A l’occasion de ses 30 ans de carrière, Daddy Yod, le “ King “ du raggamuffin francophone est de retour en musique avec à la clé des collaborations parmi lesquelles Jacob Desvarieux et plusieurs dates à venir. Dans cette interview, le roi revient sur son parcours, évoque ses meilleurs souvenirs et aborde la question sociale des Antilles.
Si on vous dit Faut pas taper la doudou, Delbor, Professionnel ou Amateur, Aie Manman ( Sé sa ou di mwen Pou Fè ) vous répondez King Daddy Yod. Pilier du raggamuffin en France, le guadeloupéen célèbre ses 30 ans de carrière en 30 chansons inédites dont des duos originaux. De passage à Paris pour assurer la promotion de son nouveau projet, le King nous a accordé une interview au cours de laquelle, il revient sur son parcours, évoque ses meilleurs souvenirs et aborde la question sociale des Antilles.
The Link Fwi : Daddy Yod c’est 30 ans de carrière, pouvez-vous rappeler à nos lecteurs qui vous êtes ?
King Daddy Yod : Alors pour faire court, je suis Sténard Saint-Félix mais on me connait sous le pseudo de King Daddy Yod. Je suis né à Petit-Canal en Guadeloupe. Je suis un des premiers MC’s français. Mon premier disque est sorti en 1987. En 1991, je donne au mouvement « raggamuffin made in france » ses premières lettres de noblesse avec le titre Faut pas taper la doudou. Je viens des sound systems, j’ai chanté avec Youth Man Unity ou encore King Dragon. En 1993, j’ai collaboré avec le duo jamaïcain Sly and Robbie pour L’Incorruptible et en 1994, le grand public découvre cette scène ragga hip- hop avec la mythique compilation Rap Attitude. Puis, en 1995, sort l’album Le Survivant qui connait lui aussi un franc succès. J’ai à mon actif environ sept albums, onze singles ou maxi singles qui ont connu un très large succès.
The Link Fwi : Vous êtes l’un des précurseurs du raggamuffin en France. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de chanter, et d’adopter ce genre musical ?
King Daddy Yod : Les artistes qui m’ont vraiment donné envie de faire de la musique sont Bob Marley, je me souviens encore aujourd’hui, la première fois que je l’ai vu à la télé, ça m’a branché grave. J’étais un gamin, je ne savais pas encore que j’allais faire de la musique mais ça m’a parlé, selon la légende tout était écrit. Ensuite, il y a King Yellow Man que j’ai découvert dans le magasin Blue Moon, une très belle découverte qui est devenue mon inspiration jusqu’à présent d’ailleurs. Une autre de mes inspirations, Ibo Simon avec ses chansons et albums de l’époque comme La lettre , Même si je dois mourir un jour ,Giscard BO etc
TLFWI : Vous êtes de retour sur les devants de la scène, pouvez-vous nous parler de ce grand retour ? ( collaborations, clips à venir, futures dates de concert etc )
King Daddy Yod : La scène me manquait , le contact avec le public aussi mais surtout dans ces temps troublés où on entend parler de bruit de guerre, d’inondation, de violences sociales et physiques, je voulais revenir avec mes chansons à textes. Selon moi c’est le rôle premier d’un artiste de rap et de raggamuffin de parler de ce peuple qui a faim et du monde qui a besoin de soutien. L’homme ne vit pas que de pain, il doit se nourrir aussi de pensées positives donc tant que j’aurai des choses à dire, je chanterai. J ai collaboré pour ce nouveauprojet à venir , The King is back avec de nombreux artistes tels que Jacob Desvarieux, Admiral T, Saël, J-Max, Dédé Saint-Prix, K’reen, Linkhan, Gordon Hendersson, Keros’n pour ne citer qu’eux. Le premier single qui annonce le coffret-album de mes 30 ans de carrière c’est Démaré Mwen avec Jacob Desvarieux . Le clip de cette chanson , réalisé par Jima Kanor sortira prochainement . Je peux aussi déjà vous annoncer qu’avec mon équipe nous prévoyons de présenter The King is back en live et sur scène. Ça devrait se faire en octobre-novembre au Flow à Paris.
The Link Fwi : Comment avez eu l’idée de collaborer avec Jacob Desvarieux ?
King Daddy Yod : A force d’entendre dire que le zouk est mort, que ceci est mort, qu’untel est mort, j’ai souhaité montrer à travers cette collaboration que rien ne se démode. En gros c’est moi qui fait la mode et qui crée la tendance et non le contraire. Comme on dit « Rien ne meurt tout se transforme et se récupère ». Mais aussi il était important pour moi d’exposer mes racines zouk et gwo ka car je fais une musique qui vient d’ailleurs, de la Jamaïque plus précisément. C’est une façon de dire que je ne renie pas mes origines et ma richesse culturelle. Miles Davis a « big up » le zouk donc soyons Fiers nous Antillais, de qui nous sommes et de ce que nous avons. Je voulais aussi collaborer depuis longtemps avec ce pilier de la musique guadeloupéenne qu’est Jacob. Mais aussi montrer que la méthode Willy Lynch ne fonctionne pas sur les « nèg mawon ». On peut tromper un homme un temp mais pas tous les hommes tout le temps comme disait Bob Marley.
The Link Fwi : Après 30 ans de carrière, quels sont vos meilleurs souvenirs ? ( personnels et musicaux, collaborations, clips, concerts, ect)
King Daddy Yod : Attendez que je réfléchisse. (rires) Non mais après trente ans de carrière, les souvenirs sont nombreux, mais je peux citer quelques uns.
1995 , ma dernière grande tournée avec le prince du reggae Dennis Brown. Mais aussi quelques années avant en 1991-1992, le Mo Club qui m’a fait venir en Martinique avec Mc Solaar pour une série de concerts inoubliables . Quand à cette époque je pars chanter chez moi en Guadeloupe je prends aussi conscience de l’impact qu’a ma musique dans la vie des gens. J ai aussi le souvenir de Mega Mix qui est venu me filmer en Guadeloupe et en Martinique et de la réalisation du clip Faut pas taper la Doudou . Dans les années 90 on pouvait parler de « La Yod Mania ». Je peux également parler de mon concert avec Shabba Ranks à Maubert Mutualité à Paris. De mes nombreux passages télés dans des émissions cultes comme Rap Line. De mes enregistrements et mix avec Gussie P en France et en Angleterre. Mais en fait j’ai énormément de souvenirs comme ma signature chez Sony Music Publishing en 1992 ou chez Mercury en 1995. Sans oublier l’âge d’or de la musique urbaine et des sound systems dans les années 80 . Ainsi que ma rencontre avec le producteur Jr qui est devenu un ami. Et comment ne pas parler de ses séances photos pour l’album King avec le vélo du célèbre cycliste belge Eddy Mercx.
The Link Fwi : L’actualité sociale de la Guadeloupe et des Antilles en général ( Sargasses, CHU, chômage de la jeunesse ) vous inspire t-elle? En tant qu’artiste sous quel angle voyez vous cela ?
King Daddy Yod : Je me sens plus que concerné et c’est pour cela que je dis que le peuple a faim et soif de rap et de raggamuffin et que je lui en donnerai tant que j’aurai des choses à dire. Quand j’interprète Stoppons la violence avec Admiral T en juin 2017 , ce n’est paspour rien. Avec le titre Poum Poum ki la , je dénonçais aussi l’attitude de certaines femmes manipulées comme des objets. Je pense que pour contrôler un peuple, il faut contrôler sa musique . Le monde est passé de chansons à texte à du très sale, c’est pour cela que j’ai décidé de revenir et de dire « The King is back! » Les Antilles sont encore peu considérées par la France, nous avons besoin de soins et de matériel. Il est aussi certain que je trouve anormal les problèmes que nous rencontrons avec le CHU.
The Link Fwi : En tant que pilier de la musique antillaise, quels seraient vos conseils pour un jeune artiste antillais qui débute ?
King Daddy Yod : Mes conseil pour les jeunes artistes qu’elle que soit leurs origines sont : Connais toi toi-même, fais les chose avec amour et dans la joie. Quel que soit l’obstacle, crois toujours en tes rêves. Tu as le pouvoir de transformer l’eau sale en eau potable. On ne perd jamais dans la vie, soit on gagne, soit on apprend comme le disait Nelson Mandela. Chacun a une mission de vie , pour moi c’est la musique trouve la tienne.
King Daddy Yod en musique :
King Daddy Yod - Faut pas taper la doudou
Aïe Manman (Sé Sa Ou Di Mwen Pou Fè)
Professionnel ou Amateur :
Delbor :
King Daddy Yod ft Admiral T : Stoppons la Violence :
Daddy Yod - Faut Pas Taper La Doudou & Delbor - LIVE