Depuis l'annonce du projet d'extension du Port Autonome de la Guadeloupe et le début des travaux, la rupture entre la population et les pouvoirs publics est faite ! Débutés le 4 Février dernier, les travaux divisent, des voix s'élèvent parmi elles : celles des marins pêcheurs furieux !
C'est un chantier d'ampleur capitale pour les îles de Guadeloupe. Depuis le 4 Février les drageuses sont en action à l'entrée du Port de Jarry et de Pointe-à-Pitre. Elles travaillent 7 Jours sur 7, 24h/24 dans la baie de Pointe-à-Pitre. Selon les responsables du chantier, pour début 2016, l'île disposera du plus grand terminal de conteneurs de la zone Caraïbe après celui du Canal de Panama. Une infrastructure portuaire qui passera de 11,5m à 17m de tirants d'eau. Pour cela sept millions de mètres cubes (m3) de sédiments, coraux doivent être extrait.
Avec l'agrandissement du Canal de Panama partout dans la Caraïbe on s'active, on creuse, on fouille, on agrandit ses ports. En Jamaïque, à Cuba, en Martinique et en Guadeloupe, les chantiers sont en cours car les nouvelles écluses du Canal de Panama seront prêtes à l'emploi pour 2016. Celles-ci vont permettre l’arrivée de méga porte-conteneurs dont les plus récents et les plus démesurés sont capables de transporter d’un coup 16 000 équivalents vingt pieds (EVP), autrement dit 16 000 « boîtes » de 38,5 m3 chacune. Pointe-à-Pitre n’est pas sur les rangs pour accueillir ces mastodontes, mais ambitionne de recevoir la génération précédente qui devrait être réaffectée sur des lignes régionales. L’idée est d’au moins tripler le trafic annuel de marchandises de l’île, qui s’élevait en 2013 à 3,7 millions de tonnes, dont plus de la moitié en conteneurs (200 000 EVP). Le port veut pouvoir accueillir des navires de 5 000 EVP – deux fois plus gros que ceux faisant escale à Jarry actuellement –, puis de 12 000 EVP à partir de 2020.
Projet majeur pour la Guadeloupe :
Selon les responsables de Guadeloupe Port Caraïbes, ne pas se lancer dans ce projet représenterait un manque à gagner de 50 millions d'euros par an. La Guadeloupe est aujourd'hui un port de seconde zone à l'échelle caribéenne. Avec l'agrandissement du canal de Panama des bateaux à plus grand tirant d'eau et permettant le transport de 12.000 containers vont transiter dans la grande région, bateaux que notre archipel n'est actuellement pas en mesure d'accueillir en raison du manque de profondeur du chenal, le risque est donc que les plus gros porte-conteneurs débarquent leurs marchandises dans d'autres îles de la zone comme la Jamaïque, Porto-Rico ou le Panama. Pour terminer le trajet jusque chez nous, ce sont alors de plus petits bateaux qui achemineront les cargaisons, entraînant ainsi un surcoût. La Guadeloupe souhaite donc concurrencer les grands ports de la région mais pour cela il faut être en mesure de recevoir directement les géants qui transiteront par le canal à partir du début de l'année 2016. Ces bateaux étant jusqu'à trois fois plus gros que ceux qui circulaient jusqu'ici dans la caraïbe, il faudrait que la profondeur du chenal atteigne les 15,7 mètres de profondeur, il en fait actuellement 11. Pour Yves Salaün, président du directoire de Guadeloupe Port Caraïbes, "la Guadeloupe n'a pas le choix si elle veut faire face à la concurrence..." Vous l'aurez compris l'économie passe avant l'écologie et la protection des milieux marins en second plan. " Nous devons suivre le mouvement général de développement, sinon nos marchandises passeront par d’autres ports et leur coût augmentera." C’est en prédisant « une perte pour l’économie guadeloupéenne de 50 millions d’euros par an » si les travaux n’étaient pas faits que l’établissement public a convaincu les responsables politiques de la région et l’Etat de se lancer dans un investissement de 210 millions d’euros. Mais au prix d’une remise à plat d’un projet moins simple à réaliser que ses promoteurs ne l’avaient cru initialement.
Les contrariétés ont débuté en octobre 2013, lorsque le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), qui dépend du ministère de l’écologie, a remis son avis sur ce grand chantier, sans doute le plus volumineux sur lequel il a eu à se prononcer jusqu’à présent. Sur les 7 millions de mètres cubes à draguer, seuls 630 000 m³ doivent être réutilisés en remblai, tout le reste devant être « clapé », autrement dit rejeté en mer à 10 kilomètres de la côte. Les rapporteurs de l’Autorité environnementale se sont inquiétés de ces sédiments à la nature « pas clairement identifiée », faute de prélèvements suffisants. Trois carottages ont cependant révélé la présence d’arsenic, de cuivre et de métaux lourds. Le CGEDD a relevé, entre autres, « l’atteinte directe à des milieux marins d’un grand intérêt écologique », l’impact du bruit, de la turbidité… Les risques vont être particulièrement élevés en mars et avril, au moment où les baleines à bosse et les grands dauphins viennent se reproduire près de l’île.
Pour se racheter, le Port autonome a prévu des compensations financières notamment pour les pêcheurs regroupés en association. Il faut dire que le futur port va encore compliquer leur activité. Il leur est déjà interdit de travailler à moins de 500 mètres du rivage est de Basse-Terre, contaminé par le chlordécone – un insecticide déversé pendant des années sur les bananeraies. Ils doivent, en outre, faire face à l’invasion du poisson-lion, un redoutable prédateur venu de l’océan Indien. Et il leur faut à présent subir un immense nuage de boues de clapage, chargées en hydrocarbures et autres déchets de peintures de bateaux.
En octobre 2014, la Guadeloupe accueillait la deuxième Conférence internationale sur la biodiversité dans les outre-mer européens. Les pêcheurs en ont profité pour défendre leur cause auprès de Nicolas Hulot, envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète. « Dans ce coin-là, nous prenons du vivaneau, de l’œil-de-bœuf, des grandes langoustines d’eau profonde, a plaidé Nicolas Diaz, secrétaire général du comité régional des pêches. La pêche ici, c’est 800 petits bateaux de moins de 12 m et 1 200 professionnels qui remontent 4 000 à 5 000 tonnes de poissons.
Les travaux vont engendrer des tonnes de sédiments qui vont s’étaler sur au moins 70 km2, asphyxier les fonds, envaser les plages touristiques du Gosier. Sans compter les mammifères marins qui vont souffrir aussi. » Après de nombreuses batailles tant au niveau local, qu'au niveau national voire international, Mi-janvier, les pêcheurs de Guadeloupe ont finalement obtenu des avancées : davantage d’analyses de sédiments, de surveillance écologique des fonds marins et… des compensations financières pour leur manque à gagner. Dans la foulée, ils se sont vu attribuer un siège au comité de pilotage installé le 4 février. Le préfet de région a pu y annoncer que les mesures de réduction, de suivi et de compensation de l’impact sur l’environnement s’élèveraient à 17 millions d’euros.
Vous l'aurez compris en Guadeloupe, l'économie passe avant l'écologie. La protection des milieux marins ? Elle passe au second plan...
E.L.M.S pour TheLinkFwi@