Selon Franck Nicolas, le Jazz français discriminerait son petit frère, le Jazz créole. Il y aurait un manque de reconnaissance de la part des institutions musicales pour ce nouveau style, né du mélange entre les sonorités jazz et créole. En situation financière alarmante, le trompettiste Franck Nicolas qui a collaboré avec de grands noms de la musique antillaise comme française, a entamé une grève de la faim pour dénoncer la discrimination dont souffrent, selon lui, les musiciens d’origine antillaise. Le musicien a répondu à nos questions.
Perte de son statut d'intermittent, manque de considération pour sa musique, le célèbre trompettiste guadeloupéen en a marre et il le fait savoir. A travers un message posté sur sa page Facebook, le jazz man dénonce sa situation et a entamé une grève de la faim. Son message a depuis connu un buzz. Selon lui, le Jazz français discriminerait, le Jazz antillais. Il y aurait un manque de reconnaissance de la part des institutions musicales pour ce style, né du mélange entre les sonorités jazz et créole.
Avec près de 2600 "j'aime",environ 3000 partages et plusieurs centaines de commentaires, son coup de gueule est devenu viral.
En situation financière alarmante, le trompettiste Franck Nicolas qui a collaboré avec de grands noms de la musique antillaise comme française, a entamé une grève de la faim pour dénoncer la discrimination dont souffrent, selon lui, les musiciens d’origine antillaise. Le musicien a répondu à nos questions.
TheLinkFwi : Franck Nicolas, pour nos lecteurs, pourriez-vous vous présenter ? Qui est Franck Nicolas ?
Alors, je me présente Franck Nicolas, musicien jazzman, trompettiste. J'ai débuté assez jeune. A l’âge de 10 ans j’ai obtenu une 1ère mention de solfège & trompette avec les félicitations du jury au conservatoire de Bourges. J’ai travaillé ensuite de 10 à 18 ans en Guadeloupe avec Couvin Germain qui a été mon prof de jazz et de trompette. J'ai connu Kafé Edouard Ignol, grand maître du gwo ka moderne, à 11 ans. Il m’a tout appris du Gwo ka et m’a poussé à poursuivre son travail de recherche sur la musique des racines de Guadeloupe. A 20 ans je eu une licence de Musicologie à l'Université Paul Valéry de Montpellier. Par la suite, à 21 ans, j’ai enregistré un premier disque avec le Philharmonique de Montpellier. L'année suivante, à 22 ans, j'entame un apprentissage de la biguine jazz avec Alain Jean Marie dans les clubs Parisiens, Franc Pinot, Sunset... Actuellement, j’ enseigne le jazz et le jazz ka au JAM, qui l'école de jazz de Monpellier et ce depuis 30 ans. J’ai créé une méthode sur les Gammes Guadeloupéennes.J’ai 4 autres méthodes en cours: la méthode Jazz-Ka,une méthode sur les coquillages,une méthode sur la philosophie de la trompette moderne,et une méthode révolutionnaire sur l’apprentissage de la musique en général
TLFWI : Justement, vous êtes connu pour être le fondateur du style Jazz Ka ? Qu'est-ce que le Jazz Ka ?
Tout a commencé quand j'avais 25 ans, j’ai commencé à faire des voyages à NEW YORK, en écoutant les Jazzmen là-bas j’ai bien compris que je n’étais pas Américains j’ai fais des essaie dans les studios lamas et la 3ème fois que je suis revenu à NEW YORK j’ai trouvé l’alchimie parfaite entre le Jazz et Ka ça a donné le jazz-ka ( mélange de jazz et de tambour traditionnel Guadeloupéen) Là ma carrière décollé j’étais partout dans les festivals ou clubs ou théâtres ou on acceptait notre musiqueet ceci jusqu’en 2015.
TLFWI : Combien d'albums avez vous déjà réalisé et quelles sont les collaborations que vous avez fait ?
Oula, (rire). J’ai réalisé et composé 13 albums Jazz Ka et un album Jazz-Bèlè entre 2002 et 2018 coproduit avec Emanaprod qui est ma maison d’édition. En ce qui concerne les collaborations, la liste est longue, j’ai donc enregistré avec : Alain Jean Marie,Mario Canonge,Magik Malik,Nelson Veras,Michel Alibo,Eric Vincenot ,JaquesSwhartzbart,Gregory Privat,Jean Christophe Maillard ,Sonny Troupé,Arnaud Dolmen,Joby Julienne et plus recement avec les chanteurs :Ladreseau,Renée Geofroi, Somnanbil,Tanya St Val , Tony Chasseur,Ralph Thamar,Tricia Evy…
TLFWI : Récemment vous avez fait le buzz sur les réseaux sociaux, un buzz dans lequel vous évoquiez votre situation financière, quelle est-elle à ce jour ?
Une situation ou j’ai perdu mon statut d’intermittent du spectacle,ça fait mal au bout de 20 ans. Comme je le disais dans mon post sur Facebook, Pôle Emploi a décidé que l’association qui déclare une bonne partie des musiciens de Montpellier, n’était pas viable.Je me retrouve condamné à rembourser 2 ans d’assedics, et on ne me verse plus d’indemnité…
TLFWI : Dans votre post facebook, vous parlez de discrimination à l'égard de la musique antillaise. Quelle est la situation des artistes antillais à ce jour en France ?
Je parlais donc du jazz ka du jazz Bèlè et de la biguine, ce sont les musiques savantes de Guadeloupe et Martinique. Alors que les journalistes de la presse Nationale n’ont fait qu’écrire des articles dithyrambiques sur nos albums, et bien les portes de la plupart des festivals de jazz nous sont fermées. Pourtant, le public jazz adore notre musique. Il est très friand des nouveaux albums qu’on sort !!! Ces nouvelles musiques constituent un nouveau courant dans le jazz, mais n’ont pas accès aux réseaux des tourneurs qui eux ne croient pas au potentiel de notre art. Puis, j'en ai marre de voir que, lors d’un envoi de l’un de mes albums Jazz-Ka aux programmateurs de festivals que l'on me rétorque : « Ce n'est pas du Jazz ».Je dénonce une discrimination évidente à l’égard de la musique Jazz qui vient de Guadeloupe ou de Martinique…
Quel musicien des Antilles Françaises a déjà eu une Victoire Jazz de la musique ? Pourquoi n’y a- t-il aucun Martiniquais ou Guadeloupéen sur la grande scène de Marciac (avec son groupe de Jazz Caribéen )? Ne sommes nous pas du niveau des autres ?Est- ce que nos musiques Biguine, Jazz-Ka,ou Jazz-Bèlè, sont si peu intéressantes qu’elles ne méritent pas d’être programmées dans tous les festivals Jazz en France? Peut-être font-elles peur parce qu’elles prennent racine dans l’histoire de nos îles? Nous savons pertinemment que l'esclavage et l’extermination des Amérindiens Caraïbes demeurent des sujets tabous en France. Pourtant nos musiques ne prônent qu’un message de paix et d’ouverture.
TLFWI : Concrètement, quelle est la situation du Jazz créole ?
Pour ne rien vous cacher, il est en train d’exploser au niveau des productions réalisées mais reste invisible à cause des politiques de La France et de ses programmateurs parfois frileux et parfois conservateurs. En outre, l’engouement du public montre bien l’intérêt de nos cultures profondes et la vente des CDs également,(alors qu’on est difficilement distribué dans l'Hexagone. Fort heureusement, on a la chance d’être soutenu par les journalistes de Jazz et autres, mais à part quelques programmateurs qui nous connaissent bien, la majeure partie des autres minimisent notre art et boudent nos musiques ! Comme le disait le violoncelliste Vincent Ségal« les festivals de jazz en métropole ne soutiennent pas assez la créativité de Guadeloupe, de Martinique mais aussi de l’océan Indien (La Réunion) », alors même que les collectionneurs se précipitent aujourd’hui sur le moindre vinyle de jazz insulaire des années 1970.
TLFWI : Grâce à votre coup de gueule vous êtes un peu le porte parole des artistes antillais. Vous considérez vous en tant que telle ?
(rire) Je ne me considère pas comme un porte parole , loin de moi cette idée , mais j’ai toujours été un combattant pour mes idées ma philosophie de la musique et pour l’amour inconditionnel de mon pays : la Guadeloupe. En revanche je rêve d’être un jour ministre de la culture pour mettre sur un pied d’égalité les arts des Antilles avec ceux des autres régions.
TLFWI : Depuis que vous avez parlé de vos difficultés, votre situation est-elle entrain de s'améliorer ?
Au bout de 3 jours de grève de la faim, j’ai été surpris par un tsunami de messages de demandes d’interviews pour les radios : TSF Jazz , France Culture, France0, Guadeloupe 1ère,RCI etc …Jai eu également dès le 1er jour un superbe article dans Télérama , sur france Culture et dans midilibre puisque l’action se passe à Montpellier !!! Je projette un jour de faire une école Jazz-Ka , mes différentes méthodes pédagogiques sont en cours de fabrications mais j’attends toujours l’aide de l’état et l’aide de la Guadeloupe !!! Il faut former la jeunesse des Antilles car elle a un potentiel énorme …il faut savoir que Guadeloupe(jazz-ka) , Martinique (Jazz bèlè , Guyane ( jazz-kaséko), Réunion (maloya-jazz) sont l’avenir du JAZZ
Comme le révélaient nos confrères de Télérama, sur le post Facebook plusieurs artistes ont levé le voile et révélé eux aussi le manque de considération des institutions. A ce jour, une cagnotte en ligne a été lancée par des amis du trompettiste pour lui venir en aide. La cagnotte est sur Leetchi