Le 10 Mai 2015, François Hollande se rendait en Guadeloupe pour l'inauguration du Mémorial Acte, musée traitant principalement de l'histoire de l'esclavage. Le choix de la journée était symbolique et, comme souvent en la matière, tout sauf anodin, puisque le 10 mai est la «Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition». «On peut analyser le choix d’une inauguration le 10 mai comme une façon de réaffirmer le lien avec le national», commentait à l'époque Myriam Cottias, historienne et présidente du Comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage (CNMHE). Depuis son instauration en 2006, le 10 mai tend à s’imposer comme une date nationale dans un calendrier de commémorations complexe où local et national s’entremêlent, non sans quelques piégeuses coïncidences.
En parlant d'esclavage, nous connaissions le 22 Mai pour la Martinique, le 27 Mai pour la Guadeloupe, le 10 Juin en Guyane et le 20 Décembre à la Réunion, mais savez vous pourquoi la France a tant de date de commémoration des abolitions ? Non, voici l'explication !
En France, il existe pas moins de sept dates d'abolitions de l'esclavage, principalement dans les DOM et institués en 1983 et ils sont fériés. Ils diffèrent d'un DOM à l'autre: le 27 mai en Guadeloupe, le 22 mai en Martinique, le 10 juin en Guyane, le 20 décembre à la Réunion et le 27 avril à Mayotte.
Ces jours fériés ont été institués par une loi de 1983. «C’était une demande des assemblées locales, entérinée par Mitterrand après son arrivée au pouvoir. Une circulaire détermine ces jours en fonction de jours historiques», explique Myriam Cottias.
Alors que le décret Schoelcher d’abolition de l’esclavage est pris à Paris le 27 avril 1848, la nouvelle met quelques temps à atteindre les différentes colonies françaises, même si elle arriva plus vite que les planteurs esclavagistes ne l’auraient souhaité. Ainsi, en Martinique, le jour de commémoration «renvoie au 22 mai 1848, date d’un soulèvement d’esclaves. Car les esclaves sont au courant, les informations circulent entre les deux côtés de l’Atlantique,décrit Myriam Cottias. Le décret du 27 avril prévoyait l’abolition de l’esclavage deux mois après pour garantir la récolte de la canne à sucre». Mais en Martinique, les esclaves, informés des décisions parisiennes, imposent leur propre calendrier. Le 23 mai, le gouverneur de l’île décide d’abolir l’esclavage sans attendre l’arrivée officielle du décret, qui y concerne 75.000 esclaves.
Le gouverneur de Guadeloupe en fait de même le 27 mai, date retenue sur l'île pour commémorer la libération de ses 87.000 esclaves. En Guyane, l’abolition est promulguée le 10 juin, jour actuel de commémoration dans le DOM amazonien, mais pour les 12.500 esclaves de ce vaste territoire, elle ne prit effet que le 10 août. Et à la Réunion, ce n’est que le 20 décembre que les 62.000 esclaves purent jouir de l’abolition, «car il y eut une résistance des colons, qui disaient ne pas avoir reçu le décret».
Mais toutes ces dates, ne sont connues que localement, dans les différentes régions. En France, le jour qui fut retenu, était alors le 27 avril, jour de l’adoption du décret Schoelcher en 1848, où «une heure devra être consacrée dans toutes les écoles primaires, les collèges et les lycées de la République à une réflexion sur l’esclavage et son abolition», comme le prévoyait le décret d’application de la loi de 1983. Une disposition dont on doute qu’elle fut systématique appliquée, et qui fut d’ailleurs supprimée par décret en 2006
Bien avant cela, on opta pour le 4 février en mémoire du 4 février 1794, jour de l’acte d’abolition de l’esclavage adopté sur la proposition de l’abbé Grégoire par la Convention nationale. Cette première abolition de l’esclavage par la Révolution française, à la toute fin du XVIIIe siècle, fut annulée par Napoléon. Mais cette proposition sénatoriale n’avait pas été retenue et la loi de 1983 n'a prévu des jours fériés pour la commémoration de l’esclavage que dans les quatre DOM de l’époque –Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion– ainsi qu’à Mayotte, alors collectivité territoriale d’outre-mer.
Mais finalement, il a fallu attendre la loi Taubira de 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. La loi prévoit qu’«en France métropolitaine, la date de la commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage est fixée par le Gouvernement après la consultation la plus large». Cette date ne fut fixée que cinq ans plus tard, en 2006. Et après de multiples réflexions qui ne furent pas sans susciter des polémiques, c’est le 10 mai qui fut retenu: 10 mai pour 10 mai 2001, jour de l’adoption en dernière lecture au Sénat de la loi Taubira.
D'autres dates subsistent cependant, au niveau international cette fois. A ce calendrier s’ajoute la date du 23 mai, qu’un décret de 2008 reconnaît comme un jour de commémoration pour les Français d’Outre-mer de l’Hexagone. Une date qui peut renvoyer à la décision du gouverneur de la Martinique du 23 mai 1848, mais aussi à la marche de mobilisation du 23 mai 1998, qui initia la loi Taubira. Il y a également, le mois des Mémoires de l’Esclavage, du 27 avril au 10 juin créé par le CNMHE. S’ajoutent encore à cela les dates reconnues internationalement. Le 2 décembre, la «Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage» commémore l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies d’une Convention pour la répression et l’abolition de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, le 2 décembre 1949. Le 23 août, enfin, fut initié par l’Unesco en 1998 en souvenir de la nuit du 22 au 23 août 1791 où éclata à St-Domingue une révolte d’esclaves qui mena à l’indépendance de la première République noire Haïti.
Une preuve supplémentaire qu'une histoire aussi longue et complexe que des siècles d’esclavage et de traite transatlantique ne peut certainement pas se résumer en une date.