Cédric Isham n'est plus à présenter. En effet, depuis quelques années, le photographe guadeloupéen endosse différentes casquettes. A la fois artiste-photographe, reporter-photographe pour les grands quotidiens nationaux et internationaux ou encore réalisateur de documentaires, le dernier en date : " Labalavi", Isham fait partie de ces quelques professionnels guadeloupéens qui s'exportent hors des frontières de l'Archipel. Pour autant, malgré le succès, l'artiste n'oublie pas sa Guadeloupe et ses problèmes. Armé de son appareil, il a décidé de mener la lutte pour la vérité concernant la mort de Claude Jean-Pierre...
Notre route a une nouvelle fois croisé celle du photographe Cédric Isham Calvados, qui n'est plus à présenter. Présent depuis 11 ans dans le paysage artistique et photographique local, le parcours du guadeloupéen s'est enrichi d'expériences, toutes plus belles les unes que les autres. A la fois, artiste-photographe, reporter-photographe pour les grands quotidiens nationaux et internationaux, mais aussi réalisateur de documentaires (le dernier en date : " Labalavi") Isham qui s'est fait connaître grâce à " La Guadeloupe, mon visage, Moun isidan", fait désormais partie de ces rares professionnels guadeloupéens et même ultramarins qui s'exportent hors des frontières de l'Archipel. Pour autant, malgré le succès, l'artiste n'oublie pas sa Guadeloupe, ses problèmes et les combats qui s'y jouent actuellement. Parmi eux, l'affaire Claude Jean-Pierre, du nom de ce septuagénaire contrôlé le 21 Novembre dernier par les gendarmes sur le territoire de la commune de Deshaies.
La suite on la connaît, les sapeurs pompiers sont appelés sur les lieux pour un malaise. Très vite, c'est le SMUR qui se rend sur place et qui prend le relais. L'état de Claude se se dégrade. Conduit au CHU de Pointe-à-Pitre, plusieurs examens sont effectués par le médecin en charge. Ce dernier constate une double fracture des cervicales dont une instable qui compresse la moelle épinière. Par ailleurs, des hématomes sont également présents sur le visage de la victime, qui est entre temps conduite en réanimation. Il est ensuite opéré en urgence. L'opération se déroule le 24 novembre et aurait été un succès selon les dires des médecins du CHUG. Cependant, ils auraient admis à la famille que Klodo ne retrouverait pas une vie normale ou du moins pas avant un bon moment car, il y a une lésion à la moelle épinière mais que son pronostic vital n'était pas engagé. C'est donc le soulagement pour la famille et surtout pour la fille qui a fait le déplacement depuis l'Hexagone où elle réside. Pourtant, le jeudi 03 décembre, il décède. La famille porte plainte. Face à la pression populaire, une enquête est ouverte. Un mois, c'est le temps qu'aura mis la justice pour remettre aux avocats de la famille les résultats de l'autopsie et les images des vidéos de surveillance de la municipalité de Deshaies, qui semble s'être terrée dans un silence assourdissant. Stupeur et incompréhension dans ce dossier, le procureur de la République censé défendre les intérêts communs semble vouloir atténuer la responsabilité des gendarmes. Depuis, les guadeloupéens réclament justice.
Ainsi, depuis quelques semaines, Cédrick-Isham affiche sur ses réseaux sociaux des portraits de guadeloupéens et guadeloupéennes, personnalités ou simples citoyens tenant dans leurs mains, un panneau sur lequel on peut lire : " Justice pour Claude Jean-Pierre". Une façon bien à lui de participer à la lutte pour la vérité.
The Link Fwi : En tant que guadeloupéen, comment as-tu ressenti le drame qui a emporté Claude Jean-Pierre ?
Cédrick Isham : Pour être honnête quand les faits se sont déroulés, je me trouvais à Paris, j'ai vu que les réseaux sociaux se faisaient l'écho d'une affaire étrange concernant un contrôle de gendarmerie qui s'était mal déroulé et dont l'issue a été tragique. Sur le coup, de part mes activités et étant hors du territoire, je ne m'en préoccupais pas. Sauf qu'à mon retour en Guadeloupe, lorsque j'ai appris le décès de Claude Jean-Pierre, j'ai trouvé cette histoire encore plus bizarre, surtout le fait que la famille et les proches attendent aussi longtemps pour avoir les résultats de l'autopsie ou même voir les images des caméras de surveillance. Je trouvais qu'elle ( cette affaire) s'inscrivait dans une dynamique d'injustice à l'encontre des personnes de couleur noire. Sauf que cette fois-ci, ce n'est pas en France ou à l'étranger mais bien chez moi. Une fois que j'ai réalisé cela, j'ai commencé à réfléchir, à me poser des questions, cela me travaillait beaucoup. Après, on le sait, le problème avec les médias, un sujet est abordé mais très vite on l'oublie du fait du flux quotidien d'informations. Nous vivons à l'heure de la consommation de l'actualité, donc au bout d'un moment, on oublie assez rapidement. Cependant, le sujet est réapparu et sans doute, influencé par Laurence Maquiaba qui dans une vidéo Instagram, invitait ses contacts à passer à l'action et c'est de là que je me suis décidé à apporter ma contribution pour que la justice se fasse.
TLFWI : Quel est ton point de vue concernant cette affaire ?
Isham :Tout simplement que justice soit faite. Je n'ai pas plus de choses à dire. Il y a comme un sentiment d'impuissance. Lors de la manifestation à Basse-Terre, j'ai rencontré une dame dont le frère schizophrène a été abattu par les forces de l'ordre, en Guadeloupe en plus ! Trois ans après ces faits, cette famille réclame encore justice et rien n'a encore été fait. J'ai peur que cela ne fasse une nouvelle affaire qui ne soit encore une fois invisibilisée, qui soit mise sous silence. Il y a donc comme un sentiment que les forces qui sont censées représenter l'ordre sont protégées et que la population, enfin une certaine partie ne l'est pas et cela me fait peur pour le futur, pour ma fille et moi-même.
The Link Fwi : Pourquoi avoir décidé de porter ta contribution à la lutte pour la justice et la vérité ?
C.I : En tant que photographe sensible aux questions des identités, que j'ai plusieurs fois questionné dans mes différents travaux artistiques, je pense qu'il est important de faire participer toutes celles et ceux qui se sentent concernés de près comme de loin. L'idée est de faire corps, ensemble pour demander justice. C'est poser un acte fondateur autour duquel tout le monde se rassemble. C'est comme signer une pétition, sauf qu'il s'agit d'une pétition visuelle, une pétition photographique.
TLFWI : Peux-tu nous expliquer ta démarche ? Comment procèdes-tu ?
Cédrick Isham : A vrai dire, elle est simple. J'avais une vieille photo datée de 2010 (petite anecdote, il s'agit d'une photo prise à Pointe-à-Pitre et montrant un homme vendant le livre " LKP ce que nous sommes") que je n'utilisais pas. Au dos de cette photo, après avoir acheté un feutre indélébile, j'ai écrit " Justice pour Claude Jean-Pierre" Par la suite, je me suis pris en photo avec la pancarte à la main avec l'idée de demander aux personnes si elles souhaiteraient être prises en photo avec la pancarte. Celles et ceux qui jouent le jeu, je les rejoins à un point de rendez-vous. Ensuite, je diffuse les clichés sur les réseaux sociaux. Je ne partage pas tous les jours, je prends mon temps mais j'aurais aimé que le nombre de participants(es) augmentent et qui sait où cela peut mener. C'est vrai que ma mère me dit de faire attention (rires). Après est-ce que j'aurais des problèmes ? On verra bien, mais je ne pense pas que demander justice se soit chercher des problèmes, mais si on en arrive là c'est qu'il y en a.
The Link Fwi : Donc, pour toi s'agit-il d'un militantisme ou seulement une envie de figer l'instant à la manière des photo-journalistes et des reporters ?
C.I : C'est surtout une façon pour moi de montrer que je ne suis pas un simple artiste, un simple photographe, mais avant tout je suis un citoyen, un guadeloupéen qui se sent concerné par cette affaire. Je ne sais pas s'il s'agit d'un militantisme. Je ne sais pas si j'ai cette fibre en moi, mais en tout cas, je me sens proche de la cause et j'ai envie de la défendre, car cela aurait bien pu arriver à un de mes proches, mon père, un de mes oncles etc. C'est quand même un homme de 68 ans, qui est mort suite à ce contrôle. Qu'il ait bu ou qu'il conduisait sobrement, cela ne justifiait en rien la violence des gendarmes. A partir de là, j'estime que je fais ce que je dois faire en mon âme et conscience. Néanmoins je ne mettrai pas ma démarche dans une catégorie. Il ne s'agit pas de militantisme, ni même une envie de figer l'instant. Il s'agit de prendre position tout simplement.
TLFWI : Est-ce toi qui contacte les personnes ou ce sont-elles qui viennent à toi pour poser et faire passer le message ?
Isham : La plupart du temps ce sont elles qui me contactent. En effet, lorsque j'avais publié la photo sur les réseaux sociaux, j'avais invité les personnes intéressées par ma démarche à me contacter, ce qu'elles ont fait. Par moment moi-même quand je croise des personnes que je connais, je leur demande si elles veulent participer et assez souvent elles le veulent sans sourcilier parce que pour elles, c'est évident que quelque chose ne va pas dans cette affaire. Elles posent tout naturellement en signe de protestation.
The Link Fwi : A ce jour, combien de personnes ont posé devant ton objectif et prévois-tu de continuer ta démarche ?
Cédrick Isham : A ce jour, 28 personnes ont été prises en photo et je pense que je vais continuer parce que je trouve qu'il y en a même pas encore assez. J'ai été sollicité par d'autres personnes mais je n'ai pas encore eu le temps vu mes activités, le travail etc. Je n'ai pas eu l'occasion de le faire. J'espère que cette démarche va toucher un nombre incalculable de personnes, pour cela, il faut que je ne fasse que ça et que je parcoure toute la Guadeloupe et à vrai dire c'est un peu compliqué. Après j'ai d'autres idées concernant cette affaire, mais je me donne le temps.
TLFWI : Si l'on veut poser pour toi, comment doit-on procéder et comment te contacter ?
C.I : Je suis présent sur Facebook, Istagram et par la suite on prend rendez-vous et on fait le shooting.
Découvrez, les portraits de ces personnes qui réclament justice pour Klodo :
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