Dès que l'on évoque les Antilles, la Guyane ou La Réunion, très vite les stéréotype de plage, soleil, farniente, foret tropicale, rivière resurgissent. Pourtant,ces départements éloignés de la mère patrie sont des territoires de violence. Entre les braquages, les violences volontaires, les assassinats et le trafic de stupéfiant, la Guyane, la Guadeloupe,la Martinique et désormais La Réunion, trônent en tête des départements les plus violents de France.
En début de semaine, Le Figaro publiaient la cartographie des départements les plus violents de France. Cette carte a été largement partagée par nos différents confrères, de La1ère, à France-Antilles, en passant par RCI et ATV, sans oublier Médiaphore. Pour ne rien changer, la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique figurent parmi les cinq départements les plus violents de France.
En tête de ce palmarès des crimes et délits en France, la Guyane bat tous les records. Le département du 973 est le plus touché, avec plus de 23 faits de violence pour 1 000 habitants. La Seine-Saint-Denis est en deuxième position avec 18 faits pour 1000 habitants, suivi de Paris.
La Guadeloupe, l'île aux belles eaux longtemps en tête du classement se positionne cette fois en quatrième position, avec 14 agressions pour 1000 habitants.
Cinquième, la Martinique avec 11 faits de violence pour 1000. Grande première, La Réunion, longtemps considérée comme une île tranquille fait son entrée dans ce triste classement avec 10,16 faits de violence pour 1000 habitants.
Niveau cambriolage, ces départements d'Outremer font pâles figures, mais les chiffres diffèrent :
En Guyane il y a à peu près 7,67 cambriolages pour 1000 habitants. En Guadeloupe on recense 8 cambriolages pour 1000 habitants. Tandis qu'à la Martinique il y a près 4 cambriolages pour 1000 habitants. A La Réunion, les cambriolages sont beaucoup moins élevés qu'aux Antilles ou à la Guyane, avec environ 3 cambriolages pour 1000 habitants.
Selon l'Observatoire National de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), les violences ont augmenté de 4 % et les atteintes aux biens stagnent à un niveau élevé.
Les chiffres de 2015 que nous avions publié, montraient que déjà les départements d'Outremer de Guyane, Guadeloupe, Martinique étaient des départements de grandes violences.
En 2015, en terme de vol avec arme, les forces de l’ordre enregistraient 666 vols avec armes (armes à feu, armes blanches ou par destination) en Guyane, 704 en Guadeloupe, 299 en Martinique et 249 à Mayotte. Rapportés à leur population respective, on constate pour ces territoires d’outre-mer de 5 à 17 fois plus de vols avec armes qu’en métropole. Saint-Martin apparaît comme un territoire hors-norme avec 124 vols avec armes pour 35 000 habitants (soit 3,5 pour 1000). Tandis qu'à Saint-Barthélémy, Saint-Pierre-et-Miquelon, et Wallis-et-Futuna , il n’y a eu aucun vol avec armes
En terme de vols violents sans armes, la Guyane était le département de tête, avec 1 500 vols violents sans arme en 2015, soit 6,3 pour 1 000 habitants, le 973 affichait un taux de vols violents sans arme 4 fois plus élevé que la moyenne métropolitaine. Seuls les départements de Paris et de la Seine-Saint Denis connaissent des intensités plus élevées, avec près de 8 vols violents pour 1000 habitants.
Dans le cas des violences, coups et blessures volontaires l'outremer restait largement en beaucoup plus concerné. C'est en Outremer que les faits étaient beaucoup plus élevés. Selon le rapport, les Outre-mers avaient, en moyenne, un taux de coups et blessures volontaires par habitant beaucoup plus élevé qu’en métropole : 3,4 victimes de coups et blessures volontaires pour 1000 habitants contre 1,9 en métropole.Ces violences étaient particulièrement fréquentes à Saint-Martin (5,5 faits pour 1000 habitants) et en Guyane (5,4).
Pourquoi tant de violence ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette violence quotidienne, qui faut le dire exaspère les habitants de ces territoires. 1) L'illétrisme : Victor Hugo de son vivant disait : "Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons" et il avait raison. Parmi les fractures de division entre l'Outremer et l'Hexagone, figure l'illettrisme qui est assez important chez nous en Outremer qui enregistre des taux records. Il serait 14 fois supérieur à celui de la France.
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En Guadeloupe, selon l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), 25% de la population âgées de 16 à 65 ans sont en situation d’illettrisme après avoir pourtant été scolarisées.Pour un Guadeloupéen sur six, la communication est même très difficile. Ils obtiennent un taux de réussite inférieur à 40 % à des exercices permettant d’évaluer leurs compétences dans les trois domaines fondamentaux de l’écrit : la lecture, l’écriture et la compréhension d’un texte simple.Parmi les Guadeloupéens âgés de 16 à 65 ans, 25 % éprouvent des difficultés suffisantes pour les gêner au quotidien. Les difficultés augmentent avec l'âge mais les jeunes ne sont pas épargnés : 15 % des 16-29 ans sont en grande difficulté.20 % des Guadeloupéens ayant été scolarisés en Guadeloupe ou ailleurs en France sont en situation d’illettrisme et 69 % d’entre elles sont sans diplômes et 36 % sont au chômage.
14 % des martiniquais sont concernés par l’illettrisme, soit 40 000 personnes. 16 % des hommes et 13% des femmes sont en situation d’illettrisme.38% des personnes en situation d’illettrisme sont dans l’emploi.Mais en 2014, 16,3% des jeunes sont repérés comme en étant en grandes difficultés face aux compétences de base, ce qui représente 887 jeunes. Sur cette même année, la moyenne nationale est de 4,1%..
La Guyane est fortement touchée par l'illettrisme. 30 % de la population totale est étrangère et non francophone. 30% des jeunes sont en situation d’illettrisme, c’est-à-dire qu’ils éprouvent des difficultés face à l’écriture.Comme nous vous l'indiquions, l'illettrisme engendre un fort taux de chômage 32,8% en 2014.46 % des demandeurs d’emploi sont de niveau VI mais aussi l'échec scolaire : 70 % des jeunes de moins de 25 ans sont sans diplôme.
La Réunion est aussi touchée par l'illettrisme.
116 000 Réunionnais sont en situation d'illettrisme ont des difficultés avec l’écrit et la lecture. 55% des adultes illettrés ont plus de 26 ans, les plus âgés n’ont pas été longtemps à l’école, parfois 10 ans, pour d’autres 5 ans. Malgré la scolarité, un jeune sur 7, chez les moins de 26 ans, ne maîtrise pas l’écriture
Mais, l'île de l'Océan Indien est la région la moins touchée.
2) Le Chômage : Le seul moment où les départements Outre-mers connaissaient le plein emploi, c'était du temps de l'esclavage. A mais c'est vrai, les esclaves n'étaient pas payer car, ils étaient considérés comme du bétail. A partir année 70, ces territoires dont l'économie était tournée exclusivement sur la culture des plantations (canne à sucre, banane), ont connu une grave crise économique, alimentée par les sécheresses, les cyclones et autres ouragans. Des centaines d'usines ont fermé, des milliers de guadeloupéens, de martiniquais, de guyanais ou de réunionnais se sont exilés malgré eux en France, grâce ou à cause du BUMIDOM, mais sur la place, la situation économique ne s'est pas arrangée, comme le prouvent les récents chiffres du chômage. Alors qu'il a baissé en France en novembre pour le troisième mois consécutif, il a augmenté de 0,3% dans les DOM.
En Guadeloupe, selon les chiffres de 2014,le taux de chômage s’élevait en moyenne annuelle à 23,7 %. Tandis que 63% des guadeloupéens étaient "actifs". L’âge est un des facteurs les plus discriminants face au chômage. Ainsi, 56,3 % des moins de 25 ans sont au chômage. En 2015, La Martinique comptait 65,4 % d'actifs, l’âge est un des facteurs les plus discriminants face au chômage, ainsi plus de 50,6 % des jeunes sont au chômage. La Guyane comptabilisait 59,6 % d'actifs, mais comme les autres DFA, la jeunesse est un handicap, 40 % des jeunes sont au chômage, en Guyane. A la Réunion, 343 000 personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté monétaire, alors que l'île compte 843 617 habitants. Le taux de chômage s'élève à 24,6 % à La Réunion soit 86 800 Réunionnais au chômage. Le taux de chômage des jeunes reste très élevé (52,4 %)
3) La drogue,le narcotrafic et l'alcool : l'économie parallèle liée au chômage repose principalement sur le trafic de drogue. Comme nous le révélions dans notre article : "Les Antilles au centre du trafic de cocaïne" en nous basant sur le rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, la drogue a toujours circulé aux Antilles-Guyane.Entre l'herbe que les locaux consomment de façon habituelle, et le crack arrivé à la fin des années 80, qui a fait beaucoup de dégâts et continue d'en faire au sein de la population, la cocaïne semble être la drogue "à la mode" depuis environ une décennie, si bien que les Antilles-Françaises et la Guyane sont devenues les plaques tournantes du trafic international. Les Antilles-Françaises(Guadeloupe, Martinique) ont été pendant longtemps des zones de consommation de crack (cocaïne base), mais depuis le milieu des années 2000, les trafiquants, bloqués au nord de la Caraïbe par les services américains, se sont détournés vers les Antilles-Françaises. Aujourd’hui, la Martinique et la Guadeloupe ne sont plus seulement des zones de consommation de cocaïne basée (crack), mais jouent un rôle de plus en plus important dans l’alimentation du marché métropolitain. Les services de police estiment en effet qu’entre 15 % et 20 % des 5 tonnes de cocaïne saisies annuellement en moyenne depuis le début des années 2000 sur le territoire français proviendraient des deux départements français. La cocaïne atteint les Antilles principalement depuis les côtes du Venezuela d’où partent des lanchas (embarcations rapides), des bateaux de pêche ou des voiliers de plaisance (slow-movers), dont les cargaisons sont déchargées soit directement en Guadeloupe ou en Martinique, soit sur des îles proches comme Sainte-Lucie ou la Dominique.
Comme pour ses voisines françaises, le département de Guyane a longtemps été épargné par le trafic. Ce n'est que depuis à peu près quatre ou cinq ans que des saisies de cocaïne se font et elles sont en constantes augmentation. En effet, la position géographique du plus grand département français favorise l'essor d'un trafic et l'implantation d'importants réseaux de stupéfiants.enclavé entre le Suriname et le Brésil, avec lequel il partage plus de 1 200 km de frontières terrestres, la Guyane, située non loin de la Colombie et du Venezuela, et dotée d’une large façade maritime s’ouvrant sur l’Atlantique, est affectée par le développement du trafic de cocaïne dans la région. La topographie du département pré- sente en outre de multiples avantages pour les trafiquants, notamment un réseau fluvial très dense, vecteur traditionnel des échanges commerciaux et humains dans la région, comme c’est le cas avec le Suriname par le fleuve Maroni. En outre, la forêt équatoriale – couvrant près de 90 % de la superficie du territoire – est un lieu idéal pour l’implantation d’aérodromes clandestins.
En ce qui concerne l'île franco-hollandaise de Saint-Martin, l'île est non seulement un lieu de consommation, de transbordement mais c'est aussi l'endroit où les trafiquants choisissent de placer leur argent et de le blanchir.
Il est devenu courant que la police, la douane ou la Marine Nationale interceptent des embarcations, des marchandises ou des mules de plus en plus jeunes, avec de la cocaïne.
L'économie parallèle favorise la création de bandes organisées ou gangs dont l'activité principale repose sur le braquage et le trafic de drogue. C'est le cas en Guadeloupe où l'on compte plusieurs bandes rien que dans la région pointoise : les Sektion Kriminel de Mortenol, les Bloods de CH4,Cours Zamia et L6, la Zone 6 de Lacroix, Black Mafia Gang, Orange Gang, CLR(Chien Lari) qui se considèrent comme des groupes de musique. Le phénomène s'est étendu à la Martinique et à la Guyane.
Pour l'heure, La Réunion semble être pour le moment épargnée par le narcotrafic et les gangs, mais l'alcool, le zamal (nom de l'herbe locale) font des ravages au sein de la société réunionnaise et les violences, notamment conjugales font de ce paradis de l'Océan Indien, l'un des départements où les femmes sont le plus violentées. En 2014-2015, 1700 plaintes on été recensées soit cinq plaintes par jour.
A l'heure où nous écrivons cet article, en Guyane une tentative d'homicide a eu lieu, dans laquelle un homme de 22 ans actuellement dans le coma a essuyé des tirs de plombs au thorax et à la tête. Une femme victime de vol a été forcée à faire une fellation à son agresseur. En Guadeloupe, un jeune homme d'une trentaine d'année a été poignardé à mort, suite à un différend pour une place de stationnement ; Son meurtrier à peine âgé de vingt-six a été appréhendé. A la Réunion, cinq femmes ont du recevoir des coups de leurs conjoints dans l'indifférence totale et se sont tues par peur des représailles. Comme quoi, la violence est loin de s'estomper dans nos territoires et ce pour le plus grand plaisir des médias locaux ou nationaux.