Durant les vacances de fin d'année je me suis rendu à Cuba. Ce pays longtemps fermé s'ouvre désormais au monde. Longtemps considéré comme une dictature communiste par les pays occidentaux, j'ai découvert un peuple chaleureux, acceuillant et ouvert. J'y ai fais de rencontres remarquables, comme c'est le cas de Marcelino qui m'a donné son témoignage sur la vie à Cuba. Ses propos rapportés donnent une autre vision de Cuba.
Voici l''interview de Marcelino, cubain que j'ai réalisée à La Havane, le 3 janvier 2016. Mieux que mon témoignage, ces propos que j'ai simplement traduits et dont je détiens la version audio originale, permettront à chacun de se faire une certaine idée.
Je m’appelle Marcelino. Je suis né ici à CUBA, mais je viens de la SIERA MAESTRA et je vis ici à la HAVANE depuis plus de 51 ans. Je suis venu ici comme étudiant et j’ai fini comme Ingénieur.
Question : Je vois que tu es un Ingénieur qualifié. Parle nous de ta vie professionnelle :
Marcelino : J’ai été diplômé en 1979. J’ai travaillé pendant 30 années pour le Gouvernement, mais depuis quelque temps, en raison des changements économiques et puisque les cubains ont la possibilité d’exercer un emploi de ce qu’ils peuvent faire, j’ai vu l’opportunité pour moi d’exercer ce métier de taxi.
Question : Je voudrais te poser une autre question. CUBA semble à la fois riche et pauvre. Que peux-tu me dire à ce sujet ? Que dirais-tu ? CUBA est riche ou pauvre ?
Marcelino : Selon moi, en tant que cubain, je dirai que CUBA c’est le plus riche des pays (il dit cela en rigolant) ; mais laisse moi te dire : Il y a aux Nations Unies ce que l’on appelle l’indice de développement humain. Parmi toutes les nations qui composent l’ONU, CUBA occupe la 15ème place du point de vue de l’indice de développement humain, sans l’économie. Mais quand on y inclut l’économie, nous descendons à la 52ème place. Pour tout ce qui dépend du gouvernement (services publics) et du social, on peut dire que nous y arrivons ; mais lorsqu’on inclut l’économie et que nous ne pouvons pas accéder à toutes les ressources existantes, là, le gouvernement ne rencontre pas toutes les possibilités pour faire ce qu’il y a à faire (du point de vue économique). Par exemple, quand tu prends l’éducation, la santé, il y a un certain nombre de choses qui sont ici gratuites. Par exemple, du point de vue alimentaire, grâce au carnet, « la tarjeta », comme on l’appelle, le gouvernement garantit un minimum vital à tous les cubains. Certes, ce n’est pas assez, mais au moins il y a un minimum pour lequel les gens n’ont pas à se soucier. C’est vrai que les gens se font leur opinion au sujet de cette situation, sans savoir et sans avoir vu, mais lorsque tu viens à CUBA, tu as la possibilité de voir comment nous vivons et ce que nous voulons.
Question : Tu me dis que tout le monde mange, tout le monde a droit à l’éducation, à la santé à CUBA ?
Marcelino : Au moins le gouvernement assure à chacun de quoi manger pendant au moins deux semaines, même sans travailler. J’insiste pour dire que ce n’est pas assez pour vivre toujours, mais au moins, pendant deux semaines tu es sûr de manger sans faire d’effort.
Question : Penses-tu que le socialisme a fait du bien ou du mal à CUBA ?
Marcelino : Je te réponds que l’une des meilleures choses qui aurait pu arriver à CUBA c’est le socialisme. Mais, comme toute chose dans le monde, il y a des changements qui se produisent et, à tout moment, tu dois adapter ta situation à l’évolution des choses. En effet, aujourd’hui, le socialisme à CUBA n’est pas le même qu’en 1961/1962 quand tout a commencé. Lors du dernier congrès du parti communiste, la population a été consultée et elle a dit qu’est-ce-qu’elle voudrait, comment elle voudrait que le communisme évolue et un document a été élaboré qui s’appelle « L’INAMIENTOS DE COMMUNISMO », les ajustements du communisme, les adaptations du communisme à l’évolution du monde.
Question : Mes fils qui vivent à LOS ANGELES m’ont dit qu’un de leurs amis qui revenait de CUBA a dit que les cubains n’aiment pas CHE GUEVARA parce qu’il aurait fait du tort à CUBA et moi-même un taximan m’a dit que le problème de CUBA ce n’est pas l’embargo, le problème de CUBA c’est CASTRO. Qu’en penses-tu ?
Marcelino : Je ne sais pas d’où vient cette opinion, mais les gens ici à CUBA, dans leur grande majorité, aiment et considèrent Che GUEVARA, la dignité de Che GUEVARA, la lutte de Che GUEVARA. Oui, les gens aiment l’humanisme de Che GUEVARA, son combat contre le capitalisme et contre l’impérialisme ; comment Che GUEVARA a lutté pour renverser l’ancien gouvernement de BATISTA ; l’ancien gouvernement de BATISTA, commandé par BATISTA, en fait commandé par les Etats-Unis. Oui c’était les américains, les divers gouvernements américains qui étaient les maîtres ici à CUBA sous BATISTA. Quand Fidel CASTRO a informé Che GUEVARA et l’a invité à venir ici à CUBA combattre ce système, oui il est venu ici à CUBA ; Quand Che GUEVARA a su que Fidel CASTRO organisait des gens pour aller se battre à CUBA, Fidel CASTRO l’a invité à venir à CUBA et il est venu avec lui et il a fait de son mieux à CUBA et lorsque Che GUEVARA est mort en BOLIVIE, lors d’un de ses discours, Fidel a dit que ce qu’il voudrait, le modèle, ce qu’on l’on souhaiterait pour nos enfants c’est qu’ils soient comme Che GUEVARA, c’est-à-dire qu’ils soient anti-impérialistes et qu’ils puissent combattre comme Che GUEVARA a combattu ici, à CUBA.
Question : Donc tu penses que ceux qui disent que les cubains n’aiment pas Che GUEVARA ce sont des détracteurs, ce sont les américains qui le disent et le répandent aux Etats-Unis pour déstabiliser CUBA ?
Marcelino : Oui, je le pense. Et maintenant que Che GUEVARA est décédé, il est un exemple, il est un modèle pour tous les progressistes dans le monde. D’ailleurs, c’est la photo la plus exposée, la plus publiée à travers le monde depuis l’histoire de l’humanité. Cette photo que tu as vue sur la Place de la Révolution est la photo la plus publiée, la plus répandue dans le monde, c’est celle de CHE GUEVARA et beaucoup d’endroits portent le nom de Che GUEVARA, beaucoup d’édifices, beaucoup de rues, beaucoup de choses portent le nom de Che GUEVARA. Donc si les gens à CUBA n’aimaient pas Che GUEVARA, je ne pense pas qu’il en serait ainsi !
Question : En raison de l’évolution des relations avec les Etats-Unis, le rapprochement qui est en cours, n’as-tu pas peur que cela soit une menace pour le socialisme et la révolution telle qu’elle est en cours à CUBA
Marcelino : L’objectif, l’obsession des américains a toujours été de détruire la révolution cubaine, de prendre le pouvoir et de dominer, non seulement CUBA, mais toute l’Amérique. Et d’ailleurs, James MONROE a dit, en 1920, « l’Amérique pour les américains », mais lorsqu’il disait « l’Amérique pour les américains », c’était l’Europe pour les Européens, l’Amérique pour l’Amérique du Nord ou encore pour les Etats-Unis. Et à l’époque de James MONROE, Fidel CASTRO n’était même pas né. Donc, la position des américains ce n’est pas seulement du fait de Fidel CASTRO, ils ont toujours voulu prendre CUBA, dominer CUBA. C’est parce qu’ils n’ont pas réussi tout au long de ces dernières années à défaire la révolution et à dominer CUBA qu’aujourd’hui, subtilement, ils essayent de contrôler, de mener les citoyens. Mais qu’ils sachent que le peuple cubain est prêt à résister et prêt pour la bataille s’il en est besoin dans l’avenir proche.
Question : Pensez-vous que les cubains veulent revenir à l’époque BATISTA ou encore à l’époque pré-révolutionnaire ?
Marcelino : NON ! Définitivement NON ! Ce qui se passe ici, c’est ce qui se passe toujours dans toutes les civilisations. Tu veux toujours ce que tu n’as pas. Il y a une différence d’approche entre, d’une part, les gens qui ont connu la situation d’avant la révolution et qui chérissent ce qu’ils ont obtenu grâce à la révolution et, d’autre part, comparé à ceux qui n’ont pas connu la période d’avant la révolution et qui ne peuvent comparer les améliorations apportées par la révolution. Mais moi je te dis que le gouvernement est conscient de la situation et sait ce qu’il faut faire et ce qui manque pour améliorer chaque jour la situation des cubains. Si l’embargo est levé, définitivement, la situation des cubains va s’améliorer. Aujourd’hui, à cause de l’embargo, nous ne pouvons pas utiliser l’argent américain pour aucune transaction et toutes les institutions qui sont dominées par les américains comme le Fonds Monétaire International n’ont pas le droit de prêter à Cuba. Tu te rends compte, avec la loi HELMS BURTON, aucun navire qui a accosté dans un port cubain n’a le droit de rentrer aux Etats-Unis avant six mois. Tu te rends compte ? Par exemple si tu as un outil ou un équipement et que cet équipement comprend, ne serait-ce que seulement 10 % de pièces détachées d’Amérique du Nord, tu ne peux pas te procurer cet équipement aux Etats-Unis. Mais si cette interdiction cesse, si les cubains peuvent se procurer tout ce qu’il leur faut pour améliorer leurs équipements sur le marché américain, assurément, les choses iront mieux à CUBA. Mais j’insiste. L’objectif des gouvernements américains, c’est d’avoir CUBA. S’il le faut, CUBA sans les cubains.
Question : Tu as dit qu’il faut quand même des changements. Quels sont les changements qui sont souhaitables sans que CUBA perde son identité et son patriotisme ?
Marcelino : La volonté de changement vient de la population cubaine. Les changements souhaités émanent des cubains, parce que lorsque Raoul (CASTRO) a pris la présidence ici à CUBA, il a fait un discours à SIERRO DE AVILA, et ce discours tout le monde à CUBA l’a écouté. Et à partir de ce discours, il y a eu des débats pour que chacun donne son avis à travers le parti communiste sur ce que Raoul avait dit et quels étaient les changements souhaités par la population. Et lors des débats qui ont suivi ce discours, plus de 1200 avis de la population ont été recueillis. Ces différentes opinions ont été regroupées par secteur ; par exemple sur la santé, sur l’éducation, sur la gouvernance, ainsi que sur toutes les structures gouvernementales.
Par la suite, il a été demandé à chaque ministère de dire comment il allait appliquer la volonté de changement de la population. Quelles adaptations qu’il allait mettre en œuvre pour répondre aux attentes exprimées par la population dans ces 1200 avis ? Et c’est de là que se situe la source des changements entrepris par Raoul à CUBA. Et dans le cadre des différents congrès du parti communiste, il a été décidé de mettre en œuvre, d’appliquer les idées exprimées par la population à travers cette consultation populaire.
Question : Selon toi, ce n’est pas la dictature que l’on dit ?
Marcelino : Je ne sais pas ce que l’on dit ; je ne sais pas de quelle dictature il s’agit. Mais parlons de dictature. Fidel CASTRO et son groupe ont attaqué la caserne MONCADA pour la première fois en 1953. Plus précisément, Fidel CASTRO et son groupe ont attaqué la caserne MONCADA le 23 juillet 1953. Ils ont perdu cette bataille, mais pas la guerre. Ce n’était que la préparation de la guerre elle-même. Par la suite, Fidel est reparti au Mexique et il a préparé la guerre à partir du Mexique. Puis, il est revenu avec ses troupes en 1956 et a commencé à combattre dans la SIERRA MAESTRA. Par la suite, 5 ans, 5 mois et 5 jours après la première attaque de la caserne MONCADA, Fidel a gagné cette guerre. Donc, s’il n’avait pas le soutien populaire, assurément il n’aurait pas gagné cette guerre. C’est qu’il avait le soutien de la majorité pour réussir ce combat. Aussi, pour te répondre, je te dirai donc que Fidel avait le soutien de la majorité de la population, ici, à CUBA, pour ce qu’il a fait à CUBA. Donc, dans la révolution, le mot fort c’est la solidarité. De ce point de vue, quand on voit ce que CUBA a fait, quand on voit la solidarité qui est mise en œuvre ici à CUBA, on peut dire que la situation aujourd’hui à CUBA est, en grande partie, 99,9 %, à cause des pratiques des gouvernements américains. S’ils ne sont pas d’accord avec moi qu’ils lèvent l’embargo, qu’ils lèvent le blocus et on verra, 10 ans plus tard, comment CUBA sera.
Question : N’as-tu pas peur qu’avec l’ouverture au reste du monde que les cubains vont perdre cet esprit de solidarité, cette fierté, ce patriotisme qui les caractérisent ; N’as-tu pas peur que CUBA devienne comme toutes les autres nations et que CUBA ne serait plus CUBA ?
Marcelino : Non. Je ne pense pas, car s’il y a une évolution économique et si économiquement CUBA va mieux, les gens vivront mieux et je pense que tout ira mieux et les cubains aimeront encore plus CUBA.
Dernière question : As-tu quelque chose que tu aurais aimé dire au monde, un message que tu voudrais faire passer ?
Marcelino : Oui. Je voudrais dire aux gens qui entendent parler de CUBA, qui entendent dire des choses de CUBA, qu’ils viennent eux-mêmes pour voir, au moins une fois, car il est mieux de voir pour soi-même, au moins une fois, que d’entendre des milliers de fois des choses qui ne correspondent pas à la réalité. Alors, je les invite solennellement à venir ici à CUBA pour voir de leurs propres yeux.
Harry Durimel pour TheLinkFwi@l'Actualité en un clic !!
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