L'ancienne présidente de la Région Guadeloupe et ancienne conseillère auprès du défunt président Jacques Chirac, a été condamnée hier à à deux ans de prison avec sursis, 100 000€ d'amende ainsi qu'une interdiction définitive d'exercer une fonction publique et à cinq ans d'inéligibilité. Cette condamnation est avant tout symbolique mais, elle ne marque pas la fin de l'influence que l'ancienne Dame de Fer exerce sur la scène politique locale.
Présence sur la scène politique locale et nationale depuis 1957, Lucette Michaux Chevry aurait pu avoir une carrière politique d'exception. Malheureusement, le parcours de celle que l'on surnomme la " Dame de Fer" a été entaché par de nombreux scandales politico-financiers.
Souvenez -vous, le premier remonte à 1995 à cette époque Madame Michaux-Chevry, maire de Basse-Terre,est éclaboussée par "l'affaire dite du comité de gestion des oeuvres sociales de la commune de Gourbeyre." Cette association, non déclarée recevait des dons de sociétés en lien avec la commune et une partie de ces fonds transitait sur un compte bancaire à son nom. La chambre régionale des comptes découvre à ce moment qu'elle avait bénéficié de retraits en espèces et de virements bancaires sur son compte personnel à Paris, de même que son secrétaire général de mairie, alors financier de la fédération RPR (ancien Les Républicains). Une commission douteuse avec une somme de : 860 000 francs versée par la commune à Michel Pacary. Durant l'enquête, Lucette Michaux-Chevry était dans l'incapacité de répondre aux questions des juges.
Puis, il y a eu l'affaire David Janky. Souvenez-vous, dans un accès de colère, "Cecette" avait licencié le directeur des services financiers de la région parce qu'il avait, comme la loi l'y oblige, fourni des documents budgétaires aux magistrats de la chambre régionale des comptes. Cette affaire a profondément divisé énormément la Région, mais après un procès houleux, le Dr Janky obtient gain de cause de la part du Tribunal administratif et du Conseil d'Etat et sa réintégration à son poste. Par la suite, il attaqua Lucette au pénal, l'accusant d'avoir produit une fausse délibération du Conseil Régional. Elle fut mise en examen pour faux en écriture publique.
N'oublions pas l'affaire dite de l'office du tourisme de Guadeloupe, aux mains de l'un des proches de Lucette Michaux-Chevry, Philippe Chaulet ancien maire de Bouillante. A cette époque, la Chambre Régionale des comptes estimait que cet organisme, pourtant subventionné par la Région, était en cessation de paiement de façon permanente, accumulant les dettes envers les organismes sociaux et les emprunts bancaires pour assurer sa trésorerie, tout en entretenant, avec quelques sociétés, des relations financières. La société CEP Euro Editions, avait reçu près de 20 millions de francs(de l'époque) sans aucune mise en concurrence, sans aucun contrat signé pour des actions de promotion du tourisme en Guadeloupe. De même, une autre société, Lana Consultants, située près de la frontière suisse avait pour unique client, l'office du tourisme de la Guadeloupe. Épinglés par les magistrats, les responsables étaient dans l'incapacité de fournir des documents relatifs aux actions menées en faveur de l'office pour des sommes allant de 1 million à plus de 2 millions de francs chaque année.
Loin de faire profil bas, Lucette Michaux-Chevry récidive mais cette fois, elle est condamnée en 2002, pour favoritisme dans l’attribution de marchés publics. Elle dû payer une amende de 20.000 euros à l'issue du procès Gepremo, une entreprise dont la Région Guadeloupe était le seul client. Cette condamnation, une première dans sa carrière politique portera préjudice à sa candidature lors des élections régionales.
Après sa défaite aux régionales de 2004, c'est une région surendettée, désorganisée, en faillite morale et économique, avec un déficit cumulé de 100millions d'Euros, que son successeur, l'ancien Ministre et Président de Région Victorin Lurel a su diminuer.
Longtemps en retrait de la vie politique, Lucette Michaux-Chevry fait son grand retour lors des élections municipales de 2008, qu'elle gagne largement. En 2014, elle se représente et gagne, mais stupeur, elle quitte le siège de maire, pour, le donner à sa fille, l'ancienne ministre des Outremers, Marie-Luce Penchard, après un vote interne au conseil municipal. Ce qui constitue une faute morale, voire un acte de trahison envers les électeurs, qui ne pardonneront pas vu la cuisante défaite qu'elle subit lors des départementales de 2015.
Cette fois, c'est l'affaire de trop. " Cecette" comme les guadeloupéens la surnomme affectueusement, est soupçonnée d'avoir fait rénover son appartement du 17e arrondissement de Paris en surfacturant des travaux de réfection d'une école primaire de Basse-Terre, alors qu'elle était encore maire de la ville.Les aménagements avaient été effectués afin d'adapter l'appartement aux besoins de la femme de son petit-fils, devenue handicapée. A la tête du chef-lieu jusqu'en 2014, Lucette Michaux-Chevry aurait sollicité deux prestataires de la mairie pour prendre en charge financièrement et physiquement les travaux de l'appartement. Dans cette affaire, les gérants des deux sociétés ont été placés en garde à vue en avril 2015. L'enquête est menée dans le cadre d'une information judiciaire ouverte par le parquet de Basse-Terre qui avait saisi la brigade financière de la Direction interrégionale de la police judiciaire, à la suite d'une lettre anonyme envoyée au procureur, après la fin de son mandat de maire.
Deux ans après, en 2017, interrogée par le juge d'instruction du Tribunal de Basse-Terre, la " Dame de fer " fait un malaise. Elle est transportée à l'Hôpital de Basse-Terre. Suite à cela, l'audition est donc interrompue, puis suspendue en raison de l'état de santé de la présidente de la CASBT.
Sauf que voici qu'en ce début d'année 2019, plus exactement le 15 Janvier, les instructions reprennent à la demande du Parquet de Paris. Pour cette fois, ce n'est pas seulement Lucette Michaux-Chevry qui est interrogée par les inspecteurs, mais il y a aussi, sa fille Marie-Luce Penchard ( 2e Vice-Présidente de la Région) et son petit-fils Alexandre Penchard. Après, 24h de garde à vue, l'ancienne secrétaire d'Etat et sa famille sont relâchés.
Mais c'est un autre scandale qui a sonné le glas de la carrière de l'ex-présidente de la Communauté des communes du Sud Basse-Terre Grand Sud Caraïbes. Elle comparaissait devant la justice pour favoritisme dans la passation de marché public mais également pour quatre autres infractions autour de l’eau. Elle était jugée pour n’avoir pas contrôlé la production et distribution d’eau en zone polluée par la chlordécone, une eau tirée d’un captage illégal de surcroît, pour pollution de l’environnement en raison d’un défaut d’équipement d’assainissement, et pour une affaire de favoritisme dans l’attribution d’un marché public relatif au transport. Absente lors du délibéré, l’ancienne ministre de Jacques Chirac, est également condamnée à cinq ans d’inéligibilité et se voit interdire définitivement d’exercer une fonction publique. Le tout est assorti d’une amende de 100 000 €, somme alourdie par le juge. Lors du procès mi-octobre, le parquet avait requis 45 000 € d’amende.
Cette première condamnation pourrait être suivi d'une seconde, car, elle est également mise en examen dans une affaire de détournement de fonds publics et de blanchiment présumés à la Communauté d’agglomération Grand-Sud Caraïbes, dont le procès se tiendra début 2020. En attendant, elle pourrait faire appel de la décision des juges.
Retour sur soixante ans de vie politique :
Née le 5 Mars 1929 dans une famille de dix enfants de Saint-Claude, Lucette est une élève brillante, à l'Externat de Saint-Claude puis au Lycée Gerville Réache. Une fois le Bac en poche, "Cècette" optera pour des études de Droit à Paris-Sorbonne. En 1954 elle retourne en Guadeloupe où elle fait son entrée au barreau la même année. C'est à partir de 1957, qu'elle entamera une carrière politique, en chaînant des rôles politiques stratégiques :
En 1957, elle est élue conseiller municipal de Saint-Claude.
En 1976 : Elle est élue conseiller général du canton de Saint-Claude/Gourbeyre
En 1982 : Elle devient président du conseil général de la Guadeloupe. Elle met en place la décentralisation
En 1983 : Elle conduit victorieusement les élections régionales.
En 1985 : Elle est réélue conseiller général de Gourbeyre. Un an après, en 1986 : Elle est nommée secrétaire d’état à la Francophonie. En, 1987 : Elle est élue maire de Gourbeyre (de 1987 à 1995). L'autre année en 1988 : Elle est réélue député de la Guadeloupe
En 1992 : Elle gagne les élections régionales et devient en Janvier 1993 : la première femme Présidente du Conseil Régional de la Guadeloupe (à la suite de l’annulation des élections Régionales)
En Mars 1993 :Elle est réélue député de la Guadeloupe. Le même mois, elle est nommée ministre de l’Action Humanitaire et des Droits de l’Homme du Gouvernement BALLADUR. Elle y restera de Mars 1993 à Mai 1995.
En 1995 : Elle est élue maire de Basse-Terre. Cette même année, en 1995, elle est élue sénateur de la Guadeloupe ainsi que conseiller auprès du Président de la République Jacques Chirac.
En 1998 : Elle est réélue président du Conseil Régional. L’un de ses grands moments politiques aura été la "Déclaration de Basse-Terre" en 1999 qui posera la question statutaire des trois Départements français d’Amérique.
En 2000 :Elle devient présidente d’Objectif Guadeloupe. Un mouvement politique rangé à droite.
Le 23 mai 2004, affaiblie par le résultat du vote sur l’avenir constitutionnel de l’île. Elle n'est pas réélue à la Présidence du Conseil Régional. battue par Victorin Lurel (PS) qui quittera ses fonctions lors des dernières régionales de 2016, qui l'opposait à Ary Chalus, candidat soutenu par Lucette Michaux-Chevry.
Le 17 mars 2008 : Elle est réélue maire de Basse-Terre avec 50,06%
En 2014, elle est réélue à la maire de Basse-Terre mais démissionne au profit de sa fille Marie-Luce Penchard.