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2009-2019: 10 ans du LKP.


Il y a dix ans, la Guadeloupe et la Martinique s’embrasaient. Durant 44 jours, guadeloupéens et martiniquais arpentaient les rues de Pointe-à-Pitre, Basse-Terre et Fort-de-France, pour demander une plus grande justice sociale. Depuis, c’est l’ensemble des Départements d’Outremer qui se sont soulevés, dénonçant les mêmes problèmes : chômage endémique, insécurité, problème d’eau potable, immigration clandestine, inégalité salariale. 10 ans après, les mêmes problèmes resurgissent. Hier, la Guadeloupe et la Martinique, aujourd'hui l'île de La Réunion, mais jusqu'à quand ?

En ce début d’année sur le web, un nouveau Challenge est apparu, le #10YearsChallenge. Le principe, l’utilisateur poste une photo avant/après de lui à 10 ans d’intervalle soit, 2009 / 2019. A travers ce défi, Facebook nous rappelle que le partage de contenus sur le plus grand réseau social a commencé en 2009. Mais 2009, c’est aussi le début de la contestation sociale dans les Départements d’Outremer. Depuis dix ans, de la Guadeloupe à la Martinique en passant par Mayotte, la Guyane et La Réunion, des mouvements sociaux extraordinaires se sont déroulés.

Il y a dix ans, la Guadeloupe et la Martinique s’embrasaient. Durant 44 jours, guadeloupéens et martiniquais arpentaient les rues de Pointe-à-Pitre, Basse-Terre et Fort-de-France, pour demander une plus grande justice sociale. Depuis, c’est l’ensemble des Départements d’Outremer qui se sont soulevés, dénonçant les mêmes problèmes : chômage endémique, insécurité, problème d’eau potable, immigration clandestine, inégalité salariale. 10 ans après, les mêmes problèmes resurgissent. Hier, la Guadeloupe et la Martinique, aujourd'hui l'île de La Réunion, mais jusqu'à quand ?

Tout a débuté fin 2008, avec la flambée des prix du carburant en Guyane. En colère, les guyanais sortent dans les rues pour dénoncer le coût de la vie. La situation insurectionnelle et les barrages érigés pour l’occasion, pousse le Gouvernement et les Collectivités locales à négocier les prix à la pompe. Le mouvement s'estompera mais gagnera les Antilles-Françaises.

Pour la première fois dans l’histoire, plusieurs organisations syndicales, des associations de la société civile et des petits partis politiques s’unissent autour du plus grand syndicat de l’île l’UGTG et son jeune porte-parole, Elie Domota. 160 revendications regroupées autour de 10 points généraux de revendication sont portées par le collectif baptisé : LKP, pour Lyannaj Kont Pwofitasyon, qu’on pourrait traduire par : Ensemble contre toutes les formes d’exploitation. Les syndicalistes guadeloupéens réclament en autre, la fin de la « la vie chère » ( NDLR : nom donné au coût extrême de la vie dans l’Outremer français ) avec la baisse des prix jugés abusifs de certains produits de base, comme le carburant et l'alimentation, ainsi qu'une demande de revalorisation des bas salaires, la valorisation de la langue et de la culture créole, la priorité à l’embauche des guadeloupéens etc. Très vite, le conflit s’enlise car, les patrons et le préfet de l’époque refuse de céder aux revendications syndicales. Les stations services sont alors fermées, tous les axes routiers de l’Archipel sont bloqués, les Guadeloupéens manifestent leur colère et la Guadeloupe est paralysée.

Le 5 Février 2009, le mouvement social gagne la Martinique. 15 000 à 20 000 manifestants se rassemblent à Fort-De-France contre la vie chère. Les revendications sont similaires. Les syndicalistes martiniquais demandent la fin de la vie chère, un meilleur contrôle des prix dans les grandes surfaces, la revalorisation des salaires avec augmentation de 200€… Sur les deux îles, la grève touche tous les secteurs; privés publics avec notamment les stations services les petits et grands commerces, les hôtels et les industries liés au tourisme, les établissements scolaires et les transports publics. La grève générale décrétée par les organisations syndicales des deux îles entraîne une pénurie des carburants dans les stations services, ce qui contribua au succès du mouvement. D’ailleurs l’une des principales mesures demandées, est la réduction immédiate de 50 centimes. Le Gouvernement force donc la main de la SARA, filiale de la société Totale, qui depuis sa création en 1969 est en situation de quasi-monopole dans les DROM de Guadeloupe, Martinique et Guyane. Pour compenser, les pertes, la Société Anonyme de la Raffinerie des Antilles exige une participation de l’Etat français. Cette mesure ne tiendra pas plus de six mois et, en septembre 2009, la première hausse du prix du carburant est annoncée, déclenchant la foudre des syndicalistes du LKP, qui menacent de retourner manifester dans la rue.

Un syndicaliste du LKP tué par balle près d’un barrage :

Très vite, les manifestations pacifiques laissent place à des violences urbaines sans précédent. Entre les magasins pillés, les voitures et les poubelles brûlées, les scènes de guérilla urbaine entre bandes de jeunes et forces de l’ordre, dans les grands centres urbains de la Guadeloupe et de la Martinique, la situation devient insurrectionnelle. A cela s’ajoute les rumeurs mêlées à un profond ressentiment racial prenant racine dans l’histoire des deux îles. Les violences font des blessés dans les deux camps. Le 17 février le syndicaliste Jacques Bino est tué par balle près d’un barrage tenu par des jeunes, alors qu’il rentrait chez lui après une manifestation. Les enquêteurs arrêtent rapidement un suspect Rudy Alexis, qui n’a cessé de clamer son innocence. Acquitté en 2012 par le Parquet de Basse-Terre, il est de nouveau jugé en appel à Paris où il sera finalement blanchit. Néanmoins, jusqu’à ce jour, personne ne sait qui a tué Jacques Bino. Aucune enquête n’a été ouverte.

Protocole d’accord et fin du conflit :

Le 5 mars 2009 après 44 jours de bras de fer entre l’Etat, les syndicats et le MEDEF, un accord est signé par Elie Domota du LKP, le préfet de l’époque Nicolas Desforges représentant l’Etat et Victorin Lurel alors président du Conseil Régional. Cet accord a mis officiellement fin à la grève en répondant aux revendications populaires. Cet accord prévoit notamment une augmentation de 200 euros pour les bas salaires, prise en charge par les entreprises ( 50 €), les collectivités locales ( 50€) et l’Etat ( 100€). A la Martinique, le mouvement mené par le collectif du 5 Février, qui fut émaillé de violence s’achève le 14 Mars, au bout de 38 jours de grève générale, émaillée par des violences. Un accord est signé par les membres du Collectif, le patronat représenté par le MEDEF, les collectivités territoriales et l’Etat. Cet accord prévoit notamment une hausse des salaires de 200 € pour 60% des salaires du privé.

Quelles conséquences 10 ans après ?

L’unité autour de la cause sociale a très vite laissé place à une colère générale. Beaucoup de Guadeloupéens et de Martiniquais ont perdu leur emploi après 2009. Certains reprochent aux syndicalistes d’avoir été trop loin dans les revendications, car, de nombreuses petites et moyennes entreprises n’ont pas survécu à l’augmentation salariale imposée par les accords. Il faut dire que, l’Etat et les collectivités territoriales n’ont pas respecté leurs engagements, laissant la charge salariale aux PME. Autant dire que les 200 €d’augmentation, point central des revendications n’ont pas été respectés notamment par les grandes entreprises.

A l’époque, Willy Angèle avait prédit un taux de chômage de 30% suite à la longue grève à laquelle l’Archipel faisait face. Une opinion plus ou moins partagée par Nicolas Vion qui était le président du groupement hôtelier et touristiques de Guadeloupe qui déclarait en Février 2009, que “ des licenciements sont inéluctables “. En 2008, avant le mouvement, le taux de chômage était de 22%. En 2017 il avoisinait les 23,4%, en 2018, il était à 22,4% pour la population active, dont près de 43,3% de chômage chez les jeunes entre 15-24 ans. A la Martinique où il est un peu plus faible, il s’élève tout de même à 18% pour la population active et 40% pour les jeunes entre 15-24 ans. Nous sommes loin des 30% annoncés, mais ces chiffres place néanmoins la Guadeloupe et la Martinique comme les départements français les plus touchés par le chômage.

En ce qui concerne le tourisme, ce secteur d’avenir, se porte relativement bien. Longtemps cantonné à un rôle secondaire, il devient désormais l’industrie prometteuse. En effet, l’année 2018 a été une année record pour l’aéroport Pôle Caraïbe. Le trafic de passagers a augmenté de 10,5 % en novembre 2018 par rapport à novembre 2017. En tout, 167 282 passagers ont été accueillis, soit près de 16 000 de plus par rapport à novembre 2017.

Un trafic porté notamment par la 11èmeédition de la Route du Rhum et la reprise des opérations de la Norwegian, qui a également ouvert deux autres lignes vers Montréal et Cayenne. D’ailleurs, le marché nord-américain décolle à 27,5% grâce entre autres aux trois vols hebdomadaires vers la capitale québéquoise. La destination New York fait quant à elle un bond de 21,5%. Enfin, le marché hexagonal fait aussi un bond de 13,5%, soit 5 points de plus que la croissance moyenne observée tout au long de l’année, liée notamment à l’événement Route du Rhum, précise RCI. L’aéroport Guadeloupe Pôle Caraïbes enregistre également une augmentation de 14,5% sur les destinations Caraïbes, hors Antilles françaises.

Le trafic régional est cependant plus nuancé. L’ouverture de la destination Cayenne au départ de Guadeloupe est au beau fixe, avec une progression de 20,8%. La destination Fort-de-France en Martinique reste stable avec 30 000 passagers. Le trafic vers Saint-Martin et Saint-Barthélemy est en revanche toujours en recul. Globalement, de janvier à novembre 2018, le trafic augmente de 4,3%, soit 87 600 passagers en plus, et s’élève à 2 212 091 passagers transit inclus

Malgré ce succès, 10 ans après les mouvements sociaux de 2009, les Antilles vivent une crise sociale sans précédent. Faute de trouver un emploi décent chez eux, les jeunes antillais diplômés ou non, quittent leurs îles par milliers pour tenter leur chance en France ou ailleurs dans le monde. Du jamais vu dans l’Histoire de la Guadeloupe et de la Martinique. En l’espace de 5 ans, la Guadeloupe a perdu 10 000 habitants passant de 404 600 habitants en 2011 à 397 000 habitants en 2017, désormais l’île compte environ 394 100 habitants en 2018 soit une baisse de 3000 habitants en une année. La Martinique, quant à elle, connaît une tendance beaucoup plus accentuée de la baisse de sa population. Selon l’INSEE, l’île aux fleurs aurait perdu 16 000 habitants en cinq ans. Une baisse de la population qui en dit long sur la crise économique et sociale que traversent ces territoires autrefois prospères. A noter que, la Guadeloupe et la Martinique sont les seuls territoires français à connaître une si forte baisse de leur population.

La classe politique quant à elle, peine à trouver des solutions viables pour redresser l’économie et empêcher cette nouvelle saignée humaine, cinquante ans après le BUMIDOM. Si une nouvelle crise mondiale se déclare, les Antilles-Françaises ne se relèveront pas.

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