Pour beaucoup le 8 Mars c'est la journée de la Femme. Cependant, le 8 Mars c'est avant tout la journée internationale des Droits de la Femme. Deux termes à différencier pour mieux combattre les stéréotypes et les violences que subissent les femmes à travers le monde et même chez nous.
La rédaction de cet article a débuté le 8 Mars, jour de célébration de la Journée Internationale des Droits de la Femme. De façon générale, le 8 Mars représente pour nous la Journée de la Femme. Cependant comme l'a souligné Le Huffington Post dans son article daté de ce jour, il existe une différence entre la Journée de la Femme et la Journée Internationale des Droits de la Femme.
Cette différence entre les deux réside dans la lutte contre toute forme d'inégalité entre les hommes et les femmes. En effet, les femmes sont perpétuellement confrontées à des compliments qui s'avèrent par moment être du harcèlement. Les femmes sont victimes de discriminations salariales " à diplôme égal, les hommes gagnent 34,5% de plus que leurs collègues femmes". Les femmes sont aussi discriminées lors de l'embauche " plus de 30% des femmes sont à temps partiel contre 7% des hommes." Même au sein de leur foyer, elles se battent pour une plus grande égalité, " Elles passent 3h26 en moyenne aux tâches ménagères tandis que les hommes eux ne passent que 2h." Perpétuellement confrontées aux mépris, aux violences sexuelles, psychologiques, physiques et sociales, les femmes se battent pour une meilleure image d'elles-mêmes dans la société. (racisées, violées, lesbiennes, bi, trans, mère au foyer, mère élevant seule ses enfants). Elles se battent aussi contre toutes formes de violences à leur encontre : " 84 000 femmes subiraient en France chaque année un viol, ou une tentative de viol". La journée Internationale des Droits des Femmes est aussi l'occasion pour elles de se battre pour une plus grande présence des femmes à la télévion : seules 17 des 1000 personnalités citées étaient des femmes." Elles sont aussi en lutte pour une plus grande présence féminine dans la sphère politique " moins de 40% des députées femmes et 29% de sénatrices."
Pour la petite histoire, la Journée Internationale du Droit de la femme ou International Women's day est le fruit de l'histoire des luttes féministes menées sur les continents européen et américain dans les années 1910-1920. Cette journée unique vise à mettre en avant la lutte pour les droits des femmes et notamment pour la réduction des inégalités par rapport aux hommes. Ce n'est qu'en 1977 que les Nations unies officialisent la journée, invitant tous les pays de la planète à célébrer une journée en faveur des droits des femmes. La « Journée internationale des femmes » fait ainsi partie des 87 journées internationales reconnues ou introduites par l'ONU. C'est une journée de manifestations à travers le monde : l’occasion de faire un bilan sur la situation des femmes dans la société et de revendiquer plus d'égalité. Traditionnellement, les groupes et associations de femmes militantes préparent des manifestations partout dans le monde, pour faire aboutir leurs revendications, améliorer la condition féminine, fêter les victoires et les avancées.
Cette année comme les précédentes, la Journée internationale des femmes s’est inscrite dans le fil d’un mouvement mondial sans précédent en faveur des droits des femmes, de l’égalité et de la justice. Très récemment, le harcèlement sexuel, la violence et la discrimination à l’encontre des femmes ont fait la une des médias et ont fortement suscité un débat public stimulé par une détermination affirmée à instaurer un changement.
Justement, concernant la violence, en France, pays des Droits de l'Homme, les femmes aussi subissent des violences de la part de leur conjoint. Pour rappel, en 2016, 157 personnes ont été tuées, en France par leur conjoint, petit ami, compagne, amant, ou leur ex. 123 femmes et 34 hommes.
Soit une tous les trois jours. Selon, l'Etude nationale sur les morts violentes au sein du couple 2016, « dans 51 affaires, soit 37% des 138 homicides recensés en 2016 au sein des couples officiels, on constate l’existence de violences antérieures, qu’elles aient été commises par l’auteur, par la victime ou qu’elles aient été réciproques. Ces faits était soit déjà connu des forces de sécurité (plainte, intervention au domicile, main courante et procès-verbal de renseignement judiciaire), soit ont été révélés par des témoignages au cours de l‘enquête».
Les mobiles les plus fréquemment identifiés pour les homicides d’un homme sur sa compagne (refus de la séparation, dispute, jalousie) sont révélateurs d’une volonté d’emprise et de contrôle de l’auteur sur sa partenaire. Ces trois mobiles se retrouvent dans 73 homicides sur 109, soit 67%. Concernant les homicides commis par une femme sur son conjoint, l’enquête permet d’établir l’existence fréquente de violences antérieures subies par la femme. Sur les 28 femmes ayant tué leur conjoint, au moins 17, soit 61%, étaient victimes de violences au sein du couple
La situation en Outremer alarmante :
L'Outremer n'est pas en reste. Pour la ligue des Droits de L'Homme, la situation des femme d'Outremer, n'a guère changé, au contraire, elle se dégraderait.
Selon le rapport du Conseil Economique Social et Environnemental La Nouvelle-Calédonie, la Polynésie et Mayotte sont les régions et départements où les femmes connaissent le plus des violences conjugales.
En Nouvelle-Calédonie archipel situé dans l'Océan Pacifique, peuplé d'environ 268 000 hab, 19% des Calédoniennes ont été victimes de violences conjugales ces douze derniers mois, et 7,2% des femmes ont été victimes de violence sexuelle de la part de leur conjoint ou d'un homme en général.
Dans l'archipel Polynésien ce sont pas moins de 17% de femmes qui avouent avoir subi des violences physiques de la part de leur conjoint ou mari et 7% ont été victimes de viols.
A Mayotte, un cinquième des femmes déclare avoir été agressée physiquement au cours de leur vie. Plus d'une Mahoraise sur dix affirme également d'avoir été agressée sexuellement. En effet, selon les chiffres du rapport du Conseil Economique Social et Environnemental, 19,2% des maoraises admettent avoir été victimes de violence dans leur foyer, et 12,4% ont été victimes de plusieurs violences sexuelles au cours de leur vie.
La Réunion longtemps perçue comme une région à risque pour les femmes semblent avoir tourné les tristes pages des violences conjugales. Ainsi l'île intense, se démarque : les taux de violences faites aux femmes sur l'île sont globalement les mêmes que ceux de l'hexagone. 2,6% des réunionnaises ont été battues par leur époux ou conjoint, 1,1% des femmes ont subi des agressions sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint, 1,2% ont subi des attouchements, viols ou tentatives de viols par une personne extérieure au ménage, en 2009 ou 2010. Tandis que 3.9% des femmes ont été exposées à la violence d’un proche au sein du ménage, en 2009 ou 2010.
Peu d'information sur les Antilles-Guyane mais situation toujours préoccupante :
Malheureusement le rapport n'apporte que peu de précisions sur les Antilles-Guyane. Nous avons noté que pour la Guadeloupe 4% des femmes âgé.e.s de 18 à 75 ans ont subi des violences physiques ou sexuelles en 2013 ou 2014., peu de données ne subsistent sur la violence conjugale dans l'archipel guadeloupéen.
A la Martinique environ 2,5% des femmes ont été victimes d’agressions physiques par leur conjoint ou ex-conjoint durant les 12 derniers mois. 5% des martiniquaises âgées de 18 à 75 ans qui ont subi des violences physiques ou sexuelles en 2013 ou 2014.
La Guyane elle ne fait pas figure d'exception malgré des chiffres très bas. Le rapport indique que 7% des femmes âgé.e.s de 18 à 75 ans auraient subi des violences physiques ou sexuelles en 2013 ou 2014.
Ces chiffres sont à prendre " avec des pincettes" car si l'on se réfère à l'article du Figaro daté de 2017, le département français d'Amérique du Sud enregistre un très fort taux de violence sexuelle. Avec 5 viols signalés pour 10 000 habitants, la Guyane est le département le plus touché en France. La Guadeloupe est elle aussi très concernée par le phénomène. Environ 1,9 cas signalés pour 10 000 habitants.
Comment expliquer ces violences ?
Piliers de la société antillo-guyanaise, les femmes ont toujours joué un rôle majeur. Pourtant elles sont exposées à des violences physiques, sexuelles, psychologiques et sociales. Comme le précise l'anthropologue Stéphanie Mulot, du Laboratoire caribéen de sciences sociales de l’Université des Antilles pôle Guadeloupe interviewée par nos confrères de La 1ère, " La femme poto mitan (poteau central) serait la version créole de la mère courage, dévouée, sacrifiée pour ses enfants et tenant toute la maisonnée sur ses épaules, en l’absence du ou des pères de ses enfants. Elle occupe beaucoup l’imaginaire des rapports sociaux aux Antilles et dans l’espace caraïbe francophone. Il y a à la fois du mythe et de la réalité. Si l’on regarde les particularités des familles antillaises, il est vrai qu’il a toujours existé une proportion importante d’entre elles dont les pères semblaient être plutôt absents et dont les enfants étaient élevés par leurs mères, grands-mères, tantes, parfois sous le même toit, en lignée maternelle. Ceci est plus fréquent dans les milieux défavorisés. Cela provient de nombreux facteurs et se traduit par le fait que les hommes pouvaient avoir des relations simultanées avec différentes femmes, et donc des enfants de lits différents, sans forcément vivre avec eux, et qu’ils peuvent ou pouvaient rester habiter chez leur propre mère durablement. Les mères se retrouvaient donc à assumer seules l’éducation des enfants et à faire face aux difficultés sociales et économiques liées à cette situation. Par extension, et même dans d’autres milieux, le poto mitan symbolise cette figure de mère solide et combative qui lutte pour l’éducation de ses enfants. Et cette injonction faite aux femmes de "tenir" est aussi un arrangement pour des hommes qui se délestent ainsi de leurs obligations paternelles et conjugales. Du côté du mythe, le poto mitan est donc cette image de mère glorieuse qui aurait des qualités extraordinaires de résistance et d’abnégation. Ce mythe de la mère esseulée mais idéale est à déconstruire et dépasser, car il reproduit l’image d’hommes forcément irresponsables et coupables, et de femmes condamnées à la douleur d’une vie sacrifiée où seuls les enfants seraient sources de plaisir. En outre, il est aussi un modèle étouffant de la maternité et de la féminité sacrificielles, qui empêche les femmes d’advenir dans une existence plus épanouie, ou des relations plus égalitaires avec les hommes, les enfants et les autres femmes. Il est remis en question, aujourd’hui, par les plus jeunes et par les associations de soutien aux femmes qui veulent s’émanciper des carcans d’autrefois. Il est critiqué aussi par les hommes qui veulent imposer leur place de père dans les familles contemporaines. "
La chercheuse Nadine Lefaucheur au CNRS dans son ouvrage "Genre et violences interpersonnelles", en Martinique, les femmes sont victimes de violence le plus souvent quand elles s’opposent à la domination des hommes et à la liberté que ceux-ci revendiquent de pouvoir avoir d’autres relations simultanées. Ainsi, la violence dans le cadre conjugal apparaît particulièrement quand les femmes demandent des comptes à un conjoint souvent absent, quand elles sont enceintes - et que la grossesse peut être vécue comme une pression pour l’homme visant à lui faire assumer des responsabilités envers cette partenaire, ou lorsqu’elles décident de rompre, et que la rupture peut être vécue par le conjoint comme une remise en question de sa propre virilité et du fait que la femme lui appartienne et lui obéisse. il y a donc encore une représentation des rapports entre les sexes fondée sur le fait que les femmes doivent se soumettre aux règles des hommes dans le cadre conjugal. Ceci n’est pas incompatible avec le fait que les femmes peuvent apparaître comme faisant preuve d’autorité dans la vie de famille, envers les enfants, et que les pères peuvent paraître avoir une autorité secondaire. D’autre part, les femmes des Antilles sont aussi plus touchées par le chômage, le travail à temps partiel, la précarité et les inégalités de salaire. Elles sont surreprésentées dans certains secteurs, comme le monde du social et médico-social, de l’enseignement, des services, ce qui maintient le lien avec une image de la féminité consacrée à soigner, éduquer, accompagner qui les met à distance des métiers de l’entreprenariat, de l’ingénierie, notamment. En Martinique, toutefois, les femmes sont plus entreprenantes et elles sont maintenant majoritaires à 52% parmi les cadres. Ce constat prévaut également pour la Guadeloupe et la Guyane, où les femmes n'hésitent pas à se lancer dans la grande aventure de l'entreprise.
Longtemps considérées comme le sexe faible, dominées par une société machiste, violentées par des maris abusifs, les femmes sont donc l'avenir de nos régions.