Le reggae a été admis jeudi au patrimoine mondial de l'Humanité par l'Unesco en raison de sa "contribution" à la prise de conscience internationale "sur les questions d'injustice, de résistance, d'amour et d'humanité". Il rejoint une liste de 400 traditions culturelles distinguées par l’Unesco
Le reggae, cette musique envoûtante, avec ses textes engagés, ses riffs de guitares étouffés, ses chanteurs charismatiques tels que Bob Marley, Bunny Wailers ou Peter Tosh et son image de musique non violente, prônant l'amour et la justice sur Terre, fait désormais parti du Patrimoine culturel de l'humanité.
Il rejoint ainsi une liste de 400 traditions culturelles distinguées par l’Unesco telles que l'art du pizzaïolo napolitain, le yoga indien, le cercle de capoeira brésilien, le fest-noz breton ou le gwoka guadeloupéen...
Le Comité de L'Unesco réunit à Port-Louis ( Île Maurice) a souligné "la contribution" de cette musique jamaïcaine à la prise de conscience internationale "sur les questions d'injustice, de résistance, d'amour et d'humanité, et sa dimension à la fois "cérébrale, socio-politique, sensuelle et spirituelle". Elle s'est souvent revendiquée comme la musique des opprimés, abordant des questions sociales et politiques, la prison et les inégalités.
"Le reggae est exclusivement jamaïcain", a commenté Olivia Grange, la ministre de la Culture de cette île caribéenne, avant le vote. "C'est une musique que nous avons créée qui a pénétré partout dans le monde".
À la différence de celle du patrimoine mondial, cette liste n'est pas établie selon des critères "d'excellence ou d'exclusivité", selon l'Unesco. Elle ne cherche pas à réunir le patrimoine "le plus beau" mais à représenter la diversité du patrimoine culturel immatériel, à mettre en lumière des savoir-faire portés par des communautés.
Une musique métissée :
Créé au début des années 1960 dans les quartiers pauvres de Kingston, capitale de la Jamaïque. A l'image de nombreuses musiques caribéenne, il est le fruit d'un mélange entre les musiques européennes que l'on faisait jouer aux esclaves noirs (polka, mazurka, scottish, quadrille mais aussi musiques de types militaires avec fifres et tambours) et les formes culturelles et musicales du XIXe siècle comme le Kumina, le Junkanoo ou le Revival Zion qui se traduisent dans les musiques traditionnelles caribéennes (mento puis calypso), mais est aussi très influencé par le Rhythm and blues, le jazz et la soul music, alors très en vogue en Jamaïque. À ces influences s'ajoute celles de musiques africaines, du mouvement rasta et des chants nyabinghi, qui utilisent les tambours dérivés des cérémonies Buru afro-jamaïcaines.
Origine du mot encore inconnue ?
Il y a beaucoup de divergences quant à l'origine du mot. Il pourrait venir du mot d'anglais jamaïcain, « streggae », qui désigne une personne mal ou trop peu habillée, et de là, les prostituées. Ce mot aurait été modifié par une radio jamaïcaine de l'époque. Cette étymologie est également fournie par le grand producteur de reggae Bunny Lee qui l'explique au musicien et musicologue spécialiste de la Jamaïque Bruno Blum dans le film Get Up Stand Up, l'histoire du reggae., précisant que les radios n'avaient pas aimé le mot péjoratif « streggae ». Néanmoins, d'autres s'accordent à dire que le mot " reggae" pourrait désigner l'homme de la rue, le voyou. Selon d'autres sources, il serait la contraction et l'altération du terme anglais « raggamuffin » (littéralement « va-nu-pieds ») ou peut-être de rege-rege « querelle ». Autre hypothèse, « reggae » désignerait une tribu de langue bantou originaire du lac Tanganyika. Enfin, dernière explication, le terme "Reggae" découlerait de la spécificité de son rythme - "a ragged rythm" un "rythme déguenillé" ou "irrégulier" - comme le soutient le guitariste de studio Hux Brown.
Ces divergences sont bien la preuve que le reggae est avant tout une musique métissée aux origines afro-caribéennes.
Tout aussi problématique est la question de la paternité du Reggae en tant que genre musical proprement dit ; paternité qui, contrairement au Rocksteady, est très controversée : certains attribuent le premier disque de Reggae aux Maytals avec "Do the Reggay" en Août 1968. Cependant, si Toots est certes le premier à utiliser le mot "Reggae" dans une chanson, d'autres morceaux au tempo un peu plus rapide que le rocksteady ont déjà préfiguré le style au cours de l'année 1968.
" Ainsi Pop-a-Top de Lynford Anderson annonçait déjà, début 1968, un nouveau style de rythme, bien plus rapide. D'autres compositions se disputent le titre de premier Reggae, dont le Bang A Rang de Stranger Cole et Lester Sterling (pour Bunny Lee), le Nanny Goat de Larry Marshall et Alvin (sous la direction de Jackie Mittoo, pour Studio One), la première version méconnue du Soul Rebel de Bob Marley, et le No more heartache des Beltones. "
Styles et caractéristiques :
Le Reggae peut-être caractérisé par : l'utilisation de la guitare basse, de la guitare électrique, de la batterie, et du scraper ou son équivalent le jawbone qui vient en fin de mesure, et qui accompagnent des chants lourds d'émotion et qui souvent, expriment le rejet pour une "culture dominante". Son rythme "four beat", binaire, assez lourd, avec l'accent par la basse et batterie les temps faibles, en particulier troisième temps (connu aujourd'hui sous le nom de one drop). Ce que l'on qualifie souvent de contretemps, car ses accords se retrouvent sur le second et quatrième temps - marqué la guitare rythmique ou le clavier (connu sous le nom skank). Caisse claire sur le 3e temps.
De nombreux styles reggae ont fait leur apparition. Nous pouvons citer:
- Le early reggae apparu entre 1968-1970.
- Le one-drop, 1970-1976
- Le rockers entre 1977 - 1980
- Le early dancehall ou rub-a-dub apparu en 1981.
- Le early digital : rythmique rapide, entièrement composé sur boîte à rythmes apparaît en 1985.
Le reggae a été popularisé grâce aux succès de Bob Marley. De plus, il est fortement associé au mouvement rasta, lui aussi apparu dans l'île anglophone des Grandes Antilles au début des années 1930. Importé dans les années 1960-1970 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni par les immigrés jamaïcains, le reggae est joué désormais aux quatre coins de la planète.