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CRASH DU VOL 117 : Accident ou Attentat ?


En Guadeloupe qui ne connait l'histoire du vol 117 de la compagnie Air France, qui s'est écrasé dans le ciel de Deshaie un 22 Juin 1962, alors que l'avion entamait sa descente vers l'ancien aéroport du Raizet ? Jusqu'à ce jour ce crash divise, pour certains il s'agit d'un accident pour d'autres, ce serait un attentat orchestré par les services secrets français : le SEDEC. Et pour cause des indépendantistes et des intellectuels de gauche se trouvaient à bord..

Qui en Guadeloupe ne connaît pas l'histoire du crash du vol 117 de la compagnie Air France ? Sans doute les jeunes générations assimilées. Pourtant jusqu'à ce jour, l'enquête sur les causes de ce que l'on pourrait considérer comme un accident n'ont jamais aboutit. Pire, depuis 50 ans, c'est le mystère autour de cet événement qui a marqué l'époque. Les plus complotistes parlent d'attentat commis par le gouvernement français avec à sa tête Le Général De Gaulle et son éminence grise : Jacque Foccart, le monsieur Afrique de l'Elysée, fondateur de la FrançAfrique. Ces personnes ont sans doute raison, car, parmi les 103 passagers se trouvent des personnalités qui auraient pu inquiéter l'Etat : le militant indépendantiste et écrivain guadeloupéen Albert Béville alias Paul Niger, le député autonomiste guyanais Justin Catayée et l'écrivain d'extrême gauche colombien Jorge Gaitán Durán. Pour les autres, il s'agit simplement d'un accident.

Retour sur l'accident :

Il est 4h15 du matin quand le Boeing 707 de la compagnie Air France baptisé "Château de Chantilly" s'écrase dans les hauteurs de Deshaies en Guadeloupe. Le vol du 22 juin 1962 immatriculé F-BHST assurait la liaison Paris/Santiago de Chili avec diverses escales : Lisbonne (Portugal), Santa Maria (Açores), Pointe-à-Pitre(Guadeloupe), Bogota (Colombie) et Lima (Pérou). L'avion décolle de l'aéroport d'Orly à minuit, heure locale. Aux commandes, le commandant de bord est André Lesieur, un des pilotes les plus expérimentés de la compagnie française.

À l'escale de Lisbonne quelques passagers descendent et huit autres embarquent. Après une nouvelle escale aux Açores, l'avion se dirige vers la Guadeloupe, où il arrive de nuit, vers 4 h du matin. Le temps est orageux, avec des éclairs, de la pluie et des vents de 30 à 40 nœuds. L'avion fait une première approche vers la piste dans des nuages bas mais a semble-t-il des problèmes avec son train d'atterrissage. Il survole la piste et fait alors un demi-tour sur la gauche, selon la procédure d'approche interrompue. L'équipage s'annonce à la verticale de la balise NDB à 5000 pieds, puis la communication avec la tour de contrôle est perdue et quelques minutes plus tard, l'avion heurte la colline dite du Dos d'âne, à environ 420 mètres d'altitude, dans une zone boisée à 23 kilomètres de l'aéroport.

Pour les ardents défenseurs de la thèse accidentelle, le crash serait dû à une panne du VOR (système de positionnement radioélectrique utilisé en navigation aérienne), l'insuffisance des données météo transmises à l'équipage et la perturbation du radiocompas par l'orage. L'aéroport n'était à l'époque pas équipé d'ILS (Système d'atterrissage aux instruments) et son VOR était hors service, impliquant une procédure d'approche NDB, ( qui est une station radio localisée en un point identifié, et utilisée en tant qu'aide à la navigation aérienne ou maritime) beaucoup moins précise.

En outre, il est possible que les indications du radiocompas dites ADF aient été perturbées par l'orage, faisant dévier l'avion à 15 km de la trajectoire nominale.

Parmi les défenseurs de la thèse accidentelle, il y a Edouard Boulogne dit le Scutateur , journaliste et ancien professeur de philosophie. Selon lui, parler d'attentat serait du complotisme. Comme il le dit lui-même dans son blog : " Comment pourrait-on l'oublier puisque, chaque année, et plusieurs fois plutôt que deux ou trois, les radios et télévisions de nos îles nous rappellent cet accident, transformé en attentat probable de l'Etat français, contre ce député alors autonomiste en politique, l'autonomie ayant été dans le vocabulaire politique de ces années 60 et 70 synonyme de séparatisme ou indépendantisme [...] Justin Catayée était un autonomiste guyanais. Soit!Etait-il cependant un personnage si important que son existence mit en péril l'équilibre national ?Et, en admettant que l'on ait jugé bon de le rayer du nombre des vivants, n'existait-il pas, pour les services secrets d'une grand nation de moyen plus appropriés, et moins couteux que la destruction, avec lui, d'un avion Boeing, et d'un centaine de passagers de toutes origines, parmi lesquels plusieurs amis du Scrutateur?Par exemple un bon petit accident d'auto, sur une route déserte, alors que le député se rendait chez une amie.Ou bien une bonne petite indigestion qui tourne mal, à la fin d'un bon repas entre copains, si l'on voit ce que je veux dire.Facile pour les services secrets d'un pays organisé. Et tellement moins couteux!Le raisonnement est simple et clair.D'où la nécessité, pour les accréditeurs de fables, de mentir à répétition, en vertu d'un principe, vieux comme la politique, évoqué par Voltaire ( « mentez, mentez! Il en restera toujours quelque chose ) et repris à son compte par Adoph Hitler : « Un mensonge répété dix fois reste un mensonge; répété dix mille fois il devient une vérité. »

D'après l'arrêt de la Cour d'Appel d'Amiens du 05 Février 1979, l'entière responsabilité du crash reposerait sur le pilote qui n'aurait pas utilisé les services de son copilote, méconnaissait la piste de Pointe-à-Pitre et compte tenu des avaries mécaniques et des conditions météorologiques n'aurait pas correctement adapté sa trajectoire. Il convient de noter qu'il n'y a toutefois pas de conclusions officielles.

Mais, il existe, des faits troublants : l'avion avait été livré à Air France quelques mois plus tôt, en mars 1962 et n'affichait que 963 heures de vol Il avait fait l'objet d'une inspection la semaine qui précédait le crash. Donc à première l'appareil n'avait aucun problème. Quant au commandant de bord, alors âgé de 42 ans, c'était un pilote décoré de la Seconde Guerre mondiale. Il avait rejoint Air France en 1946 et totalisait plus de 15 000 heures de vol dont 1 800 sur Boeing 707. Il fut à plusieurs reprises, le pilote de l'avion présidentiel lors de voyages du Général De Gaulle dont celui aux États-Unis et au Canada en avril 1960. Malgré son jeune âge il était un proche (non avéré) de Jacque Foccart à la tête du SA (service action) au sein du SEDEC, ancêtre de la DGSE.

De plus jusqu'à présent, les causes exactes de l'accident restent à ce jour inconnues. C'est même le vide total, le silence autour de ce crash, que bon nombre de guadeloupéens qualifient d'attentat. Qui plus est, le crash s'est produit sous un orage mais dans des conditions météorologiques acceptables pour un quadriréacteur comme le Boeing 707..

Pour l'historien guadeloupéen, René BELENUS connu pour ses nombreux travaux sur l'Histoire des Îles de Guadeloupe, il y aurait plusieurs éléments troublants autour de l’événement de 1962. Premièrement :

- Un interdit de séjour en Guadeloupe, demandé par la préfecture contre Albert BEVILLE est autorisé à partir ce jour là.

- Deux députés de la Guadeloupe dont Paul LACAVE sont « invités à ne pas prendre cet avion là.

- Un commerçant de Basse-Terre est invité à débarquer à Lisbonne.

- La veille à Paris, le député Justin Catayé s'était fait couper le micro par Chaban DELMAS à l’Assemblée Nationale, alors qu'il parlait de la situation tendue en Guyane, avec la violente répression menée par le Préfet Érignac. Coupé dans son élocution, en colère, il aurait déclaré que c’était la dernière fois qu’il s’adressait à la France. Le lendemain il prenait l’avion pour rejoindre Cayenne, Ville morte ce 22 juin 1962... Avant d'embarquer, il rencontre Aimé Césaire alors député de la Martinique avec lequel il aurait discuté de divers sujets notamment l'évolution institutionnel des Départements Français d'Amérique. On en sait pas plus...

- Dans ses notes René BELENUS souligne le fait que des pécheurs en mer la nuit du drame, ont vu l’explosion de l’avion en vol, ce qui appuierait la thèse de l'attentat.

- De plus le nez de l'avion est resté intact alors que l'on dit que l'avion aurait piqué vers le sol avant de s'écraser. Ce qui ébranle une nouvelle fois la thèse de l'accident comme le stipule le journal Air-Safety.

- A l'époque, les boîtes noires n’enregistraient pas les conversations de la cabine

-Pour finir, le rapport du BEA (Bureau d'Enquêtes et d'Analyses) reste introuvable.

Toutes les thèses "complotistes" ont malheureusement du fondement : Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, de l'Asie, à l'Afrique subsaharienne en passant par le Maghreb, les peuples se soulèvent et revendiquent leur droit à l'autodétermination. Les années 50 marqueront l'accès à l'indépendance de nombreux pays. Au plan national et local, l'après-guerre est marqué par la promulgation de la loi d'assimilation (19/03/1946 - cf publication CSO) faisant de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion des départements français. Dès les premières années qui suivent cette promulgation, des voix s'élèvent pour dénoncer ses insuffisances et manquements estimant qu'elle ne remet pas en question le système colonial. Mais c'est l'année 1956 qui marque un tournant décisif dans l'opinion des élites politiques antillaises et des mouvements étudiants de l'hexagone. Dorénavant, les revendications portent sur la reconnaissance d'une identité culturelle antillaise, et l'exercice du pouvoir décisionnel par les élus locaux. La rupture est amorcée. Ainsi, cette année, Aimé CESAIRE démissionne du PCF à qui il reproche sa ligne assimilationniste.

En Guadeloupe, c'est un an plus tard que Rosan GIRARD démissionne de son poste de Député. Suite à la décision du Conseil d'Etat de dissoudre le conseil municipal du Moule, il estime qu'il "n'a plus à siéger au sein d'une assemblée française" et invite le peuple guadeloupéen à se mobiliser pour atteindre l'objectif stratégique qu'est la "libération politique de la Guadeloupe" (L'Etincelle - 13/07/1957).

La revendication identitaire et nationaliste s’exprime également au travers des associations étudiantes antillo-guyanaises installées en France telles que l'AGEG (Association Générale des Etudiants Guadeloupéens). Au départ, ces étudiants se réunissent autour de problématiques culturelles et historiques. Cependant, le contexte de décolonisation des années 50, les rapproche de leurs homologues africains. De plus, la situation politique aux Antilles et la guerre d'Algérie influencent également leur pensée identitaire qui devient bientôt plus radicale. Ils s'affirment nationalistes et réclament l'autonomie. Les velléités autonomistes sont sévèrement condamnées par l'Etat. Ainsi, on note la mise en place d'une section Antilles-Guyane de la DST (Direction de la Surveillance du Territoire). Le 15 octobre 1960, Michel DEBRE édite une ordonnance permettant aux préfets d'expulser de leur pays les fonctionnaires ayant un comportement de nature à troubler l'ordre public. Des fonctionnaires antillais se voient alors muter dans l'hexagone. D'autres, originaires des Antilles et de la Guyane mais en poste dans l'hexagone se voient interdire de séjour en territoire ultramarin.

C'est dans ce contexte de tension que Justin CATAYEE et Albert BEVILLE vont se forger une opinion politique, prônant l'autonomie des Départements Français D'Amérique. Entre eux et l'Etat Français ce sera la rupture jusqu'à leur mort tragique.

Les victimes politiques de ce crash :

Albert BEVILLE né le 15 décembre 1915 à Basse-Terre est le fils de Raoul BEVILLE, né en 1870 qui est l'un des premiers avocats noirs, et d'Edmée MICHEL, issue de la petite bourgeoise blanche née en 1871.

Albert suit une brillante scolarité qui le conduit en 1928 au lycée Carnot où il se lie d'amitié avec Guy TIROLIEN. C'est là qu'ils écrivent leurs premiers poèmes et se découvrent une fascination pour l'Afrique. A l'issue de ses études à l'ENFOM (Ecole Nationale de la France d'Outre-Mer), BEVILLE embrasse une carrière dans l'administration coloniale qui le mène en Afrique dès septembre 1944. D'abord au Sénégal, puis au Mali, en Guinée et enfin au Dahomey (actuel Bénin). C'est sur le bord du fleuve Niger dit "fleuve de sang" au Mali qu'il prendra le pseudonyme "Niger".

Influencé par le courant de la négritude et proches des écrivains africains francophones, il fonde avec Alioune DIOP la revue Présence Africaine. A travers ses textes et sous couvert d'anonymat, il exprime l'idée d'une identité africaine et antillaise propre, affichant ainsi un anti-assimilationnisme d'abord culturel avant de devenir politique.

Les événements des 20, 21 et 22 décembre 1959 à Fort-de-France marquent un tournant décisif dans son engagement politique. Pour mémoire, un banal accrochage routier entre un cyclomotoriste noir et un automobiliste blanc, tournera à l'émeute, sévèrement réprimée par les CRS sur ordre du Préfet PARSI. Trois jeunes âgés de 15 à 20 ans y trouvent la mort. Très touchés par ce déferlement de violence, un collectif de seize personnalités antillaises parmi lesquelles Marcel MANVILLE, Edouard GLISSANT et Albert BERVILLE écriront au Ministre délégué à l'Outre-mer. Exprimant leur indignation, ils en profitent pour réclamer l'ouverture par le gouvernement de négociations pour le changement de statut des Antilles. Ils parlent alors de "Décolonisation des Antilles".

De 1960 à 1962, l'activisme politique de BEVILLE s'affiche clairement. Ainsi, en 1961 il participe à la création du Front des Antillais et Guyanais pour l'Autonomie. Lors du congrès des 23 et 24 avril de la même année, il y présente un rapport politique dans lequel il dénonce l'assimilation comme étant "la forme suprême du colonialisme".

Le 22 juillet 1961, le Général de Gaulle décide de la dissolution du Front. Bien que dissout, le Front continue ses activités dans la clandestinité. Il décide même de s'étendre en Afrique subsaharienne, aux Antilles et en Guyane. Cette prise de position vaut à BEVILLE un blâme et une rétrogradation. C'est alors qu'il décide de se mettre en congé de longue durée et envisage un voyage en Guadeloupe afin d'y préparer son installation en tant qu'avocat et dirigeant de la section Guadeloupe du Front.

Justin CATAYEE est né à Cayenne le 30 mai 1916 de parents martiniquais. A la fin de la guerre, il entreprend des études de mathématiques à Bordeaux. Titulaire d'une licence, il décide de rentrer en Guyane où il occupe un poste de professeur de mathématiques au lycée Félix Eboué de Cayenne.

Son retour marque le début de son engagement politique. Dès les années 50, il se prononce en faveur d'un changement de statut de la Guyane. En 1953, il devient conseiller municipal de Cayenne. Il fonde le PSG (Parti Socialiste Guyanais) et le journal "Debout Guyane". En 1958, il gagne alors en popularité, et remporte en novembre de la même année les élections législatives. Très actif au sein de l'Assemblée Nationale, le 19 juin 1959, il dépose un projet de statut spécial donnant aux élus locaux les pouvoirs de décision pour le développement économique de la Guyane. Mais aucune suite ne sera donnée à ce projet.

Malgré son soutien au Général de Gaulle lors du référendum, les deux hommes entretiennent des relations extrêmement tendues. A plusieurs reprises, le député guyanais demande audience au Chef de l'Etat, en vain. Dans un courrier adressé à ce dernier le 07 février 1961, le député écrit: "Jai le regret de vous informer que je suis contraint de porter le problème guyanais devant les instances internationales; la politique appliquée en Guyane par le gouvernement ne laisse aux Guyanais que deux alternatives désespérées; s'expatrier ou tomber sous les balles des mitrailleurs qu'on leur prépare. Vous avez Monsieur le Président de la République, publiquement proclamé à la face du monde le principe de l'autodétermination que vous nous refusez (...)." Malgré ses relances, face au silence méprisant de l'Etat français, le discours de CATAYEE devient de plus en plus anticolonialiste et radical.

Sur le sol guyanais, dès 1961 des voix s'élèvent contre la décision de l'Etat d'installer la Légion étrangère. Selon CATAYEE, cette décision est prise "(...) dans le but inavoué, mais réel, d'imposer par la force la plus odieuse des politiques coloniales". Le 14 juin 1962, une manifestation contre l'implantation de la Légion étrangère est sévèrement réprimée par le Préfet ERIGNAC (père du préfet assassiné en 1998 en Corse). Alors à Paris, CATAYEE décide d'écourter son séjour. Mais avant, le 19 juin il prend la parole à l'Assemblée Nationale pour dénoncer ces faits. Il est rappelé à l'ordre par Jacques CHABAN-DELMAS Président de la Assemblée. Il aura tout de même le temps d'exprimer ces paroles prophétiques "Je parle peut-être ici pour la dernière fois".CHABAN-DELMAS dira de lui dans son éloge funèbre : qu'il était " le porte-parole passionné et talentueux de ceux qui l'avaient élu."

Un jour la vérité ?

Le 22 Juin dernier, les élus de Guadeloupe, Martinique et Guyane se réunissaient à Pointe-à-Pitre sous invitation du maire de la ville afin d'honorer la mémoire de ces intellectuels, combattants de la liberté des peuples opprimés. Une plaque commémorative fut même déposée afin de rappeler le souvenir du fondateur du parti socialiste guyanais.

La question est de savoir maintenant, quand saurons-nous la vérité sur ce crash qui a fait et qui fait couler tant d'encres ? Avec le temps, le secret est levé, la période du silence assourdissant est terminée. Une commission d'enquête nommée Stora a été créée sous arrêté ministériel datée du 22 avril 2014. Elle devrait rendre un rapport "vérité"sur les événements de 1959 à Fort-de-France, ceux de Mai 1967 à Pointe-à-Pitre et notamment sur le crash du 22 Juin 1962.

Attendons..

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