Qu'on le veuille ou non Christiane Taubira marquera l'histoire de la République. Celle qui fut indépendantiste, députée de Guyane, puis candidate à l'élection présidentielle de 2002 et qui par la suite deviendra Garde des Sceaux sous le Gouvernement de François Hollande a marqué les esprits, grâce à ce parcours atypique. Critiquée par la droite, détestée par l'extrême droite, à 64 ans Christiane Taubira fait un pied de nez au Gouvernement auquel elle appartenait, et sort son livre "Murmures pour la jeunesse" où elle critique le projet de loi sur la déchéance de la nationalité.
"Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit. " c'est par ces mots postés sur ses comptes Facebook et Twitter, que la Ministre de la Justice, Christiane Taubira a annoncé sa démission du Gouvernement Valls. Ce n'était pas une surprise, sachant qu'elle était fermement opposée à l'actuel projet de loi sur la déchéance de la nationalité. En démissionnant, elle a voulu marquer son désaccord avec le Gouvernement.
Critiquée par la droite pour son laxisme, détestée par l'extrême droite dû à sa couleur de peau. A 64 ans Christiane Taubira est une véritable star, ovationnée à l' école de Droit de l'Université de New York, honorée d'un doctorat en Droit et Droits Humains par l'Université du Wisconsin à Milwaukee, Christiane Taubira a fait un véritable pied de nez au Gouverneemnt auquel elle appartenait en publiant son livre "Murmures pour la jeunesse" dans lequel, elle critique le projet de loi sur la déchéance de la nationalité. Christiane Taubira est avant tout une femme de valeur, qui se bat pour ses idées, et elle l'a montré à plusieurs reprises.
Née dans une famille éclatée, le 2 Février 1952 à Cayenne en Guyane Française. Christiane Taubira est élevée seule par sa mère Bertille, en compagnie de ses dix autres frères et soeurs. Son père George Taubira, épicier à Cayenne, avait quitté le domicile conjugal et ne s'occupait pas des cinq enfants qu'il avait eu avec Bertille. Cette dernière, aide-soignante, devait donc élevée seule, ses onze enfants, mais, à l'âge de 49 ans, Bertille décède et laisse derrière elle,ses onze enfants. Christiane n'a alors que 16 ans et doit donc affronter la vie seule.
Puis, vient le temps des études. En 1970, Christiane Taubira s'inscrit à la Sorbonne et à Assas. Elle obtiendra un diplôme en sciences économiques, une licence en sociologie et un certificat en ethnologie afro-américaine. Elle a également suivi un troisième cycle en agroalimentaire au Centre français de la coopération agricole. C'est durant ses années d'étude, qu'elle fait la rencontre d'un certain Roland Delannon, généticien de profession, mais connu pour son combat pour l'indépendance de la Guyane, ensembe, ils auront quatre enfants : : Lamine, né en 1979, Nolywé, née en 1981, Diawara, né en 1986, et Djamila, née en 1988.
Durant ses années estudiantines, Chritiane Taubira était une étudiante engagée, active dans tout ce qui concerne la lutte pour les Droits de l'Homme.Ainsi en 1973, elle est dans les manifestations pour dénoncer le coup d'état du Général Pinochet au Chili. Elle fait également partie des groupes étudiants qui se battent pour la libération de Nelson Mandela emprisonné à l'époque, sur l'île de Robben Island. Elle milite aussi pour la cause d'Angela Davis militante des droits civiques aux Etats-Unis.
En 1978, elle rentre en Guyane et devient professeur des sciences économiques. La même année, elle rejoint Mouvement guyanais de décolonisation, que son époux a fondé en 1974. Elle dirige pendant de nombreuses années, la revue indépendantiste Mawina. Ses années de militantisme pour l'indépendance de la Guyane, l'amène à vivre dans la clandestinité, car, Roland son mari était impliqué dans plusieurs attentats sur le territoire guyanais et français. Par ailleurs, il fut arrêté et passa dix-huit mois en prison pour le complot manqué de noël, où douze indépendantistes préparaient un attentat, contre les installations pétrolières françaises en Guyane.
En 1981, Christiane Taubira abandonne la cause indépendantiste, constatant qu'elle n'était plus soutenue par les Guyanais, qui jugeaient les actions trop violentes. Elle se tourne vers une activité "plus normale". Elle cofonde, l'association agricole Caricoop pour la Guyane (Confédération caraïbe de la coopération agricole), elle en est la directrice générale de 1982 à 1985. Par la suite, elle est sollicitée par l'Université du Québec à Montréal pour un poste de professeur-chercheur, mais au final, elle décide de retourner à sa véritable passion, la politique.
En 1990, elle devient membre de l'Office de coopération et de commerce extérieur de la Guyane (OCCE-G), un organisme dépendant du conseil régional de la Guyane. En 1993, elle se présente sous l'étiquette Walwari, le parti qu'elle a fondé avec Roland son mari. Elle devient député de la première circonscription de la Guyane. Elle est la première femme a occupé ce poste, qu'elle conservera jusqu'en 2012.
Entre 1993 et 1997, elle est membre du groupe parlementaire "République et liberté". Par la suite, son nom figurera en quatrième position, sur la liste "Énergie radicale" menée par Bernard Tapie lors des élections européennes de 1994. La même année, Taubira est sollicitée au poste d'observateur parlementaire aux premières élections multiraciales en Afrique du Sud, qui donneront la victoire à Nelson Mandela.
Petit à petit, Christiane Taubira gravit les échelons, mais ses succès politiques agacent, particulièrement son mari Rolland, relégué au second plan et dont on ne parle plus. En 1998, il se porte candidat aux élections régionales, contre Walwari, parti qu'il avait pourtant co-fondé. Cette candidature aura des conséquences dans leur couple. Après des années de lutte, ils finiront par divorcer. Aujourd'hui encore, elle regrette cette séparation.
Ce chapitre douloureux de sa vie, ne freinera pas Christiane Taubira, bien au contraire, en 2001, forte de son aura politique, elle porte à l'Assemblée Nationale le projet de loi sur la reconnaissance de l'esclavage, la traite négrière et le commerce triangulaire, comme crime contre l'humanité. La loi qui, désormais porte son nom, est adoptée. C'est une première dans l'histoire de la République Française.
Cette loi prévoyait en autre, l'insertion de ces faits historiques dans les programmes scolaires et le développement des recherches scientifiques s'y rapportant. Une des conséquences de cette loi est la création d'une journée annuelle de la mémoire de l'esclavage, qui se tient tous les 10 mai. Face à ce succès, l'année suivante, en 2002, Christiane Taubira se porte candidate aux élections présidentielles, sous l'étique du Parti Radical de Gauche. Elle devint la première femme noire a participé à des élections présidentielles en France. Sa campagne était axée sur l'« égalité des chances ». Elle obtint 2,32 % des voix au premier tour et réalise l'essentiel de son score en Outremer avec un fort score dans sa région la Guyane où elle gagne 52,7% des suffrigages. Face à sa candidature,les membres de la gauche traditionnelle l'accusèrent d'avoir participer à la défaite du candidat désigné Lionel Jospin.
Malgré la défaite de 2002, elle est réélue député de la première circonscription de Guyane. En 2007, elle tente de renouveller l'exploit en se présentant aux élections présidentielles mais, finalement, elle se rallie à Ségolène Royal, qui sortira perdante de ces élections, face au candidat UMP Nicolas Sarkozy. Ce dernier, avec son gouvernement d'ouverture, lui proposa d'intégrer un ministère. Fidèle à sa famille politique, elle déclina l'offre. Malgré,ce refus Sarkozy la chargea d'une mission sur les accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays ACP(Afrique-Caraïbe-Pacifique). Deux mois plus tard, dans un rapport rédigé à l'attention du président, elle émet de lourdes critiques envers ces dispositifs, et formule des préconisations jugées audacieuses, mais qui ne seront pas retenues par Sarkozy. Lors des élections régionales de 2010, à la tête de Divers Gauche, elle connaît sa première défaite politique. Pour le second tour des élections, elle obtient 43,9 % des voix tandis que son adversaire étiquetté UMP (Les Républicains) , Rodolphe Alexandre remporte 56,1 % des suffrages, mais elle est membre de l'opposition.
Christiane Taubira une femme qui aime l'histoire :
L'année 2012, marquera un tournant dans sa carrière politique. Malgré le fait qu'elle ait soutenu, Arnaud Montebourg lors de la primaire socialiste de 2011, elle est nommée Garde des Sceaux, par le nouveau président François Hollande, élu en 2012. Elle rejoint le premier gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Elle devient ainsi, la première femme, ainsi que la première personne de couleur à diriger un pouvoir régalien. Dès sa nommination, elle est accusée de laxisme et même jugée sur sa couleur de peau par les partis de droite et d'extrême droite. Durant, les quatre années passées au Ministère de la Justice, elle s'attaque à la modernisation de la justice française. Elle met en place, une nouvelle loi contre le harcèlement sexuel, supprime les tribunaux correctionnels pour mineurs pour garantir la spécificité de la justice des mineurs, mais, évidement elle se heurte à la critique.
Christiane Taubira restera surtout dans les annales, pour avoir ouvert le mariage aux couples de personnes de même sexe. Il aura fallut, une année de débats, d'attaques à l'encontre de sa personne, de nombreuses manifestations des "anti-mariage pour tous", pour que le texte soit adopté en Avril 2013, avant d'être validé par le Conseil Constitutionnel pour une promulgation le 17 Mai 2013.
Opposée à la déchéance de la nationalité :
Les 7 Janvier 2015 et le 13 Novembre 2015, la France est touchée par deux fois, en plein coeur par des attentats terroristes. Le peuple réclame la sécurité, pour ce faire, le Gouvernement opte pour, la déchéance de la nationalité. Pour ceux qui suivent, cette loi prévoit de déchoir de la nationalité les bi-nationaux mais aussi les français qui ont rejoins l'Etat Islamique, qui commettent des actes terroristes ou qui portent atteinte à l'intégrité de la nation et de l'Etat. Fortement opposée, Taubira l'électron libre, n'hésitera pas à émettre des critiques et même à le dire publiquement.
Cette opposition, sonnera le glas de sa relation avec le reste du gouvernement, unit autour de Manuel Valls.
En véritable communicante qui se respecte, le 27 Janvier, avec stupeur, mais sans grand étonnement, elle annonce sa démission du gouvernement. C'est en ces termes postés sur ses comptes Facebook et Twitter, qu'elle annonça sa démission : " Parfois résister c'est rester, parfois résister c'est partir. Par fidélité à soi, à nous. Pour le dernier mot à l'éthique et au droit. "
Sans nous voiler la face, sa sortie a été travaillée et elle force le respect. Son discours prononcé sur le perron du Ministère, face à l'ensemble de la presse nationale, gagne en profondeur :
" La justice a gagné en solidité et en vitalité. Comme celles et ceux qui s’y dévouent chaque jour, je la rêve invaincue .... Ce fut pour moi un immense honneur d'être ministre de la Justice, sous ce président : François Hollande. Je dois ce bonheur à ceux qui se dévouent au service quotidien de la justice.... Nous avons accompli un travail législatif considérable.Nous avons porté cette belle loi d'égalité : le mariage pour tous Je quitte le Gouvernement sur un désaccord politique majeur. Je suis fidèle à nous. "Fidèles à Aimé Césaire, nous ne livrerons pas le monde aux assassins d'aubes".
Son départ du Ministère sur son vélo jaune, rentre dans une stratégie de communication, finement réfléchit. Mais, n'oublions pas la publication, moins d'une semaine après son départ, de son essai de 96 pages , intitulé " Murmures à la jeunesse", aux Éditions Philippe Rey, est un véritable pied de nez à Manuel Valls. Ouvrage dans lequel, elle critique à nouveau le projet de la déchéance de la nationalité, comme le soulignent, les trois lignes signées de la main de Taubira et publiées par l'Editeur : "Déchéance de nationalité: peut-être est-ce faire trop de bruit pour peu de chose? Peut-être serait-il plus raisonnable de laisser passer? Je ne suis sûre de rien, sauf de ne jamais trouver la paix si je m’avisais de bâillonner ma conscience...Céder à la coulée d'angoisse et se laisser entraîner, au lieu d'endiguer, signe la fin du Politique et de la politique."
Christiane Taubira, c'est également le nom d'une plume. Pour ceux qui ne le savaient pas, l'ex-Garde des Sceaux a à son actif six ouvrages :
-" L'Esclavage raconté à ma fille" qui traite de l'esclavage,
- " Codes noirs : de l'esclavage aux abolitions" : qui raconte l'histoire méconnue de l'esclavage.
- " Rendez-vous avec la République " qui parle de la société française.
- " Égalité pour les exclus : le politique face à l’histoire et à la mémoire coloniales", ouvrage qui aborde la question de l'intégration des minorités visibles dans la République.
- " Mes météores : combats politiques au long cours" qui est son autobiographie.
- " Paroles de liberté" qui traite du racisme au sein de la République Française.
Critiquée par ses pairs, raillées par ses opposants, Cristiane Taubira,par son parcours atypique, est devenue le symbole des minorités longtemps rejetées dans cette République où, le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'homophobie sont choses courantes. Elle symbolise cette gauche, disparue aujourd'hui. C'est par ces mots que nous concluons, et nous lui disons, non Taubira, on t'oubliera pas.
E.L.M.S pour TheLinkFwi@l'Actualitée en un clic !!