Le Bèlè est la Martinique ce que le Gwoka est à la Guadeloupe. Le Bèlè est l'âme vivante de l'île aux fleurs. Mêlant chant, danse et musique, le bèlè martiniquais trouve ses origines dans les plantations de canne à sucre, dès le 17e siècle en pleine période esclavagiste. Longtemps relégué au rang de musique de " ti nèg ", le Bèlè trouve un nouveau souffle, les nouvelles générations se l'approprient et, ils en sont fiers.
( source photo : http://mijak.over-blog.fr )
Cette semaine sur les réseaux sociaux, la vidéo d'un jeune martiniquais de 7 ans a fait le buzz. L'enfant danse au rythme du tambour devant un parterre médusé. Cet enfant est la preuve vivante que le Bèlè n'est pas mort. Loin de là, les nouvelles générations se l'approprient avec aisance.
Aux origines africaines du Bèlè :
Le Bèlè est la Martinique ce que le Gwoka est à la Guadeloupe. Le Bèlè est l'âme vivante de l'île aux fleurs. Dans sa dénomination francisée » bel air ».
Bien que l'origine exacte du style musical soit floue, nous ne pouvons ignorer les influences des diverses traditions africaines ou même européennes. Un petit retour sur le passé est nécessaire.
Á partir des années 1670, de nombreux Africains, de pays et d’ethnies divers, sont déportés en Martinique pour travailler dans les champs de plantation. Interdits de communiquer dans leur langue ou encore de pratiquer leur religion, ces derniers ont recours au chant et à la danse pour s’affranchir, l’espace d’un instant, du joug des colons. Une façon de reprendre possession de leur être et d’échanger sur les conditions de travail, sur la vie de l’île... Initialement réprimées par crainte qu’elles n’incitent les esclaves à la rébellion, ces pratiques sont finalement autorisées accroissant leur productivité. Pendant les deux siècles que dure l'esclavage, cultures africaines et européenne se croisent et s’entrecroisent pour finalement s’enrichir l’une et l’autre, donnant naissance à de nouvelles formes d’expression à l’image du créole martiniquais. Porté par des rythmes effrénés, chant et danse sont indissociables. Un héritage typiquement africain avec lequel cohabite des réminiscences de quadrille français.
A cette époque, danser, chanter le Bèlè était l’expression libératoire d’un quotidien esclavagiste et post-esclavagiste.
Les éléments constitutifs du Bèlè :
le Bèlè est un genre musical dans lequel un chanteur mène la musique avec une voix qui porte, alors que se développe le dialogue entre les danseurs et le tambouyé (joueur de tambour). Il se structure toujours de la façon suivante : le chanteur (ou la chanteuse) donne la voix, suivi des répondè (répondeurs) ; le ti-bwa donne le rythme, et enfin le tambour fait son entrée, suivi des danseurs et danseuses.
Le ti-bwa est confectionné à partir de deux baguettes, branchettes d’arbres ligneux et durs (goyaviers, tibom, caféier) que l’on taille et fait sécher au soleil. Il est joué par un ti-bwatè (joueur de ti-bwa) sur la partie arrière du tambour bèlè et marque le rythme au son de » tak-pi-tak-pi-tak « .
A quel moment, dans-t-on le Bèlè ?
Généralement, on parle du Bèlè comme d'une danse au singulier, pourtant, comme pour le gwoka en Guadeloupe, il existe différents style Bèlè qui ont chacun leur fonction.
Il existe, les bèlè de travail : fouyé tè, rédi-bwa, téraj kay, coupé kan-n, mazon-n et gran son les bèlè de divertissement : bèlè, gran bèlè, bélia, kalennda, danmyé et ladja les bèlè pour veillées mortuaires : bénézuel, kanigwé, karésé yo, ting bang les danses » la lin’ klè » : mabèlo, woulé, mango.
Ces musiques se jouent donc à des moments bien précis : elles accompagnent la journée. Aux temps anciens, les champs de cacao et de café étaient assez éloignés les uns des autres et s’étalaient sur de grandes étendues à flanc de montagne. On chantait le gran son en retournant son champ. Les coups de houe étaient rythmés par les kon’ lambi (conques de lambi) et le bouillonnement de la terre raconté par le tambour à timbre. Le grand son était chanté par deux solistes masculins ayant une large étendue de voix. On retournait la terre en allant vers le sommet de la montagne, après quoi, on la sillonnait en descendant la montagne et le mazon-n, chant pour une seule voix accompagnait cette phase du travail avec toujours deux kon’ lambi qui marquaient le coup de houe.
Les chants, outre leur fonction de rythmer le travail, permettaient de raconter l’histoire de l’île, de la communauté, du voisinage, de relater avec ironie les différends entre colons, les déboires d’un camarade ou d’un contremaître… Après la journée, on dansait le ladja ou le danmyé. Le danmyé permet de se délasser après le labeur ; son rythme est rapide et enjoué. Il invite à danser. C’est aussi une forme douce de la danse interdite de ladja.
Le ladja est une danse de combat accompagnée de tambour, ti-bwa et chant. Il fut interdit par l’Eglise catholique à cause de l’utilisation du tambour (les africains utilisaient le tambour pour communiquer avec leurs divinités). Plus lent que le danmyé, ce qui lui donne un caractère plus grave, il était pratiqué le samedi soir. Seuls les majo (majors en français) dansent le ladja qui s’achève parfois par la mort d’un des combattants. On appelle major un danseur qui fait autorité. Ses seules armes sont son corps, son agilité, son intelligence. Le ladja nécessite une préparation longue et rigoureuse des majors et fait appel à une maîtrise d’éléments paranormaux, surnaturels, que certains qualifient de quimbois, rite équivalent au vaudou haïtien.
Aujourd’hui, trois foyers de bèlè peuvent être retrouvés en Martinique : au nord caraïbe (Basse-Pointe et ses environs), Sainte-Marie, et sud (Anses d’Arlets, Diamant). La Maison du bèlè présente une exposition des Anciens du bèlè de Sainte-Marie, et son travail actuel consiste à se rapprocher d’anciens des autres communes pour les sortir de l’ombre et les mettre aussi à l’honneur.
source : regards sur la planète / lamaisondubele.fr