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Widney Bonfils, où le rêve canadien


Guadeloupéen installé à Montréal depuis 12 ans, Widney Bonfils a un parcours professionnel atypique. Après HEC, il s’oriente dans la Communication-Marketing, domaine dans lequel il excelle désormais. Chasseur de tête pour une multinationale, puis manager d’artistes, il est désormais Directeur Artistique à la SOCAN ( équivalent de la SACEM au Québec).

Bien souvent, dès que l'on parle des Antilles-Françaises, on pense aux faits divers qui font les choux gras de la Presse. Sur The Link Fwi, nous aimons mettre en avant des personnalités inspirantes pour notre jeunesse. Aujourd'hui, nous vous proposons en interview, Widney Bonfils. Installé à Montréal depuis 12 ans, le guadeloupéen, a un parcours professionnel atypique. Après HEC, il s’oriente dans la Communication-Marketing, domaine dans lequel il excelle désormais. Chasseur de tête pour une multinationale, puis manager d’artistes, il est désormais Directeur Artistique à la SOCAN ( équivalent de la SACEM au Québec). Il revient pour nous sur son parcours et sa vie au pays des caribous.

The Link Fwi : Bonjour Widney, peux-tu te présenter rapidement à nos lecteurs ?

Salut, moi c’est Widney, Guadeloupéen de naissance et résidant au Canada depuis 12 ans maintenant. Je vis à Montréal. Et non, je ne vis pas sous terre ( rire)

TLFWI : Quel a été ton parcours scolaire et professionnel ?

Mon parcours est un petit peu atypique. Je suis arrivé à Montréal en 2006 pour mes études. Après 2 ans à HEC Montréal, je me suis dirigé vers un BAC en Communication Marketing (équivalent d’une License) à l’Université du Québec à Montréal. On me demande souvent pourquoi car généralement les gens font l’inverse, étant très difficile d’entrée à HEC. En fait, j’ai été un peu choqué par les mentalités et les attitudes des étudiants d’HEC qui comme on dit, " pétaient plus haut que leurs culs " (rire) Pas mon genre… C’est vraiment à l’UQAM que j’ai découvert la vie et Montréal. (rire)

En sortant de l’université en 2011, j’ai été recruté par une Multinationale spécialisée en Technologie de l’Information, TEKsystems (faisant partie du groupe Allegis). J’ai donc été chasseur de tête pendant un an. Ça a du bien fonctionné car l’année d’après j’obtenais une promotion pour devenir Directeur de Comptes. J’avais donc à ma charge une équipe de quatre recruteurs.

Après un an et demi, j’ai été approché par une autre multinationale, toujours en TI, Gartner (NYSE). J’ai donc commencé en tant que Directeur de Comptes Exécutif, puis j'ai été promu 2 ans après au poste de Directeur du développement des affaires pour le territoire du Québec. J’ai donc toujours travaillé dans le domaine des TI. J’adorais ça, mais il me manquait ce je ne sais quoi (rire) .

La musique est arrivée dans ma vie vraiment par hasard. Mon meilleur ami, guadeloupéen lui aussi, que j’ai rencontré à Montréal, commençait à se faire connaître dans le milieu et c’est sa signature sous un major à Londres (Parlophone) qui m’a vraiment donné envie de me lancer. C’est donc la même année, en 2017, que j’ai ouvert une compagnie de management d’artistes et j'ai signé mes premiers artistes (producteurs). Quelques semaines après, j’ouvrais une compagnie d’édition musicale cette fois avec mon meilleur ami et deux autres partenaires. On a pu travailler sur de beaux projets antillais, canadiens et internationaux. Mais c’est vraiment en Octobre 2017, que les choses ont vraiment changé pour moi. J’assistais à un Gala durant lequel mes deux partenaires d’éditions se voyaient remettre le prix de la chanson internationale pour leur titre Kiss me d’Olly Murs. À ma table, le directeur A&R de la SOCAN. En sortant du gala, j’avais une offre d’emploi en tant qu’A&R Exécutif pour le Québec (Directeur Artistique Exec. en France). Depuis Janvier 2018, c’est mon poste à temps plein.

TLFWI : Alors que beaucoup tentent la France, toi, tu as opté pour le Canada. Pourquoi le Canada ?

Premièrement, je trouvais que tout le monde allait en France. Je voulais me dépayser et voir complètement autre chose. J’ai toujours été attiré par la culture Nord-Américaine.

Deuxièmement, je voulais apprendre l’anglais. Le « Where is Bryan? Bryan is in the Kitchen…” ne m’aurait pas amené bien loin ( rire) Ce que les gens ne savent pas, c’est que ça coûte beaucoup moins cher aussi d’étudier au Canada plutôt qu’en Europe. Oui, il fait froid, mais crois-moi, les opportunités sont beaucoup plus accessibles et ce plus rapidement.

Je me sens aujourd’hui beaucoup plus Canadien que Français. À moins de 30 ans, j’avais déjà pu acheter de l’immobilier, monter des compagnies… en France, ça aurait été beaucoup plus difficile. Pas impossible, mais plus difficile. Ici, on te fais plus rapidement confiance et surtout tout est basé sur ton mérite et non sur tes diplômes

TLFWI : Qu’est-ce qui t’a donné l’envie de manager des artistes ? Quel événement t’a orienté vers ce choix de carrière ?

En fait, je connaissais Yannick (Kinay pour les intimes : rire) depuis son arrivée à Montréal en 2008. Il a toujours fait de la musique. C’est sa passion qui m’a motivé. C’est bon de ne pas travailler dans une banque, ou de ne pas être ingénieur ou autre activité corporative. À croire que je ne le savais pas ou du moins ne l’assumais pas. Je ne savais cependant pas quelle place j’aurais pu avoir dans cette industrie, n’étant pas musicien moi-même. Par contre, ayant toujours gravité autour d’artistes, par exemple, ma tante était dans le groupe Zouk Machine, j’aime à croire que j’ai un semblant d’oreille ( rire) C’est la visite des patrons de Parlophone à Montréal qui a tout changé. J’ai pu discuter avec eux et j'ai compris une chose importante. L’expression « Music Business » est composée de deux mots. Le deuxième est tout aussi important si ce n’est le plus important. C’est vraiment durant leur visite que j’ai compris la valeur ajoutée que j’aurais pu amener à cette industrie.

TLFWI : Comment s’organise ta journée de manager d’artistes ?

Je ne gère plus d’artistes directement. J’ai dû me retirer de mes activités pour rentrer à la SOCAN car c’était un conflit d’intérêt. En fait, pour faire simple, mon boulot était de ramener de la bouffe sur la table (rire). Il existe plusieurs vecteurs de revenues pour des artistes. En tant que manager, tu touches sur tout sauf les droits d’auteurs (cachet de prods…). En tant qu’éditeur, mon boulot était de trouver soit des artistes à mettre en studio avec mes producteurs ou encore de créer des chansons à soumettre à des artistes, mais aussi à des films, pubs, séries…

TLFWI : Comment établis-tu le contact avec les artistes est ce que ce sont eux qui viennent vers toi ou c’est toi qui les repères ?

Au début, tu fais beaucoup plus de démarchages. En anglais on dit Cold contact via les réseaux, cold calls, du réseautage. Tu vas dans des événements, des soirées… tout est bon pour se faire des contacts et se donner de la visibilité.

Maintenant c’est un peu différent. Vu ma nouvelle position, j’ai la chance d’avoir plus d’artistes qui me contactent pour des conseils ou pour des intros…

TLFWI : On sait que tu es membres de la SOCAN, premièrement qu’est-ce que la SOCAN ? Et deuxièmement quel est ton rôle au sein de cet organisme ? Parle nous concrètement de tes actions au sein de la SOCAN ?

La SOCAN est une société de gestion de droits d’auteurs. Plus précisément, on gère et protège les droits d’exécution et les droits de reproduction de plus 150 000 auteurs-compositeurs, éditeurs de musique, compositeurs et artistes visuels. Nous travaillons avec des artistes comme Drake, The Weekend, Loud… C’est l’équivalent de la SACEM en France.

Je suis A&R Executive (Directeur Artistique en France). Je m’occupe du recrutement, de la rétention et du rapatriement d’auteurs compositeurs. Je suis aussi là pour aider les jeunes auteurs compositeurs à développer leur carrière. Pour ça, ben j’écoute beaucoup de musique et je vais voir beaucoup de concerts. Le boulot idéal quoi, être payé à écouter de la musique (rire). Mais ce n’est pas si simple que ça en a l’air. C’est aussi un poste qui demande beaucoup de temps, d’énergie et qui peut être très frustrant parfois. Mais je ne changerais rien. J’adore chaque journée, car elles sont toutes différentes. On a les mains un peu dans tout. Nous sommes sollicités à donner notre avis sur la programmation de festivals… Je donne aussi des conférences et des cours sur les droits d’auteurs et sur la partie « affaire » de l’industrie. J’adore ça ! D’autant plus que cela me permet de vraiment faire passer un message important : " l’ignorance n’est pas sexy ! " beaucoup de gens pensent qu’ils savent mais devraient se taire et apprendre. Avant de parler, j’ai écouté, j’ai appris.

Dans le cadre de mes activités, je suis amené à beaucoup voyager aussi pour essayer de faire des ponts entre nos éditeurs, auteurs compositeurs locaux et ceux à l’étranger. J’ai été à Paris, Amsterdam et je planifie un voyage à Los Angeles où nous avons des bureaux. Mon but est de faire rayonner la musique canadienne à travers le monde, en favorisant des collaborations entre éditeurs et auteurs compositeurs à travers différents pays.

Une des choses marquantes que j’ai pu faire cette année était l’organisation d’un de nos camps d’écriture annuel. Le concept est simple, nous rassemblons une vingtaine d’auteurs compositeurs pendant une semaine, dans un site enchanteur à 4 heures de Montréal, le Rabaska Lodge. Nous réservons ce complexe de 16 chalets, où les auteurs sont complètements isolés du reste du monde (pas d’internet, réseau…). À date, ça a été un grand succès. Plusieurs de ces chansons écrites au camp sont sorties en single ou sur des albums.

TLFWI : Si tu pouvais donner un conseil à la jeunesse guadeloupéenne ou ultramarine, quel serait-il ?

Attends, la jeunesse, je suis jeune moi ! haha j’ai l’air d’un vieux quand je parle mais je viens d’avoir 30ans hein… relax (rire). Le premier conseil que j’aurais en tête serait le suivant : Voyagez !!! Bougez !! le monde est grand et ne se limite pas à la France. Apprenez d’autres langues ! ça sert énormément. L’école est fondamentale mais n’est pas une finalité. Je connais beaucoup de gens qui ont fait de grandes études, mais qui n’ont pas réussi à avoir le boulot à la hauteur de leurs études. Entreprenez ! On apprend tellement plus ! Il faut se rater, se tromper. Mais ce n’est pas bien de ne pas essayer ou réessayer. L’apprentissage pour moi est un voyage. On n’arrête jamais d’apprendre. On vit dans une ère où l’information est beaucoup plus accessible. Profitez-en ! Le dernier conseil et non le moindre. Nous sommes nés avec deux oreilles et une bouche. Ça veut tout dire. Beaucoup parlent beaucoup et n’écoutent pas assez. Shut up, listen and be real !

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