Sixième jour de manifestation et de blocage sur l'île de La Réunion. Des affrontements ont encore une fois opposé des bandes de casseurs aux forces de l'ordre complètement dépassées. Longtemps silencieux, le président Emmanuel Macron a réagit sur Twitter, en pronant la plus grande fermeté. En attendant, l'île reste toujours paralysée.
Plus de 30 policiers et gendarmes (16 policiers et 14 gendarmes) blessés dont un grièvement. 109 interpellations, le bilan est lourd pour la paisible île de La Réunion. Depuis maintenant six jours, les réunionnais de décolèrent pas. Supermarchés incendiés, voitures brûlées, commerces pillés et plusieurs centre villes ravagés. L'île de la Réunion est en état de siège. Au delà du Mouvement national des Gilets Jaunes, c'est bien l'expression d'une frustration et d'une colère longtemps cachées.
Même si les Gilets Jaunes se sont désolidarisés des bandes de casseurs, nul ne peut ignorer le profond malaise social qui existe dans cette île où, 29% de la population active est au chômage, 60% des jeunes sont sans emploi. Selon le premier bilan fournit par la Préfecture, il y a eu 16 blessés pour la seule nuit de mardi à mercredi. Depuis bientôt une semaine, la Police et la Gendarmerie sont débordées car, elles doivent intervenir sur plusieurs fronts.
Pourtant, 120 gendarmes et 107 policiers ont été déployés, renforcés par 80 gendarmes de Mayotte. Hier on apprenait qu'un autre escadron de 80 gendarmes arriverait sur l'île "pour accroître encore" la sécurisation.
Malgré l'arrivée imminente de ces renforts, les forces de l'ordre se sentent impuissantes face à ces bandes toujours plus nombreuses : Depuis des années, nous demandons la mise en place d’effectifs massifs, mais nous n’obtenons rien. Pourtant nous sommes trop tributaires de Paris. Le délai pour que des renforts arrivent de Paris est de 1 à 2 jours et on a vu ce qu’il est possible de se passer en un ou deux jours. Une vingtaine de policiers ont déjà été blessés. Etant en sous-effectifs, nous ne sommes pas en sécurité, et si nous, nous ne sommes pas en sécurité, alors nous ne pouvons non plus protéger la population.Très sincèrement, nous nous sentons abandonnés de Paris. Depuis le début de cette crise, les collègues tombent comme des mouches. Il faut absolument une arrivée massive d’effectifs.
Stéphane Lebreton, secrétaire départemental du SGP Police FO, interviewé par nos confrères de ImazPressRéunion.
Pour Jean-Luc Lauret, les renforts ne suffiront pas. " La situation est préoccupante. Depuis plusieurs jours les policiers Réunionnais sont fortement mobilisés. Les collègues sont rappelés alors qu’ils sont en repos, ou alors leurs horaires sont décalés en soirée. On ne sait pas quand ça va s’arrêter. Le risque, c’est qu'on ne puisse pas assurer 24h sur 24 si la situation perdure quinze jours ou trois semaines. On n'a jamais connu ça, sur l'île. Même en 1991. Lors de ces émeutes, la situation était conscrite au Chaudron, tandis qu'aujourd'hui il faut courir à tous les coins de l'île... "
Longtemps mué dans un silence, le Président de la République, s'est enfin exprimé sur la question réunionnaise à l'appel du Président de la Région, Didier Robert qui lui avait écrit une lettre
Monsieur le Président de la République,
Suite au mouvement des Gilets Jaunes lancé le 17 novembre dernier, je tiens à vous alerter de la situation extrêmement grave et préoccupante à La Réunion après 5 jours de barrages consécutifs.
Le droit de manifester est un droit que je respecte. Par ailleurs l’action portée par le mouvement des Gilets Jaunes doit pouvoir avoir l’écoute et la prise en considération nécessaire des instances publiques. Les revendications liées au pouvoir d’achat imposent j’en suis convaincu, de vraies mesures rapides à tous les niveaux. La France qui souffre, la Réunion en désespérance qui s’exprime doivent retenir toute notre attention. La dignité est aussi un droit auquel nous sommes attachés.
Mais ce mouvement pacifique des Gilets Jaunes laisse place aujourd’hui à des mouvements de violences qui terrorisent les familles. Pour des raisons de sécurité, les écoles et les établissements publics sont, vous le savez, pour la plupart fermés, les rideaux de nombreux commerçants sont baissés et la population réunionnaise rencontre maintenant de vraies difficultés d’approvisionnements. La paralysie de l’économie de l’île aura évidemment de graves conséquences à tous les niveaux. Plus grave encore, les violences urbaines, les pillages et incendies de magasins se répètent nuit après nuit, ne faisant qu’amplifier le degré de tensions et le sentiment d’insécurité chez les Réunionnais.
C’est une situation de guérilla urbaine à laquelle les services des forces de l’ordre sont désormais confrontés au quotidien et ce, malgré les interventions nombreuses et ciblées que je salue. Les droits fondamentaux et le principe de libertés individuelles ne sont plus assurés. Les services publics sont contraints d’être interrompus, la liberté de circuler dans l’île est mise à mal, l’Etat de droit est littéralement défié. Les éleveurs, agriculteurs, chefs d’entreprises, salariés, familles… sont tous très fortement pénalisés par ce contexte. Cette situation dépasse maintenant très largement le cadre respectable par ailleurs des revendications portées par le mouvement initial des Gilets Jaunes.
Il faut, Monsieur le Président de la République, de manière urgente, entreprendre d’établir le dialogue avec les Réunionnais porteurs de revendications légitimes, des revendications que j’entends et que je défends sur la question globale du pouvoir d’achat. Je partage l’expression du malaise social des Réunionnaises et des Réunionnais qui cherchent par tous les moyens à dire, de parfaite bonne foi et dans le respect des lois de la République, leurs détresses. Leurs appels à plus d’équité et de justice doivent être entendus.
La situation d’urgence que traverse La Réunion exige des réponses d’envergure qui ne sauraient être reportées davantage. Les retards accumulés années après années se mesurent pleinement aujourd’hui. L’Etat doit agir, agir vite sur tous les fronts, pour répondre au malaise profond qui sape les fondamentaux mêmes de la société réunionnaise. Au niveau local, les premières décisions à notre niveau de compétence et en concertation avec la Ministre des outre-mer ont été prises, mais il est évident qu’elles ne sauraient suffire.
Monsieur le Président, je lance un appel solennel pour que vous preniez, à votre niveau de responsabilité, avec le Gouvernement, toutes les mesures nécessaires pour la protection des personnes et des biens dans notre île et le retour à une situation normale.
Je lance également un appel solennel pour que l’Etat engage les mesures d’urgences incontournables et les mesures de fond indispensables comme garanties d’un développement économique et social mieux partagé et plus solidaire.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.
Didier ROBERT Président de la Région Réunion
Une réponse tardive d'Emmanuel Macron :
C'est par le biais du réseau social Twitter qu'Emmanuel Macron a dénoncé les violences commises par les bandes. Selon ses mots, le gouvernement sera " intraitable "
Ce qui se passe depuis samedi à La Réunion est grave. Nous avons mis les moyens et allons continuer à les mettre : nos militaires seront mobilisés dès demain pour rétablir l'ordre public. Nous serons intraitables car on ne peut pas accepter les scènes que nous avons vues.
Nuit calme à Sainte-Denis, violence dans d'autres villes :
Malgré le couvre feu, malgré les menaces du gouvernement et l'arrivée de renforts, les manifestations se poursuivent et les jeunes sont encore plus déterminés. Si la nuit de mercredi 21 à jeudi 22 novembre a été plus calme que les nuits précédentes dans le chef-lieu à Saint-Denis, elle ne l’a pas été partout dans l’île. Des violences ont éclaté à Saint-André et Bras-Panon dans l’Est, et au Tampon et à Saint-Louis au Sud. Des bâtiments publics, des supermarchés ont été vandalisés. La préfecture de La Réunion indique ce matin que seize personnes ont été interpellées la nuit dernière par les forces de l’ordre. En ce qui concerne les Gilets Jaunes, ils continuent leur mobilisation et espèrent être reçu par le Préfet dans la journée.