’environnement et à la gestion des territoires. Il travaille autour de grandes thématiques telles que la sécurité alimentaire, le changement climatique, la gestion des ressources naturelles, la réduction des inégalités et la lutte contre la pauvreté.
L'objectif principal est de bâtir une agriculture durable, adaptée aux changements climatiques, capable de nourrir 10 milliards d’êtres humains en 2050, tout en préservant l’environnement.Ce développement par la recherche repose sur la capacité des pays à se doter d’un système d’enseignement supérieur et de recherche adapté, soutenu par les pouvoirs publics, mais ayant une réelle autonomie d’action.
Depuis quelques années, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, développe de nouvelles variétés de banane. En 2008, à l'initiative du ministère de l'Agriculture, les agriculteurs de Guadeloupe et de la Martinique s'étaient engagés à réduire l'utilisation des pesticides chimiques, et surtout à privilégier les pratiques agricoles respectueuses des hommes et de l'environnement.
L'an dernier, le Centre de recherches dévoilait déjà sa première variété de banane nommée, la CIRAD 925 qui se veut plus résistante la cercosporiose noire, nom du champignon qui a ravagé il y a quelques années de cela, la grande majorité des champs de banane des Antilles-Françaises.
Dans la continuité de leurs recherches, les chercheurs ont annoncé avoir développé des bananes 100% bio. C'est en Guadeloupe que cette variété de bananes est cultivée. Selon les scientifiques, elle respecterait le cahier des charges de l'agriculture biologique européenne. Elle bénéficierait d'un mode de production et de transformation respectueux de l’environnement, du climat, de la biodiversité, de la santé des consommateurs.
Le nom de ces bananes locales biologiques : " La Pointe d'or " qui se veut, résistante aux maladies et particulièrement à la cercosporiose noire. [Maladie majeure des bananiers causée par un champignon microscopique Mycosphaerella fijiensis Morelet. Cette maladie est présente dans toutes les principales zones de production de banane de la planète et représente une réelle menace économique, écologique et sociale pour les Antilles.]
La Guadeloupe est le département test pour la culture de "la Pointe d’Or." Mais si la demande est forte, les surfaces de production devront s’agrandir. A la Martinique, un projet avec la banane cavendish, celle qui est commercialisée par l’UGPBAN, (l’Union des Groupements de Bananes de Guadeloupe et de Martinique) est à l’étude avec le CIRAD.
Tourner la page du Chlordécone :
Cultivée depuis plusieurs milliers d'années à différents points du globe
( Afrique de l’Est et Ouest, Chine, Asie-du-Sud Est, Mélanésie, dans le Pacifique Sud), la banane fut importée en Méditerranée (Afrique du nord et Espagne) par les Arabes à partir de 650. Par la suite, au début XVIe siècle, les Portugais l’implantent dans les Canaries et de là en 1516 le frère Tomas de Berlanga prélève des rejets dans le cloître des franciscains près de Las Palmas et les transporte à Hispaniola. De là, la culture de la banane va gagner l'ensemble du sud du continent Américain. À la fin du XIXe siècle la culture du bananier devint un enjeu économique important influant même des choix politiques internationaux.
C'est à partir de ce moment que la culture des bananiers s'est intensifiée au point de faire de la banane l'un des fruits les plus consommés sur Terre. Cependant, l'intensification de la culture bananière a entraîné de graves dommages sur l'environnement.
Ainsi, la Guadeloupe et la Martinique sont depuis vingt-cinq ans secouées par le scandale du Chlordécone. Pesticide ultra-toxique, utilisé massivement dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique pendant plus de trente ans à partir de 1972 pour lutter contre le charançon de la banane, un insecte qui détruisait les cultures, Ce pesticide ultra-toxique est un perturbateur endocrinien reconnu comme neurotoxique, reprotoxique (pouvant altérer la fertilité), et classé cancérogène possible dès 1979 par l’Organisation mondiale de la santé. La France fini par l’interdire en 1990. Malgré sa toxicité, le chlordécone a toutefois été autorisé aux Antilles jusqu’en 1993 par deux dérogations successives, signées par les ministres de l’agriculture de l’époque. A partir du début des années 2000, on a découvert que le chlordécone, qui passe dans la chaîne alimentaire, avait non seulement contaminé les sols, mais aussi les rivières, une partie du littoral marin, le bétail, les volailles, les poissons, les crustacés, les légumes-racines... et la population elle-même. Ainsi c'est la quasi-totalité des antillais soit 800 000 personnes ( Guadeloupe / Martinique) qui sont contaminées, du fait l'intoxication qui se fait par voie alimentaire.
Pour ce qui est des effets, pour rappel, en 1975, les ouvriers de l’usine Hopewell (Virginie), qui fabriquait le pesticide, ont développé de sévères troubles neurologiques et testiculaires après avoir été exposés à forte dose : troubles de la motricité, de l’humeur, de l’élocution et de la mémoire immédiate, mouvements anarchiques des globes oculaires...Ces effets ont disparu par la suite, car le corps élimine la moitié du chlordécone au bout de 165 jours, à condition bien sûr de ne pas en réabsorber. Mais l’accident fut si grave que les Etats-Unis ont fermé l’usine et, ils ont fini par bannir le produit dès 1977.
Selon une étude menée en 2012 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le chlordécone augmente non seulement le risque de prématurité, mais qu’il a aussi des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons. Il est aussi fortement soupçonné d’augmenter le risque de cancer de la prostate, cancers dont le nombre en Martinique tient le record du monde. La Guadeloupe fait aussi partie des zones les plus touchées par cette maladie. Le cancer de la prostate est deux fois plus fréquent et deux fois plus grave aux Antilles qu’en France Hexagonale.
En matière de prévention et de protection des populations, le Gouvernement a tardé, préférant mener la politique de l'autruche. Niant les effets dévastateurs du Chlordécone pour la santé et l'environnement. Par exemple, il aura fallut attendre 2004 pour qu'un préfet prenne la décision d'interdire la consommation de fruits de mer aux environs de Capesterre-Belle-Eau. Par la suite, des sources d’eau ont été fermées, d’autres traitées, et des zones entières ont été interdites à la culture, étendues par la suite à la pêche. Les Antilles sont donc contaminées pour des siècles, car la molécule est très persistante dans l’environnement − jusqu’à sept cents ans.
Une labellisation pour faire la différence :
Depuis quelques années, des bananes dites " bios" ont fait leur apparition dans les étalages des rayons fruits et légumes des grandes surfaces. Une grande majorité d'entre elles sont produites Équateur, Costa-Rica, République dominicaine, Brésil ou Pérou... Des pays qui ne sont pas toujours très vertueux en ce qui concerne une culture respectueuse de l'environnement et qui pourtant, eux aussi se lancent dans la production de bananes " bios". Néanmoins : « Ces bananes sont estampillées bio. Mais le consommateur est abusé. Les producteurs autorisent les épandages aériens et peuvent passer jusqu’à 25 fois avec une huile, le banole, que nous ne pouvons passer que six fois en France, en conventionnel. Par ailleurs, ils peuvent utiliser 14 substances interdites chez nous, sans parler du fait que socialement, on est largement meilleur. Un Haïtien en République dominicaine est payé 5 dollars par jour ».
Puis, comme le rappelait en 2017, Éric de Lucy, président de l'UGPBAN, l'Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et de Martinique : « Ces pays utilisent 25 produits phytosanitaires, y compris par traitement aérien, dont 14 ne sont pas autorisés en Europe... En Equateur, les producteurs peuvent utiliser 95 produits chimiques, dont une trentaine interdits en Europe. »
En développant des produits de qualité et vraiment biologique, les chercheurs du CIRAD cherche à faire de la banane antillaise, une banane d'excellence sur le marché national, européen et mondial. Pour rappel, la filière compte aujourd'hui 600 producteurs (400 en Martinique, 200 en Guadeloupe) et produit 250.000 tonnes de bananes par an. En 10 ans, elle a baissé de 65% l'utilisation des pesticides chimiques et entend encore les réduire de 25% d'ici 2020. De plus, en 10 ans, ils ont réduit leur épandage de près de 70%. Ces nouvelles bananes 100% bio sont vues comme des lueurs d'espoir pour une profession dont l'image a été ternie par ce scandale environnemental. Il s'agit donc pour les planteurs de préparer l'après-chlordécone en proposant aux consommateurs des bananes respectueuses de l'environnement et de leur santé.