Les médias le surnomment le Trump des Tropiques ou le Trump Brésilien. A l’instar du président américain, à la surprise générale il s’est imposé dans le paysage politique brésilien. Depuis sa première victoire au premier tour, les brésiliens semblent revenir aux années noires où la violence, l’anti-communisme et le racisme faisaient rage.
Il était inconnu à l’international il y a peu de temps, Jair Bolsonaro s'est imposé comme le grand favori de ces élections brésiliennes. Depuis des années, Jair Bolsonaro faisait les Unes des médias non pas pour ses exploits politiques mais bien pour ses paroles choquantes. Ouvertement homophobe, anti-féministe, anti-socialiste, anti-communiste, raciste et admirateur de la dictature militaire, rien ne prédisposait cet ancien élève de l’Académie Militaire Agulhas Negras (principale école militaire du Brésil) à devenir le favori de ces élections.
Né le 21 Mars 1956 à Campinas, petite localité de l’Etat de Sao Paulo, de parents d’origine italienne, il est diplômé de l’école militaire des Agulhas Negras en 1977 où il sert dans un premier temps comme simple soldat avant de finir avec le grade de capitaine d’artillerie de l’Armée de Terre Brésilienne. Ses premiers pas en politique commencent en 1986 où il prend la tête d’un mouvement de contestation des soldats, qui réclamaient une augmentation salariale. Il ira même jusqu’à écrire un éditorial au magazine VEJA dans lequel, il critique ouvertement les généraux et les restrictions budgétaires imposées. Une première dans ce Brésil des années 1980 où la Junte militaire gouvernait. Pour son insubordination, il passera deux semaines en prison, au cours desquels, il aura le soutien de tous les soldats. Deux plus tard, il est renvoyé de l’armée, accusé d’avoir participé à un projet consistant à faire exploser des bombes de faiblepuissance dans les toilettes de plusieurs casernes à travers le Pays. Le Tribunal Militaire l’acquittera le 16 Juin 1988. C’est à ce moment que débute véritablement sa carrière politique. En 1988, il se fait élire conseiller municipal de la Ville de Rio de Janeiro sous la bannière du parti de droite Parti Démocrate Chrétien (PDC). En 1990, il est élu député fédéral à Rio de Janeiro avec le soutien de son parti le PDC. Ce poste, il le conservera plusieurs années sous différentes étiquettes politiques, Parti Progressiste Réformateur (PPR), Parti Progressiste ( PP), Parti Travailliste Brésilien ( PTB), Parti Social Chrétien ( PSC). En 2014, il est le député fédéral le mieux élu du Brésil.
Jair Bolsonaro, un succès inattendu :
Loin d’être un novice dans le système politique brésilien, Jair Bolsonaro est pourtant vu comme un “ outsider “ rien ni personne ne s’attendait à ce qu’il soit autant plébiscité par le peuple. Surtout, quand on sait que l’homme est un habitué des paroles choquantes qui font les Unes des grands journaux du pays : comme lorsqu’il déclare en 1999, que « la dictature aurait dû assassiner quelque 30 000 personnes corrompues à commencer par le Président de l’époque Fernando Henrique Cardoso.» Ou encore en 2003, lorsqu’il lance à la députée Maria Do Rosario avec qui il s’opposait sur un sujet, qu’il ne la violerait même pas, parce qu’elle ne le mérite pas, en référence à son physique. Huit ans plus tard, il déclare à la télévision qu’il serait : « incapable d’aimer un fils homosexuel. Je ne vais pas être hypocrite : je préférerais qu’il meure dans un accident, plutôt qu’il soit homosexuel ». Avant de rajouter, « si votre fils commence à avoir des tendances homosexuelles, giflez le, il retrouvera le droit chemin »
Il faut surtout admettre que son succès est dû au scandale politico-financier, l’Affaire Petrobras notamment qui a secoué l’ensemble de l’appareil politique brésilien. Scandale qui a provoqué la démission de l’ancienne présidente Dilma Rousseff et de son gouvernement, et la condamnation à 12 ans de prison, de l’ancien président charismatique, Luis Ignacio Da Silva dit LULA. L’autre point clé de ce succès, la violence qui ne cesse d’augmenter malgré la forte présence policière dans les principales villes. Malgré la Coupe du Monde, les Jeux Olympiques précédés du quadrillage des Favelas par l’armée et les polices militaires, la situation semble s’être détériorée. En effet, depuis plusieurs années, le Brésil est dans les dix pays les plus violents du monde. En 2017, 63 880 homicides ont été recensés, en hausse de 3,7% par rapport à 2016. Le Brésil est ainsi devenu l’un des dix pays les plus violents au monde, avec une moyenne de 31 homicides pour 100 000 habitants, selon le rapport du Forum brésilien de la sécurité publique, une ONG qui fait autorité en la matière. Autant dire que les brésiliens en ont marre et que leur choix est radical.
Jair Bolsonaro, tout un programme :
Admirateur de la Dictature Militaire dans laquelle il a servi, profondément anti-communiste, anti-socialiste, anti-féministe, anti-avortement, proche des marchés financiers et des Églises chrétiennes, Jair Bolsonaro c’est aussi un programme :
Sur la question de la Sécurité : le candidat Bolsonaro a ses idées :
«Donner l'accès au port d'arme aux gens bien.» L‘ancien militaire de réserve promet d'assouplir la législation mais également d'assurer une protection juridique aux policiers qui tuent un suspect avec leur arme de service. Le candidat d'extrême droite veut également abaisser la majorité pénale à 16 ans.
Bien lui-même membre de cet establishment, il se présente comme un candidat hors système. Au sujet de la corruption, thème central de cette élection, il propose d’en finir et promet aux brésilien de reconstruire un gouvernement décent, différent de tout ce qui a été fait auparavant. Il promet un gouvernement plus décent, plus éthique et sérieux sur les questions budgétaires.
Au niveau économique : Depuis 2011, le Brésil est plongé dans une crise économique sans précédent. Le taux de chômage a presque doublé passant de 6,7 % à 13% entre 2011 et 2017.
Afin de se remettre de cette crise, le candidat d'extrême droite promet une réduction de la dette de 20% «au moyen de privatisations», la création d'un système parallèle de retraite par capitalisation ainsi qu'une réduction du nombre de ministères.
Sur la question environnementale, Bolsonaro qui est fortement soutenu par les lobbys et les marchés financiers Bolsonaro prévoit de regrouper les ministères de l'Agriculture et de l'Environnement «en un seul» et n'évoque ni la déforestation ni le réchauffement de la planète. De plus, il prévoit même de sortir de l’Accord de Paris ( COP 21 ) auquel Dilma Rousseff avait adhéré. A la différence de ces prédécesseurs, Bolsonaro, dans sa vision de la Souveraineté nationale ne reconnait aucun droit aux peuples autochtones qu’il considère comme un obstacle au développement économique. A plusieurs reprises, il aurait proposé au Parlement Fédéral un projet de loi visant les exploitations commerciales sur les terres des amérindiens. «Il y a beaucoup de réserves surdimensionnées et les Indiens veulent faire sur leur terre ce que les fermiers font sur la leur», a-t-il estimé. Ainsi, Il envisage notamment de faciliter l’implantation d’activités économiques dans des zones relativement protégées par la législation et des institutions. Pour se faire, il cherche à limiter le contrôle des autorités.
Sa victoire signifierait que certains projets abandonnés seront réalisés comme celui de la rénovation de l’autoroute BR-319, soit 890 km de retour au coeur de l’Amazonie. Autant dire que l’écologie, ce n’est pas trop sa tasse de thé.
Jair Bolsonaro où le réveil du racisme :
Au premier tour de l’élection présidentielle, Jair Bolsonaro est arrivé en tête avec 46% des voix, sa possible victoire réveille le racisme ciment de la société brésilienne. L’homme avance même son intention de supprimer les politiques de discriminations positives instituées par Lula. Des lois qui favorisaient l’intégration des afro-brésiliens dans les grandes écoles, universités et grandes entreprises brésiliennes. Pour rappel, la loi fait donc désormais obligation aux autorités de réserver 50 % des places dans les universités fédérales (gratuites) aux élèves ayant fait leurs études secondaires dans des écoles publiques. Elle attribue aussi aux Noirs, aux métis et aux Indiens un nombre de places proportionnel à l’importance numérique des différentes communautés dans chaque État. Dans le même ordre d’idée, une nouvelle loi réserve aux afro-descendants 20 % des places dans les concours de l’administration publique, mais le racisme est encore très présent. En 2013, selon le ministère de l'Education, la proportion des Noirs dans les universités est passée en dix ans de 1,8 % à 8,8 %, mais le chemin de l'égalité est encore très loin.
Depuis ce premier tour, des vagues d’agressions racistes, homophobes se sont déroulées et se déroulent encore à travers le Brésil. Peu n’osent prendre la voix contre ce nouveau porteur de haine. Quand ils le font, ils en paient le prix c’est le cas célèbre maître de capoeira, Romualdo Rosário da Costa, dit Moa do Katendê, 63 ans, qui a été assassiné après une discussion au cours de laquelle il avait annoncé son intention de voter pour Fernando Haddad, du Parti des Travailleurs (PT), l’adversaire de gauche de Jair Bolsonaro.
Quand ce ne sont pas des agressions, ce sont des insultes ou des inscriptions racistes, antisémites ou homophobes qui sont inscrites sur les murs. C'est le cas à São Paulo, où les toilettes de l’université São Judas Tadeu ont aussi été taguées. L’une des inscriptions faisait référence à "l’idéologie du genre", selon laquelle les différences de genre sont des constructions sociales. La deuxième, accompagnée d’une croix gammée, est une insulte visant "les noirs, les féministes, les gays" et appelant à "brûler les juifs".
Alors que le second tour est prévu pour le 28 Octobre prochain, il y a de quoi s'inquiéter. Sachant que 43% de la population brésilienne est noire.